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28 avril 2008 1 28 /04 /avril /2008 09:20

Enfin ! Depuis quelques jours, le texte intégral du projet de révision constitutionnelle sur la modernisation des institutions est disponible sur le site internet de Matignon. Une occasion pour en faire une lecture minutieuse.

La réforme des institutions est complètement engagée. Le texte définitif a été adopté au Conseil des ministres du 23 avril 2008 après être passé au Conseil d’État et va se trouver dans l’ordre du jour des débats parlementaires en mai et en juin 2008 avant une adoption définitive par le Congrès à Versailles prévue en début juillet 2008.

Voilà un processus qui aura mis près d’une année, alors qu’au départ, il était prévu de tout terminer avant février 2008. Un procédé ralenti à la fois par la multitude des réformes gouvernementales, la baisse de popularité de Nicolas Sarkozy à la veille des élections municipales et cantonales et par une absence (confirmée encore par le Parti socialiste) de consensus sur les grandes lignes du projet de révision.

Je vous propose de lire ensemble les principaux points de modification de la Constitutions proposés par ce projet de loi (défendu en principe par le Premier Ministre François Fillon lui-même et pas par la Ministre de la Justice Rachida Dati), et d’en faire mes commentaires personnels, qui n’engagent évidemment que moi.

Dans ce premier article (pour ne pas faire trop long), je me concentrerai sur la méthode et les justifications de la révision, puis dans un deuxième article, sur les dispositions qui ne concernent pas spécifiquement le Parlement (sur l’Exécutif et le droit des citoyens) et enfin, dans un troisième article, celles qui redonnent du pouvoir et du contrôle au Parlement.


1. La manière de réviser la Constitution

Prenons d’abord la méthode du processus choisi.

Au départ, l’élection présidentielle a été le déclencheur du processus de révision. Les trois grands candidats (Sarkozy, Royal et Bayrou) étaient tous favorables à une modification plus ou moins profonde de la Constitution (parfois même à un changement de République). François Bayrou souhaitait une révision pour septembre 2007, Ségolène Royal prévoyait un temps à durée indéterminée de ‘démocratie participative’ pour esquisser cette révision.

Finalement, Nicolas Sarkozy a été élu le 6 mai 2007, et dès le 18 juillet 2007 (décret n°2007-1108), il a nommé le Comité Balladur, composé de personnalités indépendantes représentant tous les bords politiques pour faire des propositions qui ont été publiées dans le rapport du 29 octobre 2007 dont j’avais rendu compte avec détails.

À la suite de ce rapport, le gouvernement a présenté quelques propositions qui ont été soumises à consultation auprès des dirigeants des partis politiques en décembre 2007, puis un projet de loi a été élaboré, envoyé pour avis au Conseil d’État, désormais adopté par le Conseil des ministres la semaine dernière et inscrit à l’ordre du jour des deux assemblées parlementaires pour tout finaliser en juillet 2008 par une réunion à Versailles : première quinzaine de mai 2008 à l’Assemblée Nationale, juin 2008 au Sénat.

Un long processus de consultation,
mais excluant le Parlement en tant que tel

On peut imaginer que ce long processus (la Constitution de la Ve République a été rédigée en moins de trois mois l’été 1958) ainsi que la double concertation (le Comité Balladur qui a auditionné de nombreuses personnalités politiques, le Premier Ministre qui, ensuite, a consulté les chefs de parti) était un gage de mesure et de pondération afin d’obtenir un projet de loi consensuel.

Mais ce n’est pas le cas. Comme je l’avais déjà évoqué à propos du Comité Balladur, la méthode est critiquable dans la mesure où le choix des personnalités (certes très honorables et avisées) du Comité Balladur n’émanait que d’une décision arbitraire du Président de la République et il m’aurait paru d’autant plus pertinent de faire émaner un tel comité des parlementaires eux-mêmes que la principale qualité de cette réforme visait à redonner du pouvoir au Parlement. Donc, étrange procédé.

Cela dit, dans ce projet de loi, des propositions sont incluses qui n’étaient pas suggérées par le rapport du Comité Balladur (comme la limitation du nombre de mandats présidentiels consécutifs) et d’autres propositions de ce même rapport n’ont pas été reprises. D’où peut-être la nécessité de minimiser l’influence réelle des travaux du Comité Balladur.


Le peuple (encore) absent de cette révision

Autre point contestable dans la méthode : il ne sera pas question de soumettre la réforme au référendum, mais uniquement par l’adoption par le Parlement réuni en Congrès. Or, la capacité d’obtenir la majorité des trois cinquièmes est aujourd’hui très aléatoire, et nécessite l’abstention ou l’accord de quelques parlementaires socialistes. Un moyen de finalement en rester au statu quo ? ou de débaucher de nouveaux parlementaires socialistes ?

Ce qui est clair, c’est que cette réforme remet explicitement en cause l’équilibre actuel de nos institutions : « Jamais toutefois l’équilibre général de nos institutions n’a été repensé dans une réflexion d’ensemble. » et qu’à ce titre, une ratification par le peuple français aurait été nettement plus démocratique.

Il est sûr que soumettre une telle réforme au référendum aurait été aussi complexe que celui du Traité Constitutionnel Européen : l’ensemble du projet de loi est en effet assez complexe, concerne une myriade de petites mesures qui nécessitent quelques connaissances en droit constitutionnel pour en comprendre les conséquences sur la pratique institutionnelle et, contrairement à ce qui est revendiqué, ne me semble pas doté d’une cohérence parfaite. La réforme n’est qu’une succession de souhaits présidentiels et de suggestions du Comité Balladur et reste un ‘catalogue à la Prévert’.


2. La justification de réviser la Constitution

Préserver les acquis de stabilité et d’efficacité

Le gouvernement a présenté son projet de loi constitutionnelle en rappelant d’abord que la Constitution du la Ve République, dont on va bientôt fêter le cinquantenaire, « a fait preuve de sa solidité et de son efficacité » rappelant que grâce à elle, non seulement la France « a surmonté des crises majeures » (comme la guerre d’Algérie) mais aussi a permis plusieurs alternances politiques (six au total : en 1981, 1986, 1988, 1993, 1997, 2002) et plusieurs cohabitations (trois au total : en 1986, 1993 et 1997) sans avoir connu de blocage dans le fonctionnement des institutions.

À titre, je souscris à ce préambule du gouvernement qui conclut : « avec [cette Constitution], l’autorité de l’État et la stabilité gouvernementale ont été confortées » et qui reste sur cet acquis : « en aucun cas, cet acquis ne doit être remis en cause ni même fragilisé. ».

Ensuite, le gouvernement estime nécessaire des évolutions dans le fonctionnement de la démocratie et évoque plusieurs inflexions, en particulier l’adoption du quinquennat en 2000 (voir mes deux articles sur le sujet, sur l’historique du mandat présidentiel en France et sur le quinquennat).

L’objectif de la réforme proposée est donc une « modernisation » et un « rééquilibrage des institutions » avec « un texte susceptible de recueillir un accord large ».

Pratique des hommes (ou femmes) et règles communes

Dans un vocabulaire très sarkozyen, le gouvernement scande ainsi : « Nos concitoyens aspirent profondément à une République exemplaire, à une démocratie irréprochable ».

Je ne cesserai de répéter ici que l’exemplarité et l’irréprochabilité ne sont les fruits que de la pratique individuelle des personnalités politiques et rarement le fait des institutions qui ne servent que les desseins humains.

Pour mémoire, la IIIe République avait admirablement bien fonctionné sous la Premier Guerre Mondiale, avec des renversements de gouvernement, des transformations politiques majeures (des socialistes comme Viviani qui acceptent de gouverner) et la désignation du Tigre, George Clemenceau, pour vaincre pendant la guerre.

Cette même IIIe République s’est effondrée en juin 1940, incapable de décider de maintenir la France, et s’est effacée devant un (mauvais) homme providentiel, Philippe Pétain, grâce aux manœuvres de Pierre Laval, un habitué des ministères.

La grande différence entre les deux guerres, ce n’étaient pas les institutions, exactement les mêmes, mais le personnel politique qui, à partir du début des années 1930, avait oublié l’intérêt de l’État.

André Tardieu, plus conscient que d’autres, avait tenté en vain, comme Président du Conseil, à faire réformer pour donner plus de poids à l’Exécutif.

L’argument en 2008 revient donc : le personnel politique étant ‘moins sage’ qu’en 1958 (est-ce si vrai que cela ?), il s’agit de recadrer les institutions (donc, de les rigidifier) pour encadrer plus efficacement la classe politique et empêcher les principales dérives (lesquelles ?).

Je reste convaincu que c’est une conception un peu naïve de la vie institutionnelle d’un pays, mais ne peux cependant qu’applaudir quand certaines améliorations se profilent.


Dans les deux prochains articles, nous verrons donc les principales dispositions de la révision, qui concernent quatre éléments principaux : le Président de la République, le Gouvernement, le Parlement et les Citoyens.

À suivre donc…


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (28 avril 2008)


Pour aller plus loin :

Texte intégral du Projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République.







http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=39284

http://fr.news.yahoo.com/agoravox/20080428/tot-reforme-des-institutions-1-la-method-89f340e.html


http://www.centpapiers.com/Reforme-des-institutions-en-France,3649

http://www.lepost.fr/article/2008/04/29/1187238_reforme-des-institutions-1-la-methode.html



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commentaires

G
 <br /> Bonjour,Sur la révision constitutionnelle en cours, je me permets de vous indiquer ce site d'analyse (critique) proposé par la Convention pour la 6e Républiquewww.alter-reformeconstitutionnelle.com 
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