Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
7 mai 2008 3 07 /05 /mai /2008 05:46

Après Lénine le 8 novembre 1917 (à 47 ans), Joseph Staline le 3 avril 1922 (à 43 ans), Nikita Khrouchtchev le 14 mars 1953 (à 58 ans), Leonid Brejnev le 14 octobre 1964 (à 57 ans), Youri Andropov le 12 novembre 1982 (à 68 ans), Konstantin Tchernenko le 13 février 1984 (à 72 ans), Mikhail Gorbatchev le 11 mars 1985 (à 54 ans), Boris Eltsine le 25 décembre 1991 (à 60 ans) et Vladimir Poutine le 1er janvier 2000 (à 47 ans), Dimitri Medvedev devient à 42 ans, ce 7 mai 2008, le dixième dirigeant de la Russie post-monarchique, et aussi le plus jeune.



C’est à dix heures, heure de Paris, ce mercredi 7 mai 2008 qu’ont débuté les cérémonies officielles pour investir le nouveau Président de la Fédération de Russie Dimitri Medvedev élu avec une large majorité (et sans réelle opposition) le 2 mars 2008.

Après la passation des pouvoirs avec son prédécesseur Vladimir Poutine devant 2 400 invités, Medvedev doit se faire consacrer avec son épouse Svetlana à la cathédrale de l’Annonciation par Alexis II, le patriarche de toutes les Russies (Medvedev avait été discrètement baptisé en 1988 : « À partir de ce moment, je crois, une nouvelle vie a commencé pour moi. »).

Le lendemain, jeudi 8 mai 2008, Vladimir Poutine devrait être sans surprise désigné le nouveau Premier Ministre et approuvé par le Parlement. Il avait préalablement été nommé chef de son part, Russie unie, qui avait gagné une large majorité des sièges aux dernières élections législatives (en décembre 2007).

Le vendredi 9 mai 2008 (jour de grande fête en Russie pour célébrer la fin de la Seconde Guerre Mondiale), un grand défilé militaire est prévu pour montrer à la face du monde la grandeur retrouvée de la Russie.

Il va donc être très important de suivre les événements de politique intérieure et extérieure de la Russie dans les semaines prochaines, pour savoir quelle va être la répartition des rôles entre un Poutine décidément toujours présent et un Medvedev docile, loyal, fidèle et que certains qualifient de falot.


L’héritage de Poutine

Après une période de grande désorganisation de la Russie sous Eltsine, mais aussi de grande liberté d’expression, Poutine, ancien patron de l’ex-KGB, peut s’enorgueillir d’une grande popularité car il a restauré à la fois les structures de l’État russe (en proie à la désintégration) et la dignité du peuple russe sur le plan international.

Poutine a repris le contrôle des grands groupes industriels, mettant au pas l’oligarchie naissante (quelques oligarques ont été condamnés et enfermés, d’autres ont dû s’exiler), et grâce à la hausse du prix du pétrole, la Russie connaît une forte croissance avec un PIB de 1 300 milliards de dollars et des réserves en or atteignant 500 milliards de dollars. Poutine a même la volonté de faire de la Russie la septième puissance économique du monde d’ici 2020.

Sur le plan diplomatique, Poutine a placé la Russie comme membre à part entière du G8 (le présidant même en 2006), et a pris des positions très fermes sur un certain nombre de dossiers (Iran, Kosovo entre autres).

Cette reprise en main de l’autorité russe a eu quelques dommages collatéraux, dont le plus important est la restriction des libertés politiques. Les opposants politiques sont pourchassés, interdits de manifestations (encore ce 6 mai 2008 à Moscou), voire assassinés (comme la journaliste Anna Politkovskaïa en octobre 2006) ou empoisonnées (comme l’ancien espion Alexander Litvinenko en novembre 2006), et les télévisions sont sous contrôle du pouvoir politique.

Malgré ces signes de faiblesse démocratique, la Russie a poursuivi son moratoire sur la peine de mort et n’a pas bouleversé ses institutions pour permettre à Poutine de se maintenir à sa tête.

Même si ses méthodes brutales peuvent choquer les vieilles démocraties occidentales, Poutine jouit d’une popularité exceptionnelle à l’intérieur de son pays, ce qui fait de lui un héros, certes populiste, mais un réel redresseur d’une dignité qui avait été humiliée après l’effondrement de l’Union Soviétique.

Il est intéressant de noter que la dernière mesure diplomatique de Poutine a été de signer le 6 mai 2008 un accord avec son ancien ennemi de la guerre froide, les États-Unis, sur le nucléaire civil (accord signé par Serge Kirienko, ancien Premier Ministre russe et patron de Rosatom, entreprise publique russe de coopération nucléaire, et par William Burns, l’ambassadeur des États-Unis à Moscou). Ce contrat prévoit une coopération sur le stockage des matériaux nucléaires et sur le développements de nouveaux réacteurs nucléaires.


Les enjeux du mandat de Medvedev

Enjeux institutionnels

Le premier enjeu intérieur concerne évidemment la part d’initiative qu’aura Medvedev dans le nouveau dispositif mis en place par Poutine seul. Chef des armées et à ce titre, capable de déclencher une attaque ou une riposte nucléaire, Medvedev devrait progressivement se démarquer de Poutine qui serait surtout chargé de préserver les intérêts économiques de l’État russe, notamment du point de vue énergétique (le gaz et le pétrole étant le véritable trésor de la Fédération de Russie).

Indépendamment des enjeux de pouvoirs, l’autre élément intéressant sera d’observer si ce régime volontairement présidentiel n’évoluerait pas progressivement en régime parlementaire où le Premier Ministre soutenu par une majorité parlementaire prendrait l’ascendant sur un Président malgré son élection au suffrage direct (comme en Autriche ou au Portugal).

Même si Medvedev s’oppose à toute évolution du régime : « Notre pays était, et demeure, une république présidentielle. Il ne peut pas en être autrement. Il ne peut pas y avoir deux, ou trois, ou cinq centres de pouvoir. C’est le Président qui gouverne en Russie, et selon la Constitution, il ne peut y avoir qu’un seul Président. » (dans le magazine ‘Itogui’, quelques jours avant son élection du 2 mars 2008).

Influences croisées de Medvedev et de Poutine

Parmi les principaux critères se trouvent les nominations dans les différents postes de l’État. Hommes de Poutine ou hommes de Medvedev. On se souvient qu’au début de sa présidence, Poutine avait été très progressif dans le placement de ses hommes, maintenant longtemps ceux de Boris Eltsine.

Une dépêche très intéressante de Reuters évoque le sort d’un certain nombre de responsables politiques russes qui porte à croire que Poutine voudra absolument préserver ses hommes dans les postes concernant la sécurité et la défense qu’il ne pourra plus contrôler directement (au contraire des postes économiques qui seront de sa compétence en tant que Premier Ministre).

Politique étrangère

De nombreux enjeux montrent l’importance de la Russie et toute évolution diplomatique sera observée avec beaucoup d’attention. Jean-Claude Juncker, Premier Ministre du Luxembourg, a déjà pu constater quelques qualités chez Medvedev : « intelligent, avec une excellente maîtrise des dossiers et un bon sens de l’humour ».

Le dossier sur le nucléaire en Iran reste évidemment le plus grave et jamais la Russie ne pourrait rester silencieuse si les États-Unis avaient par malheur décidé d’entamer un conflit armé avec l’Iran (dont la puissance, la taille et l’intérêt géostratégique n’ont rien à avoir avec l’Irak).

La résolution du conflit israélo-palestinien ne pourra pas se passer non plus de la Russie, parti engagé dans le Quartette avec les États-Unis, l’Union Européenne et l’ONU.

Les séparatistes pro-russes d’Abkhazie pourraient déclencher un nouveau conflit en Géorgie. Une guerre entre la Géorgie et la Russie serait selon certains imminente d’autant plus que la Géorgie, qui est une voie de transit du pétrole et du gaz caucasiens, vient de demander son adhésion à l’OTAN. Medvedev voudra-t-il sa propre guerre comme Poutine a eu celle de Tchétchénie (la seconde) pour se rendre populaire auprès de la population russe ?

Le conflit énergétique avec l’Ukraine, l’indépendance du Kosovo, l’élargissement de l’OTAN, la mise en place d’un bouclier anti-missile américain sont autant de sujets qui entravent les relations entre la Russie et l’Union Européenne. Selon Juncker, Medvedev « considère que la Russie fait partie de l’Europe et veut que la Russie et l’Union Européenne travaillent ensemble pour répondre aux problèmes auxquels notre continent est confronté, qu’ils soient économiques, liés à la sécurité ou autres. ».

L’attitude de la Russie au cours des Jeux Olympiques de Pékin en août 2008 sera également scrutée avec minutie. On se rappelle que ce sera la Russie qui organisera les JO d’hiver en 2014, à Sotchi et qu’elle ne souhaitera sans doute pas que des États lui fassent des leçons de démocratie. D’ailleurs, avec le Kazakhstan, la Chine sera l’un des premiers pays que visitera Medvedev en tant que nouveau Président russe.

L’Afrique pourrait aussi être un nouveau défi de taille pour la Russie. La chute de l’Union Soviétique lui a fait en effet perdre beaucoup d’influence en Afrique et la Chine a su capter économiquement l’intérêt des Africains. Nul doute que la Russie devra y jouer un nouveau rôle.

Ouverture économique

Là où sera attendu Medvedev sera dans le domaine économique, encore qu’il ait dû céder une partie du contrôle à son prédécesseur direct. En effet, Medvedev a toujours déclaré qu’il était un libéral dans le sens économique du terme. Toute sa campagne présidentielle a été basée sur cela, en défendant un programme cohérent et volontariste pour aider l’économie russe à se développer et à se moderniser. Un programme auquel il a attaché beaucoup d’importance.

Dimitri Medvedev l’a encore répété lors de son discours d’investiture au Kremlin ce 7 mai 2008 en insistant sur l’innovation tout azimuts : « Nous construirons des entreprises avancées, moderniserons l’industrie et l’agriculture, créerons de fortes motivations pour les investissements privés et, plus généralement, veillerons à ce que la Russie se hisse durablement parmi les leaders du développement technologique et intellectuel. ».

Avec pour ambition : « que la Russie devienne l’un des meilleurs pays du monde ».

Le réel défi reste dans l’apparition (aujourd’hui encore trop timide) d’une véritable classe moyenne qui pourra avoir la capacité financière de consommer.

Les ressources naturelles de la Russie ne manquent pas, notamment avec le gaz et le pétrole et aussi sa position géographique qui autoriserait de nouveaux couloirs aériens survolant son territoire et réduisant la durée des vols intercontinentaux.

Un autre challenge est aussi d’en finir avec la criminalité sur internet. La plupart des escrocs virtuels sont effectivement hébergés par des sites russes qui jouissent encore d’une trop grande impunité.

Une démocratie à restaurer

Ce sera, là aussi, un chantier qui devrait permettre à Medvedev de se différencier de Poutine. Pourra-t-il entamer une ouverture politique afin de desserrer l’étau des médias russes et autoriser l’expression d’une réelle opposition ? Medvedev serait plutôt partisan de cette libéralisation, mais en aura-t-il les moyens ?


Wait and see

À court terme, la continuité politique paraît assurée en Russie.

Il reste que forcément, Dimitri Medvedev, par sa personnalité, par ses préférences, par ses nominations, marquera petit à petit la politique de son pays.

Jusqu’à un éventuel désaccord majeur avec Vladimir Poutine.

Ce jour-là, le risque serait grand d’un retour à un État autoritaire mais inversement, une telle divergence pourrait aussi finalement aboutir un ancrage définitif de la démocratie en Russie.

Laissons donc Medvedev faire ses premiers pas, mais observons bien.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (7 mai 2008)


Pour aller plus loin :

La pratique institutionnelle dans la Russie post-soviétique (aussi sur Agoravox).

Nouvelle star ou nouveau tsar ? (aussi sur Agoravox).

Le sacre virtuel de Medvedev (aussi sur Agoravox).






http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=39626

Une d'Agoravox du 7 mai 2008
http://www.agoravox.fr/edition_du_jour.php3?date_du_jour=2008-05-07


http://fr.news.yahoo.com/agoravox/20080507/tot-russie-l-enigme-medvedev-un-innovate-89f340e.html


http://www.centpapiers.com/Russie-l-enigme-Medvedev-un,3700


http://www.lepost.fr/article/2008/05/07/1190292_russie-l-enigme-medvedev-un-innovateur-au-kremlin.html


Partager cet article
Repost0

commentaires


 




Petites statistiques
à titre informatif uniquement.

Du 07 février 2007
au 07 février 2012.


3 476 articles publiés.

Pages vues : 836 623 (total).
Visiteurs uniques : 452 415 (total).

Journée record : 17 mai 2011
(15 372 pages vues).

Mois record : juin 2007
(89 964 pages vues).