(dépêche)
Interrogations sur le futur rapport de forces à Moscou
MOSCOU (Reuters) - Avec l'installation de Dmitri Medvedev au Kremlin, ce mercredi, l'annonce de la composition du prochain gouvernement russe lèvera un coin du voile opaque recouvrant les nouveaux rapports de force à la tête de l'Etat.
Les investisseurs et les diplomates étrangers s'interrogent sur l'identité de ceux qui tiendront les rênes de la Russie, détentrice du second arsenal nucléaire au monde et dont l'économie, en pleine expansion, pèse aujourd'hui 1.300 milliards de dollars.
Medvedev remplacera Vladimir Poutine à la présidence, mais ce dernier, dont le pouvoir est profondément enraciné dans des réseaux et des factions formant l'ossature du pays, deviendra un Premier ministre tellement influent que certains observateurs affirment que c'est lui qui détiendra de fait le pouvoir, et non son protégé.
"Le poids des hommes de Medvedev et leurs positions au sein de l'administration indiqueront si Poutine a l'intention de rester pleinement aux commandes", estime Pavel Saline, analyste au Centre pour la politique actuelle de la Russie.
Or l'influence respective des deux dirigeants aura d'importantes répercussions sur la politique.
Si les hommes de Poutine - souvent issus des services de renseignement et partisans d'une ligne dure - maintiennent leur domination, l'Etat conservera le contrôle de l'économie et Moscou continuera d'entretenir des relations parfois tendues avec l'Occident.
Mais si Medvedev parvient à installer à des postes clefs des membres de son entourage - juristes ou hommes d'affaires - il y a des chances qu'il libéralise l'économie et adopte une approche plus conciliante en politique étrangère.
Les spéculations vont bon train à Moscou, mais les informations sont rares.
"Il existe une liste (de nominations), mais je pense que seules deux personnes savent ce qu'elle contient", dit, sous le sceau de l'anonymat, une personnalité en contact régulier avec des responsables du Kremlin.
SILOVIKI
Deux postes en particulier devraient donner des indications cruciales sur l'équilibre futur du pouvoir: celui de Sergueï Sobianine, secrétaire général du Kremlin, et celui de Nikolaï Patrouchev, chef du Service fédéral de sécurité (FSB).
Les titulaires de ces deux postes exercent une énorme influence sur la politique russe et pourraient jouer un rôle crucial en cas de crise.
Les investisseurs, à l'affût de tout indice sur la gestion de l'économie, s'intéresseront tout particulièrement au rôle futur du ministre des Finances Alexis Koudrine.
Les observateurs se pencheront aussi sur le sort, s'ils quittent le Kremlin, d'Igor Setchine et de Vladislav Sourkov, secrétaires généraux adjoints de Poutine, et sur l'identité de leurs successeurs.
Setchine préside la compagnie pétrolière Rosneft, contrôlée par l'Etat, et il est considéré comme le chef officieux au Kremlin d'un groupe d'anciens officiers des services de sécurité, les siloviki. Son nom a été avancé pour prendre la tête de l'appareil gouvernemental.
"La composition du gouvernement est plus simple parce que ces gens connus pour être les siloviki du Kremlin, l'une des bases de pouvoir de Poutine, sont susceptibles d'entrer au gouvernement", estime Saline.
"Poutine ne voudra pas céder le contrôle des siloviki."
Le sort des rivaux de Setchine, comme par exemple le premier vice-premier ministre Sergueï Ivanov, sera suivi de près, tout comme celui d'un groupe de juristes, condisciples de Medvedev à Saint-Pétersbourg.
Anton Ivanov, juriste de Saint-Pétersbourg et président de la Cour suprême d'arbitrage, est considéré comme un ami de Medvedev tandis qu'Alexandre Volochine, ancien secrétaire général du Kremlin sous Poutine, pourrait devenir l'un de ses conseillers.
Par Guy Faulconbridge (Reuters) - Lundi 5 mai 2008 à 14h21
Version française Nicole Dupont