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20 mai 2008 2 20 /05 /mai /2008 10:01

Un projet de nouvelle ‘charte des valeurs’ a été adopté au Parti socialiste. Événement rare dans sa longue histoire, sera-t-il enfin l’occasion de clarifier une fois pour toutes la position idéologique des socialistes français ?


Le 23 avril 2008, la commission de la rénovation du PS a adopté un projet de nouvelle ‘déclaration de principes’ qui sera soumis au vote des militants socialistes le 29 mai 2008 puis à l’approbation par la convention nationale du PS du 14 juin 2008.

Ce texte constitue en quelques sortes l’ossature idéologique générale du Parti socialiste et n’a, pour l’instant, été écrit que quatre fois dans son histoire, SFIO comprise (en 1905, en 1945, en 1969 et en 1990).

La dernière fois, en 1990, le nouveau texte (actuellement en cours et visible ici) avait été rédigé en vue de la préparation du fameux congrès de Rennes qui officialisa les profondes divisions tant en termes d’idéologies qui d’écuries présidentielles dont le PS souffre encore aujourd’hui.

La nouvelle rédaction de son schéma directeur devenait indispensable avec les nouveautés depuis 1990 : la progression de la globalisation économique et technologique (avec internet par exemple), la nécessaire sauvegarde écologique de la planète et les nouveaux enjeux internationaux demandent en effet une réponse plus précise des engagements généraux des partis politiques.

Le MoDem avait adopté lors de son congrès fondateur à Villepinte, le 1er décembre 2007, une charte. Le PS entend remodeler la sienne.

J’ai donc lu ce texte et je ne suis pas vraiment convaincu qu’il va permettre une clarification dans les esprits.


Aucune clarification idéologique

Tout tourne autour du concept de réalisme et d’idéalisme. Réalisme de la société actuelle, mondialisée et parfois dure par ses aspérités économiques et sociales, mais idéalisme pour sa lutte encore programmée contre le capitalisme.

En d’autres termes, on tourne autour du pot entre le concept d’égalité et de liberté, deux concepts philosophiquement très antagonistes, même si le mot égalité semble encore prioritaire.

La belle innovation introduite dans le texte est cette notion d’« économie sociale et écologique de marché ». Qui remplace cette ancienne « économie mixte de marché ». Et qui correspond à un rapport critique au capitalisme : laisser la société économiquement libre, mais régulée dans le cadre d’une intervention de la puissance publique.

En ce sens, il n’y a rien de nouveau, ni sur de différent, chez tous les partis gouvernementaux, y compris ceux de la majorité présidentielle actuelle qui n’hésitent pas, malgré leur vitrine soi-disant libérale, à faire de l’intervention de l’État leur mode de gouvernance.

L’idée que le PS entend faire passer serait contenue dans la formule de l’ancien Premier Ministre Lionel Jospin : « Oui à l’économie de marché, non à la société de marché ».

Si Alain Bergounioux, le secrétaire national aux études du PS, essaie de l’expliquer, personnellement, j’ai du mal à la comprendre sinon qu’on peut y voir une fois encore la marque du premier secrétaire du PS, François Hollande, qui a l’habitude de vouloir faire les synthèses improbables pour éviter tout éclatement de son parti (on se rappelle qu’à l’époque du congrès de Rennes, François Hollande étiqueté deloriste avait créé un courant appelé ‘transcourant’ qui lui permettait de ne prendre position ni pour Laurent Fabius, ni pour Michel Rocard, ni pour Lionel Jospin, ni pour Pierre Mauroy etc.).

Le credo maintes fois répété (à droite, au centre, comme à gauche) « efficacité économique avec justice sociale » est remis au goût du jour avec la ‘mode’ du développement durable, une notion suffisamment floue pour recouvrir tout et n’importe quoi, ce qui donne finalement la phrase très consensuelle : « Il nous faut imaginer un modèle de développement qui puisse allier action économique, impératif écologique et protection sociale », sans pour autant nous donner les clefs concrètes d’un tel modèle (a priori, la raison d’être d’un parti).


Des références historiques

Le texte fait référence dans son préambule à la philosophie des Lumières, à la Révolution française, à 1848 (sans dire de quel moi il s’agit !), de la Commune, du Front populaire, de la Libération, de mai 1968.

Les quatorze ans de François Mitterrand et les cinq ans de gouvernement de Lionel Jospin semblent avoir été oubliés (abolition de la peine de mort à part), pourtant, ces deux personnalités furent les seules à avoir hissé le PS au pouvoir après l’époque ancestrale de Guy Mollet…

Il évoque aussi l’expression très archaïque de « socialisme démocratique » (les communistes français avec leur ‘centralisme démocratique’ ou les anciens pays communistes d’Europe centrale et orientale avec leur ‘République démocratique’ nous ont laissé un goût amer de cet adjectif).

Ce socialisme démocratique aurait l’ambition gigantesque de vouloir « être une explication du monde, un avenir pour l’humanité » avec des belles formules comme « aller à l’idéal et comprendre le réel » (ce qui me paraît très contradictoire), ou encore, « inventer le futur et travailler dans le présent ».


Définitions du Parti socialiste et refus d’ouverture

La définition même du socialisme fait peur : « Le but de l’action socialiste est l’émancipation complète de la personne humaine et la sauvegarde de la planète ».

L’adjectif ‘complète’ a de quoi effrayer quand on songe à ce paradis terrestre qu’essayaient de faire croire à leurs peuples certaines démocraties soi-disant populaires.

Sur plusieurs articles, le texte définit le Parti socialiste comme un parti républicain, laïque, réformiste, féministe, décentralisateur, attaché aux grands principes de la justice, européen, internationaliste, populaire, démocratique.

Par ailleurs, son dernier article (22e) explique qu’il n’a aucune intention de faire alliance avec un parti tel que le MoDem : « Le Parti socialiste veut rassembler toutes les cultures de la gauche. Il ne se résigne pas aux divisions de l’histoire. Organisant en son sein depuis toujours un libre débat, il appelle tous les hommes et toutes les femmes qui partagent ses valeurs à rejoindre ce combat. ». François Bayrou et Ségolène Royal en sont donc bien avertis.


Quelques formules creuses ou pompeuses

Tout le texte est jalonné de belles formules oniriques, souvent creuses parfois grandiloquentes. Quelques exemples :

« La démocratie représente, à la fois, une fin et un moyen. »

« Les socialistes portent une critique historique du capitalisme, créateur d’inégalités, porteur d’irrationalités, facteur de crises, qui demeure d’actualité à l’âge d’une mondialisation dominée par le capitalisme financier. »

« Les socialistes défendent un modèle de développement durable qui conjugue la croissance, l’innovation technologique, l’impératif écologique, la création d’emplois, la protection sociale. »


Ce qui ne change pas beaucoup avec la version précédente de 1990 :

« [Le PS] met le réformisme au service des espérances révolutionnaires. »

« Dans le monde entier, l’idéal socialiste s’est emparé de l’imagination des peuples. »



Le PS restera donc une auberge espagnole

J’avoue qu’ici, j’ai fait exercice de critique quasi-systématique. J’ai d’autant plus exagéré dans mon exercice de chamboule-tout que les chartes de valeurs ou les déclarations de principes sont, par essence, très générales, abstraites et consensuelles.

Il faut cependant bien reconnaître que ce texte non seulement n’apporte rien de nouveau, mais annonce définitivement qu’il ne se passera rien au congrès de Reims de novembre 2008.

Les altermondialistes et les socio-libéraux pourront donc allègrement cohabiter au sein du Parti socialiste à la devanture ravalée, aussi bien que les pro-européens et les alter-européens (pour éviter le mot ‘anti-européens’).

Un PS qui aura donc choisi de ne pas bouger, de ne pas clarifier ses fondamentaux idéologiques, de ne pas quitter ses oripeaux du passé, de ne pas supprimer sa schizophrénie idéologique, et de poursuivre sa mitterrandisation (‘je dis que je suis contre le capitalisme, mais je gouverne en le faisant progresser’).

Et qui, forcément, va focaliser son débat interne sur des questions de personnes et d’écuries présidentielles.

Le PS va sans doute avoir de nouveau de grandes difficultés à convaincre une majorité de Français qu’il serait prêt à gouverner au printemps 2012.

À moins que, dans leur infinie bonté, l’UMP, le gouvernement actuel et surtout, le Président de la République actuel ne l’aident un tout petit peu dans cette tâche…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (20 mai 2008)


Pour aller plus loin :

Texte du projet de nouvelle déclaration de principes du PS (23 avril 2008).






http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=40101

http://fr.news.yahoo.com/agoravox/20080520/tot-parti-theorique-francais-1-vers-un-n-89f340e.html




http://www.lepost.fr/article/2008/06/05/1203335_parti-theorique-francais-1-vers-un-nouveau-congres-de-rennes.html

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