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5 janvier 2009 1 05 /01 /janvier /2009 10:04

L’être humain est capable de forcer la fécondation humaine depuis trente ans et demi. Une technologie qui soulage individuellement beaucoup de couples mais qui pose bien des problèmes.


Au milieu de l’été dernier, le 25 juillet 2008, une jeune employée britannique Louise Joy Brown fêtait tranquillement son trentième anniversaire. La jeune femme, qui vit à Bristol, est mariée avec Wesley Mullinder, un salarié d’une boîte de nuit, depuis septembre 2004 et a accouché d’un petit garçon, Cameron, en janvier 2007 en très bonne santé.

Tranquillement ?

Pas vraiment en fait. Bien malgré elle, son anniversaire commémorait un événement scientifique de la première importance. Elle est la première bébé éprouvette du monde !


Un anniversaire particulier

Elle a en effet été conçue un peu bizarrement.

Après neuf ans de vaines tentatives, ses parents se confièrent à deux médecins de Cambridge, le physiologiste Robert Edwards et le gynécologue Patrick Steptoe.

Les deux médecins mirent en relation, dans une éprouvette, des ovules de la mère et des spermatozoïdes du père. Une fois l’embryon formé, ils l’implantèrent dans l’utérus maternel puis la grossesse se passa normalement jusqu’à la naissance d’une fille de 2,61 kilogrammes dans la banlieue de Manchester.

Dès l’âge de quatre ans, la petite Louise a appris son origine particulière, afin d’affronter l’école et ses camarades de classe qui auraient pu savoir.

Sa jeune sœur Natalie est née également dans les mêmes conditions et fut, en 1999, le premier bébé éprouvette à avoir enfanté (de façon naturelle).

Robert Edwards, le seul survivant des deux concepteurs virtuels (Patrick Steptoe est mort en 1988), fait encore partie de la famille, considéré comme un grand-père pour Louise.

En France, ce fut Amandine qui, le 24 février 1982, le premier bébé éprouvette français né à Clamart, à 3,53 kilogrammes et 51 centimètres. Ses "pères concepteurs" furent le biologiste Jacques Testart (qui s’illustra par la suite par une demande de moratoire sur cette technologie) et les gynécologues René Frydman et Émile Papiernik.


Des bébés en éprouvette

Les bébés éprouvettes, il en naîtrait environ cent mille tous les ans dans le monde pour attendre un total de trois millions environ.

Ils sont conçus par la méthode de fécondation in vitro qui est une technique de procréation médicalement assistée et de transfert d’embryon. La technique réussirait une fois sur trois.

En quoi consiste la méthode ?

Avec des précautions et des techniques élaborées, les spermatozoïdes sont mis en contact avec les ovocytes. La fécondation survient au bout de quelques heures (une dizaine). Afin d’augmenter les chances de réussite, on prépare ainsi plusieurs embryons (jusqu’à une trentaine !).

Si la fécondation ne survient pas spontanément, on peut forcer les choses en injectant directement un spermatozoïde dans l’ovule. Cette technique s’appelle injection intracytoplasmique de spermatozoïdes et a été dénoncée par Jacques Testart comme un « viol de l’ovule ».

Ensuite, il s’agit de transférer les embryons ainsi créés dans l’utérus. Deux méthodes sont envisageables : soit on les transfère immédiatement après les premières divisions cellulaires, soit on les laisse en culture pendant quelques jours.
La seconde méthode demande une attention particulière pour maintenir les embryons en culture, mais donne un meilleur taux de réussite lors de leur implantation dans l’utérus (les premiers jours étant souvent fatals à la survie des embryons).

On peut aussi transférer les embryons bien plus tard, à la condition de les conserver par congélation. Ces embryons peuvent provenir d’embryons viables en surnombre, puisqu’il vaut mieux éviter d’implanter plus de trois ou quatre embryons à la fois (il faut imaginer le cas où tous les embryons se développent).

Une autre méthode, moins invasive car elle ne nécessite pas d’opération chirurgicale dans l’appareil génital de la mère, consiste à inséminer artificiellement des spermatozoïdes dans la cavité utérine après le début de l’ovulation. C’est une technique in vivo.

Évidemment, si ces techniques de procréation assistée rendent un immense service pour les couples qui ont du mal à avoir des enfants naturellement, de nombreux points obscurs les entourent, ce qui a fait évoluer par exemple Jacques Testart en décidant d’arrêter la pratique de telles méthodes.


Origine biologique

Le premier point concerne l’origine biologique de l’enfant à naître : à partir du moment où l’ovule et le spermatozoïde sont manipulés, ils ne sont pas forcément tenus de provenir du même couple. Ne serait-ce que pour des raisons de stérilité, des donneurs peuvent intervenir pour soit l’un soit l’autre.

Après, faut-il protester contre ce fait ? Que l’enfant ne serait pas conçu dans l’amour ? Il est un fait que beaucoup d’enfants, conçus naturellement, ne l’ont pas été dans l’amour de leurs parents biologiques. Par simple négligence et insouciance ou par échec de certaines méthodes contraceptives.

Certes, si l’une ou l’autre des cellules ne provient pas du "couple" qui désire un enfant, cela pourrait s’apparenter à un acte adultérin en quelques sortes.

Viennent se greffer des considérations pécuniaires dans certains pays (en France, il est interdit d’utiliser son corps contre de l’argent). Le cas le plus typique est celui des "mères porteuses". Elles ne sont pas seulement porteuses. Elles fournissent également l’ovule. En gros, la moitié du patrimoine génétique du futur enfant. C’est un créneau très porteur en Inde.

Une autre considération pécuniaire, qui a trait à l’héritage, est liée au fait qu’un enfant même non reconnu hérite légalement de ses parents biologiques.

Et il y a également des considérations psychologiques et physiologiques. En cas de donneur, il est souvent anonyme (sauf pour la mère porteuse ?), et l’ignorance de l’origine biologique peut avoir des conséquences médicales ou psychologiques sur l’enfant à naître puis l’adulte qu’il deviendra.

L’expérience montre toutefois que si l’enfant est au courant suffisamment tôt de son origine biologique, il n’aura pas de traumatisme psychologique majeur. Les vrais parents restent de toutes façons ceux qui l’ont réellement élevé, qui se sont occupés quotidiennement de lui, au même titre que les parents d’enfants adoptés.


Difficultés médicales

Les traitements que subit la femme pour favoriser l’ovulation sont assez lourds et demandent ténacité et endurance. Le taux assez élevé d’échecs peut même la rendre dépressive.

L’implantation de plusieurs embryons peut aussi aboutir à des naissances multiples et accroît les risques d’enfants prématurés.

Matériellement, il est de plus peu aisé pour le couple d’assumer la charge non pas d’un enfant, mais de plusieurs (parfois jusqu’à six).


Risque d’eugénisme

La mise en culture des embryons sert à tester sa viabilité avant l’implantation dans l’utérus (inutile d’implanter un embryon voué à disparaître).

Cependant, même si le choix des embryons implantés se fait sur des critères le plus objectif possible, il y a choix. Il pourrait se faire aussi sur des bases eugénistes, ne serait-ce que pour éviter d’implanter des embryons porteurs de maladie génétique par exemple.

Un bébé est récemment né après un tri afin de pouvoir donner sa moelle osseuse à son frère atteint de leucémie. On ne doute pas de l’amour que lui porteront ses parents, mais cette instrumentalisation a de quoi mettre mal à l’aise.

Le risque d’eugénisme est-il actuellement élevé ? Je ne le pense pas, ou plutôt, pas encore, car cela signifierait que le choix génétique des enfants à naître se fasse de façon généralisée, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui, à l'exception de la détection de maladies génétiques (la naissance du dernier enfant de Sarah Palin, qui est handicapé, montre que les parents ne choisissent pas systématiquement l’avortement en cas de détection).

Il y a beaucoup d’indignation voire d’hostilité contre le recours au diagnostic préimplantatoire pour dépister chez l’embryon la prédisposition à certains cancers.

Le risque de voir une "mode génétique" (aux critères variables au cours du temps) ne met pour l’instant pas en péril l’indispensable diversité génétique de l’espèce humaine. Une diversité qui pourrait être, en revanche, remise en cause, pour certains végétaux, par l’introduction des OGM, mais c’est un autre sujet.


Une entreprise de destruction massive d’embryons

Et c’est là le point le plus controversé de la fécondation in vitro qui est basée sur la "production" de nombreux embryons pour en avoir, à la fin, quelques uns potentiellement capables de se développer dans l’utérus.

Il y a d’abord ceux pour qui un embryon conçu est déjà une personne humaine. Ils considèrent donc que l’avortement se fait au détriment de la vie humaine. Or, la fécondation in vitro engendre la destruction de nombreux embryons au cours de tout le processus (qui n’aboutit, à la fin, qu’à un succès sur trois). Certains ont déjà obtenu l’existence juridique de fœtus ou d’embryons (la limite est ténue) en cas de fausse couche.

Et puis, il y a ces embryons surnuméraires. Que peut-on en faire ? Les supprimer au risque de supprimer une personne en devenir ? Les réimplanter hors contexte au sein d’une autre famille, le cas échéant à une autre époque et dans un autre pays ?

La conservation par congélation permet d’envisager d’autres frères et sœurs en cas de réussite du premier, c’était le cas des parents de Louise Brown.

Mais que faire des embryons congelés depuis peut-être déjà trente ans ?

Une affaire avait défrayé la chronique dans les années 1980 à propos du cas d’une jeune femme qui voulait se faire inséminer avec le sperme congelé de son mari décédé (malade, ce dernier avait procédé à un prélèvement avant le début d’un traitement qui allait le rendre stérile). Certains veulent bien après tout se marier à titre posthume.

La production d’embryons congelés amène la société dans cet état de fait qui ne trouve pas beaucoup de réponses éthiques convenables ni consensuelles : faut-il les supprimer après une durée donnée ? faut-il les sélectionner et n’en garder que quelques uns, les "meilleurs" ? faut-il tous les utiliser, peut-être pour des couples qui n'en sont morphologiquement pas trop éloignés ?

Hélas, aucune réponse ne sera bonne sur le devenir de ces embryons surnuméraires, et c’est pour cela que des micro-bébés éprouvettes en puissance sont rangés minutieusement dans des chambres froides dans l'attente d'un improbable devenir.


Vers un statut spécifique pour l’embryon humain ?

Il est temps de lancer un grand débat public sur ce vaste sujet. Un embryon n’est ni un matériau biologique, ni une personne humaine, car l’embryon n’est pas forcément une personne humaine en puissance. Un embryon peut ne pas donner de fœtus, s’arrêter de se développer trop tôt et mourir.

Il me paraît donc nécessaire de définir juridiquement l’embryon humain. Pour cela, il faudra savoir innover, pour créer une autre entité juridique que la personne humaine. Il s’agit de bien encadrer la production, l’utilisation, le stockage et la destruction éventuelle des embryons humains, sans bien sûr remettre en cause les lois sur l’avortement.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (5 janvier 2009)


Pour aller plus loin :

Un répertoire d’articles très intéressants de Jacques Testart sur le sujet.

Diversité : rien à déclarer.

Article à venir sur la réflexion de Jacques Testart.







http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=49553

http://fr.news.yahoo.com/13/20090105/tot-fecondation-in-vitro-trente-ans-de-b-89f340e.html

http://www.lepost.fr/article/2009/01/08/1379261_fecondation-in-vitro-trente-ans-de-bebes-eprouves.html






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