Malgré les tabous et les idées reçues que peut inspirer l’homosexualité, la réponse est évidemment : ni maladie, ni occidentale. Pourtant, de nombreux Africains l’ignorent encore…
Le sentiment homophobe est très répandu en Afrique noire, en raison de nombreuses idées fausses dont celle qui veut que l’homosexualité soit une ‘maladie’ qui aurait été apportée par les anciens colonisateurs.
Ignorance, simplismes et amalgames
Sentiment qui est exacerbé par un manichéisme qui oblige l’interlocuteur à prendre position pour ou contre. Et donc, contre.
L’homosexualité est devenue dans ces pays un véritable bouc émissaire dans une période où les valeurs morales font de plus en plus défaut et les amalgames sont rapide entre homosexualité, pédérastie, pédophilie, prostitution, tourisme sexuel, sado-masochisme etc. mais aussi franc-maçonnerie et Rose-Croix mis sur le plan d'amalgames.
Un journal du Cameroun, ‘Continental’, fait le point ce mois-ci sur cette dérive et met les points sur les i.
Le principal argument laisse entendre que l’homosexualité serait une pratique sexuelle contraire aux traditions africaines et qui proviendrait des Européens.
Les premiers missionnaires avaient affirmé, sur la foi de leur seule observation mais sans véritable étude, qu’il n’y avait pas d’homosexualité en Afrique mais considéraient cependant les pratiques sexuelles africaines comme dépravées.
Depuis un siècle, on sait que l’homosexualité a existé depuis toujours autant en Afrique qu’ailleurs.
Mais cette croyance fausse a été également encouragée par les deux principales religions monothéistes présentes en Afrique noire, à savoir l’islam et le christianisme, paradoxalement introduites par les mêmes Occidentaux, et aussi par l’héritage du Code Napoléon qui interdisait l’homosexualité (dans certains pays, l’homosexualité est encore passible de la peine de mort, voir la carte en fin d’article).
L’homosexualité, aussi d’origine africaine
Charles Gueboguo a rédigé un livre (cf à la fin de l’article) où justement, il remarque que si la perception de l’homosexualité a évolué en Afrique noire, elle a toujours existé par un enracinement très profond dans certaines traditions africaines, et en particulier, à travers quatre ‘piliers’.
1. L’homosexualité liée aux classes d’âge et aux jeux érotiques.
Au sud du Cameroun, chez les Bafia, les garçons devaient franchir trois étapes pour devenir des hommes, et la première étape consistait, pour des garçons de 6 à 15 ans, à vivre entre eux, à l’écart des jeunes filles. La puberté et la promiscuité aidant, certains adolescents avaient alors des relations sexuelles avec les plus jeunes.
2. L’homosexualité liée aux rites initiatiques.
Certaines pratiques avait pour but de souder les personnes à préparer une guerre ou à atteindre l’âge adulte. Ainsi, au sud et au centre du Cameroun, chez les Beti et chez les Bassa, certains rites comportaient des attouchements à caractère homosexuel entre femmes. Souvent appliqué quand la situation était difficile (mauvaise récolte, absence de gibier), ce type de rite pouvait aussi signifier le contraire chez les Fang du Gabon, Cameroun et Guinée-Équatoriale, à savoir être porteur de richesses futures.
3. L’homosexualité liée à l’absence de personnes d’un autre sexe.
Par exemple, chez les Azande, dans le sud-ouest du Soudan, les femmes avaient parfois des relations sexuelles entre elles au sein d’un même foyer polygame. Pareillement chez les femmes nkundo en République démocratique du Congo et chez les femmes herero en Afrique australe, souvent parce qu’elles n’obtenaient pas satisfaction auprès de leur mari.
4. L’homosexualité identitaire.
Certaines personnes avaient la préférence pour des personnes du même sexe qu’elles. Notamment dans le sud de la Zambie où elles étaient appelées ‘mwaami’ dans la langue ila.
Tabou, intolérance et interdiction
Croire que l’homosexualité n’existait pas en Afrique avant l’arrivée des Occidentaux relève donc d’un mythe trompeur mais qui pourrit la vie actuelle des homosexuels qui sont obligés de se cacher (souvent sous la couverture d’une famille classique, comme il y a quelques décennies en France par exemple) et qui songent à s’expatrier sous des cieux moins hostiles.
L’interdiction pénale de l’homosexualité encore très répandue en Afrique noire n’est d’ailleurs pas l’aboutissement d’une quelconque tradition africaine mais bien de l’héritage juridique des anciens colonisateurs.
Certains pays continuent encore en effet à pourchasser les homosexuels, comme la Gambie dont le Président, Yahya Jammeh, a ordonné le 18 mai 2008 aux homosexuels de quitter le pays avant vingt-quatre heures en prévoyant de lourdes sanctions aux ‘complices’ : « Tout hôtel qui héberge ce type d’individus sera fermé, car leur comportement est illégal. Nous sommes un pays musulman, et je n’accepterai jamais de tels individus dans ce pays. ».
Retard de l’Afrique ?
Certains pays africains seraient-ils en retard question mœurs sexuels et tolérance des autres ? L’Occident a mis aussi très longtemps à atteindre cet équilibre finalement très récent (et encore précaire) pour faire cohabiter pacifiquement et dans l’indifférence les différentes ‘populations sexuelles’.
Mais ce qui est sûr, c’est que l’ignorance est toujours le vecteur de l’intolérance et que la tolérance n’est pas un luxe de riches.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (28 mai 2008)
Pour aller plus loin :
Cartographie de la tolérance de l'homosexualité.
Degré d’acceptation de l’homosexualité.
Évolution des mentalités en France sur l’homosexualité.
L’homosexualité, entre tabou et idées fausses, de Christian Éboulé (Continental).
‘La Question homosexuelle en Afrique’ de Charles Gueboguo, éd. Harmattan (2006).
Interview de Charles Gueboguo.
En complément, citation d'un article du 8 mai 2000.
L'homosexualité en afrique
Mai 2000: "L'homosexualité est une tare de la société blanche, qui ne s'applique pas aux Africains !" Cette citation du président zimbabwéen, Robert Mugabé, avait été prononcée en 1998 lors de l'inauguration de la foire du livre d'Hararé. Furieux de découvrir des stands de livres gays, il s'était violemment emporté et avait aussitôt ordonné l'arrestation de tous les jeunes qui les tenaient. De nombreux médias étrangers ont diffusé cette histoire dans le monde entier, et grâce à l'intervention de la cour européenne des droits de l'homme, les "parias" ont été libérés quelques jours plus tard. Ceci n'est que l'exact reflet de ce qui se passe en Afrique.
L'Afrique du Sud et la Côte d'Ivoire sont les seuls pays africains à admettre l'homosexualité. Leurs capitales respectives, Johannesburg et Yamoussoukro, en sont un parfait exemple. Tous les "anormaux" y ont droit de cité. Bars et saunas gays côtoient depuis quelques temps clubs hétéros, et il n'est pas rare de croiser dans les rues deux mecs ou deux filles se promenant main dans la main, ou en train de s'embrasser goulument, au grand dam des passants. Avertis des ravages du HIV, la majorité (hélas, pas tous !) des gays ivoiriens prône le port du préservatif lors de rapports sexuels.
Toutefois, cet exemple n'est qu'une goutte d'eau dans la mer !
Tout à coté, au Nigéria, le plus vaste pays musulman d'Afrique noire, la loi coranique est claire à ce sujet : "L'homosexualité est un acte répulsant contre nature". Pour tout gay découvert, la punition est la même que celle réservée aux voleurs et autres bandits de grand chemin. Il est recouvert de pneus de voiture et immolé en public. Aussi, très rares sont ceux qui osent s'affirmer ouvertement, préférant se fondre dans la masse hétérosexuelle, ou se réfugier dans un mariage forcé (quel gachis !)
Un peu plus loin, au Cameroun, le gouvernement tenu en laisse par l'O.N.U. et le F.M.I. ne peut se permettre de commettre de telles exactions contre les homosexuels qui restent un sujet tabou. On en parle à voix basse, et on les dévisage comme des betes curieuses. Les lieux "in" étant quasiment inexistant, les jeunes gais et lesbiennes camerounais qui n'admettent aucun étranger au sein de leur petite communauté, se sont regroupés à Beganda (le quartier le plus populaire de la capitale économique) qui d'ici quelques années deviendra sans doute le Greenwich Village du Cameroun.
A tous les africains qui croient dur comme fer que l'homosexualité est une exclusivité de la race blanche, je dis "Ce n'est pas vrai. Ce n'est pas un envoûtement, ni un mauvais sort ancestral. C'est tout simplement une raison d'être !".
I'm proud to be a gay !!!
Cherryl
http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=40390
http://www.lepost.fr/article/2008/05/30/1200507_l-homosexualite-une-maladie-occidentale.html