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5 février 2008 2 05 /02 /février /2008 18:29



Restaurant chinois de Brie-Comte-Robert : qui va payer, qui va s’excuser et quand ?


Une enquête judiciaire vient de semer la dévastation dans un restaurant chinois quasiment neuf de Brie-Compte-Robert pour ne retrouver au bout du compte que quelques ossements d’animaux. On attend toujours des excuses publiques des autorités ! Examinons les faits :

Une commission rogatoire ordonnée par le juge d’instruction chargée de l’affaire de la disparition de la petite Estelle Mouzin a ordonné de fouiller le sol d’un restaurant chinois, le "Wok Royal", situé à Brie-Compte-Robert. Ces investigations, menées jeudi 31 janvier avec des excavatrices de chantier, pendant que dix personnes étaient gardées à vue, ont très lourdement endommagé ce restaurant, pour, en fin de compte, ne découvrir que quelques restes osseux d’animaux. La police estime qu’il s’agit d’une fausse piste induite par des affabulateurs.

Le procureur de la République de Meaux, René Pech a déclaré vendredi "la piste est infructueuse, même s’il reste quelques investigations à faire".

Les fausses informations à l’origine de cet invraisemblable chantier émanaient d’un journaliste indépendant et auraient été recueillies, dans le cadre d’une enquête sur le "milieu asiatique" pour l’émission de TF1 Le Droit de savoir. Selon ce journaliste, un homme d’affaires cambodgien lui aurait raconté "qu’il avait l’intention de faire chanter le patron d’un restaurant asiatique car un ouvrier ayant travaillé pour lui a expliqué à cet homme d’affaires avoir découvert, lors de travaux en juillet, le corps d’une petite fille dans les murs de l’établissement". Aujourd’hui, le journaliste explique : "J’ai décidé moi-même de ne pas médiatiser ces informations pas recoupables". Néanmoins, il aurait pris l’avis de la justice et contacté la police judiciaire.

Maintenant que cette fausse piste est dégonflée, reste une sacrée facture, et un honnête restaurateur qui n’a pas fini de payer les pots cassés. Essayons d’évaluer approximativement cette facture : on peut déjà estimer que nettoyer les dégâts, remettre une dalle de béton et refaire les décorations (70 mètres carrés auraient été entièrement détruits dans ce restaurant) prendra plusieurs semaines, voire deux ou trois mois, le temps que les experts fassent une estimation, et le temps que l’entreprise ayant fait ce restaurant soit disponible, et coûtera dans les 150 000 euros minimum. A quoi il faut ajouter le manque à gagner : en effet , un restaurant de cette taille doit faire dans les deux cents couverts par jour, à 25 euros le couvert en moyenne, c’est 5 000 euros par jour de chiffre d’affaire perdu, soit 150 000 euros par mois, donc 450 000 euros si le restaurant ferme 3 mois. Ce qui, ajouté aux réparations fait 600 000 euros au minimum !

Il faut rajouter à cela le sinistre occasionné aux employés : supposons qu’une dizaine de personnes payées chacune 1 000 euros nets par mois travaillaient dans ce restaurant, elles sont condamnées à trois mois minimum de chômage forcé, soit un total de 30 000 euros de salaires non touchés. On pourrait même aussi parler du préjudice des fournisseurs de ce restaurant qui peuvent également souffrir de cette situation.

Pendant ce temps le banquier du restaurateur, ne voyant pas ses remboursements de crédits, risque de se retourner contre lui, voire de saisir et revendre son restaurant. Les banquiers et autres créanciers des employés mis au chômage vont s’énerver aussi, d’ailleurs.

Alors, qui va payer tout ce gâchis ?

On ne peut guère compter sur les assureurs du restaurateur, qui ne manqueront pas de trouver une minuscule clause dans le contrat les autorisant à ne pas bourse délier pour rembourser les frais !

Reste le ministère de la Justice, mais on ne peut guère espérer que la commission d’indemnisation des victimes d’erreurs judiciaires se réunisse avant plusieurs années, et ne paye plus que des clopinettes pour ce sinistre majeur ! D’ici là, ce patron de restaurant aura amplement le temps de faire faillite !

Ce qui est incroyable dans cette affaire, c’est qu’aucune autorité ne se soit excusée, auprès de cet honnête commerçant et de ses employés, de l’énormité du préjudice matériel et moral occasionné à ces innocents. On aurait aimé entendre un mot d’excuse de Rachida Dati, ministre de la Justice, et de Michelle Alliot Marie, ministre de l’Intérieur, excuses assorties du versement immédiat d’une très large provision d’indemnisation pour le restaurateur et d’une garantie de maintien du salaire pour les employés !

Quels autres enseignements tirer de cette lamentable affaire ?

Tout d’abord, on peut se demander ce qui se serait passé si les fausses informations avaient désigné un restaurateur célèbre, genre chef à trois étoiles. Il y a fort à parier qu’on n’aurait pas éventré son restaurant, et que quelques coups de fils hauts placés auraient suffi à "calmer" l’enquête !

Il est étonnant que les médias n’aient pas donné la parole à ce restaurateur ou à son avocat à sa sortie de garde à vue, je pense que sa réaction aurait été intéressante. A aucun moment d’ailleurs les médias n’ont évoqué la présomption d’innocence pendant la garde à vue (on peut même se demander si l’adhésion initiale des médias à cette fable ne relevait pas d’une certaine forme d’adhésion à des stéréotypes concernant les Chinois...).

Si la vérité judiciaire n’a pas de prix, elle a néanmoins un coût, et ce n’est certainement pas à des innocents de payer ne serait-ce qu’une fraction de ce coût !

Enfin, on se demande ce que dirait la presse chinoise si elle avait vent de cette affaire. Elle en ferait sans doute des gorges chaudes : la justice française s’est comportée vis-à-vis du patron de ce restaurant chinois comme une justice de République bananière. La France, qui est prompte à donner des leçons de respect des droits de l’homme à la Chine ferait mieux de commencer à balayer devant sa propre porte, elle en serait plus crédible...


(par Docdory)

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