Acculé à la démission, Olmert quitte le pouvoir en pleines négociations avec les Palestiniens et les Syriens. Une difficile succession qui va remettre en cause une nouvelle fois l’espoir de paix.
Le 30 juillet 2008, le Premier Ministre israélien Ehoud Olmert a jeté l’éponge. Il a annoncé qu’il ne serait pas candidat pour la présidence de son parti, le Kadima, le 17 septembre prochain, et qu’il remettrait les clefs du pouvoir à celui qui serait désigné.
Poursuivi par des affaires politico-financières
Depuis trois mois, le long processus de déstabilisation d’Ehoud Olmert aura réussi. Déstabilisation ou dénonciation de ses errements financiers, la justice israélienne se prononcera.
Car depuis mai 2008, Olmert est accusé de corruption portant sur environ 150 000 dollars. Les faits reprochés, rassemblées dans plusieurs affaires judiciaires, datent d’avant son accession au poste de Premier Ministre.
Une carrière politique classique
Olmert fut élu pour la première fois à la Knesset à 28 ans (benjamin des députés), siège qu’il garde encore aujourd’hui. Il devin ministre dans le gouvernement d’Yitzhak Shamir en 1988 puis Ministre de la Santé de 1990 à 1992.
Maire de Jérusalem de 1993 à 2003 avec une réputation d’homme politique anti-corruption, Ehoud Olmert a tenté de s’emparer du Likoud face à Ariel Sharon en 1999.
Sa grande défaite au Likoud l’a paradoxalement rapproché d’Ariel Sharon qui le nomma Vice-Premier Ministre chargé du Commerce et de l’Industrie de 2003 à 2005 puis des Finances de 2005 à 2006. Le 24 novembre 2005, il suivit Sharon lorsque celui-ci se désolidarisa du Likoud pour créer le parti centriste Kadima rejoint par le travailliste Shimon Peres.
Le 4 janvier 2006, à la suite du coma d’Ariel Sharon (il est toujours vivant à ce jour), Olmert prit sa succession et conduisit son parti à sa première victoire électorale le 28 mars 2006.
Rapidement impopulaire
Dès l’été 2006, Olmert décida une guerre sans préparation contre le Hezbollah libanais qui se solda par de nombreuses morts et un échec complet. Une faute politique condamnée par la suite par une commission d’enquête israélienne.
C’est à partir de ce moment que la popularité d’Olmert chuta rapidement, une chute accélérée avec les scandales qui l’éclaboussent aujourd’hui.
Clamant son innocence, Ehoud Olmert n’a cependant pas exclu qu’il avait peut-être commis quelques erreurs. Il comptait sans doute se maintenir coûte que coûte au pouvoir mais ses amis du Kadima ont commencé à sérieusement ébranler son autorité politique.
Le dos au mur
La plus perspicace dans son opposition interne est la Ministre des Affaires Étrangères, Tzipi Livni, une ancienne du Mossad, qui a bataillé pour la démission d’Olmert. Elle a obtenu d’organiser des primaires le 17 septembre 2008 pour désigner le président de leur mouvement, une échéance dangereuse pour Olmert à l’autorité affaiblie.
Mais le coup de grâce est venu de ses partenaires travaillistes. Le président du Parti travailliste, Ehoud Barak, actuel Ministre de la Défense et ancien Premier Ministre de 1999 à 2001, avait menacé de rompre la coalition si Ehoud Olmert ne remettait pas en cause ses fonctions de Premier Ministre.
Comme toujours, la situation politique israélienne est très complexe, notamment par l’absence de majorité claire à la Knesset du fait du scrutin proportionnel et de la présence de nombreux partis religieux minoritaires.
Avis contrastés de ‘l’homme de la rue’
Ehoud Olmert va donc partir avec deux images de ‘micro-trottoir’ assez contrastées.
La première : « D’une manière générale, Ehoud Olmert est un bon Premier Ministre (….). Mais il s’est retrouvé impliqué dans quelques affaires qu’il doit maintenant régler. Il est temps pour lui de prendre ses responsabilités, de quitter le pouvoir, et c’est normal. Notre démocratie est forte. »
La seconde : « Si vous prenez en considération tous les problèmes que l’on a eus pendant qu’il était Premier Ministre : la guerre dans le nord, toutes les enquêtes, la corruption, tous ces problèmes, c’est une fin malheureuse pour une carrière exécrable. »
Maintenant, deux enjeux de taille vont occuper la vie politique israélienne des prochains mois.
D’une part, la désignation du futur président du Kadima le 17 septembre 2008 ; d’autre part, la constitution d’un nouveau gouvernement de coalition.
Succession au Kadima
Quatre candidats sont déjà en lisse pour succéder à Ehoud Olmert à la tête de son parti centriste.
La Ministre des Affaires Étrangères et Vice-Premier Ministre, Tzipi Livni, 50 ans, (ministre depuis 2001, chargée de l’agriculture, du logement, de l’immigration, de la justice entre autres), qui arriverait en tête. D’origine polonaise, elle fut la principale rivale interne à Olmert.
Arrivant juste derrière elle, le Ministre des Transports, Shaul Mofaz, 60 ans, qui aurait les faveurs d’Olmert, et qui fut de 1998 à 2002 le chef d’état-major des forces israéliennes (le premier d’origine d’iranienne) puis de 2002 à 2006 Ministre de la Défense, considéré comme un ‘faucon’. Il a jugé courageuse la décision d’Ehoud Olmert.
Sont également candidats à la succession le Ministre de l’Intérieur, Méir Chétrit, 60 ans, et le Ministre de la Sécurité intérieure, Avi Dichter, 55 ans.
Le prochain gouvernement
La désignation de Tzipi Livni pourrait amener Israël à se voir diriger par une femme pour la seconde fois de son histoire, la première fois étant avec Golda Meir de 1969 à 1974 (qui fut la troisième femme au monde à diriger un gouvernement national).
Mais le conditionnel est largement de rigueur, car le nouveau président du Kadima est loin d’être assuré de diriger le futur gouvernement.
En effet, si Kadima est le parti majoritaire, il ne compte cependant que 28 sièges sur les 120 que compte la Knesset. Or, la coalition est très instable.
Plus de treize mois après son élection, le Président de l’État Shimon Peres va devoir faire preuve d’une grande maîtrise de la politique israélienne.
Shimon Peres devra effectivement désigner le nouveau chef du Kadima pour constituer le futur gouvernement. Ce dernier disposera de 42 jours pour retrouver une majorité et obtenir la confiance des députés.
Vers de nouvelles élections ?
En cas de double échec, il serait procédé à la dissolution de la Knesset et de nouvelles élections législatives auraient lieu, de manière anticipée puisqu’elles sont prévues en principe pour mars 2010. Pendant le temps de leurs organisations, Ehoud Olmert dirigerait un gouvernement de transition, ne s’occupant que des affaires courantes, qui pourrait durer jusqu’à la fin de l’année 2008, soit également la fin du mandat du Président américain George W. Bush.
La dissolution est plus que probable car la remise en cause de la coalition laisse échapper certains mécontentements.
L’un des partenaires les plus importants, Ehoud Barak, a même évoqué sa possible intention de succéder à Ehoud Olmert, affirmant juste : « Nous soutenons notre État et voulons le protéger. ». Cependant, sans élection, ce serait impossible car le nouveau Premier Ministre doit obligatoirement être un élu de la Knesset, ce qui n’est pas le cas de Barak.
Un autre ministre, chargé des communications, Ariel Attias, représentant du parti ultra-orthodoxe Shass, a par ailleurs considéré qu’Olmert devait arrêter toute négociation avec les Palestiniens puisqu’il ne représente désormais plus rien.
Rapports de force
Aujourd’hui, s’appuyant sur la forte impopularité d’Ehoud Olmert, le leader de l’opposition a le vent en poupe.
Benjamin Nétanyahou, qui a repris la présidence du Likoud (l’ex-parti d’Ariel Sharon et d’Ehoud Olmert), ancien Premier Ministre de 1996 à 1999, souhaite reprendre sa revanche. Il a ainsi exclu toute coalition impliquant le Likoud et a réclamé des élections pour remplacer un gouvernement qui a échoué.
Nétanyahou ne demande pas des élections par hasard : il est actuellement fort probable qu’il puisse les gagner et revenir au pouvoir. Selon un sondage, Nétanyahou obtiendrait 36% des suffrages contre 25% en faveur de Tzipi Tivni et 12% pour Ehoud Barak.
Cette confortable avance donne à Nétanyahou beaucoup d’aplomb pour proposer l’union nationale… mais derrière lui.
Chance d’avenir d’Ehoud Olmert
Ehoud Olmert n’a quasiment aucune chance de revenir au pouvoir en Israël. Son impopularité est plus profonde que les simples affaires que la justice lui reproche. S’il réussissait à démontrer son innocence, il aurait malgré tout beaucoup de mal à refaire surface, tant au sein de son parti que dans l’opinion publique.
Même si le Jerusalem Post’ tempère cette certitude par cette phrase : « Dans ce pays, tout est possible en politique. Et si Olmert parvient à balayer les accusations à son encontre, ou à les minimiser, qui peut dire que nous n’entendrons plus jamais parler de lui ? ».
La politique israélienne est connue aussi pour ses retours d’anciens dirigeants : Ariel Sharon, Shimon Peres, Yitzhak Rabin et maintenant, Benjamin Nétanyahou (revenu à la tête du Likoud le 19 décembre 2005) et Ehoud Barak (revenu à la tête du Parti travailliste le 12 juin 2007)…
Israël, une démocratie avant tout
Malgré tous les problèmes politiques liés à Israël, une chose est claire, c’est que les Israéliens vivent dans une démocratie authentique, et c’est plus en ce sens que c’est un pays singulier dans une région du monde où le régime autoritaire est de mise.
Jamais en France un Premier Ministre n’aurait démissionné et remis en cause le leadership de son parti s’il avait été ainsi accusé (les exemples sont nombreux : Pierre Bérégovoy en 1992 avec son prêt et les privatisations, Alain Juppé en 1995 avec les logements de la ville de Paris, Dominique De Villepin en 2006 avec l’affaire Clearstream etc.).
Dans un prochain article, quelles sont les chances de la paix après le départ d’Ehoud Olmert ?
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (1er août 2008)
Pour aller plus loin :
Dépêches de presse sur la démission d’Ehoud Olmert et sa succession.
La guerre de succession commence en Israël (Le Monde du 1er août 2008).
http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=42846
http://fr.news.yahoo.com/agoravox/20080801/tot-israel-ehoud-olmert-s-en-va-la-paix-89f340e.html
http://www.lepost.fr/article/2008/08/01/1235001_israel-ehoud-olmert-s-en-va-la-paix-aussi-1.html