Confusion politique, luttes de pouvoir, carriérisme, impossible clarification idéologique…
Depuis le conseil national du PS réuni à la Mutualité ce 23 septembre 2008, on sait que six motions vont finalement s’affronter pour conquérir en novembre prochain la direction du Parti socialiste, puis la candidature à l’élection présidentielle d’avril 2012.
Les militants socialistes se prononceront le 6 novembre 2008 pour définir les nouveaux rapports de force.
Ce sont les motions de Ségolène Royal (motion E portée par Gérard Collomb), de Bertrand Delanoë (motion A), de Martine Aubry (motion D), de Benoît Hamon (motion C), de Christophe Caresche (motion B) et de Franck Pupunat (motion F).
Christophe Caresche porte une motion écologiste et Franck Pupunat celle du mouvement Utopia.
Pas de vie politique sans ambition personnelle
Dans le jeu politique, les luttes d’ambitions sont normales et saines.
Marine Le Pen et Bruno Gollnisch s’affronteront sans doute pour récupérer l’héritage du Front national abandonné par un Jean-Marie Le Pen vieillissant.
Gérard Larcher et Jean-Pierre Raffarin s’affrontent ce 24 septembre 2008 après-midi pour la Présidence du Sénat.
Valérie Pécresse et Roger Karoutchi vont rivaliser plusieurs mois pour la candidature UMP à la présidence du Conseil régional d’Île-de-France. Etc.
Les exemples sont nombreux et logiques. Lorsqu’il y a un enjeu dans des fonctions, il y a forcément plusieurs candidats déterminés.
Paroxysme et quatrième-républicarisation
Mais ce qu’il se passe aujourd’hui au Parti socialiste semble atteindre le paroxysme de ces jeux d’ambition. Une sorte de vaudeville qui ferait bien rire si on ne savait pas qu’il est le deuxième parti de France, qu’il a quand même gouverné la France pendant quinze ans ces vingt-sept dernières années et qu’il a conquis la majorité des collectivités locales (municipalités, Conseils généraux, Conseils régionaux) jusqu’à même devenir susceptible d’être majoritaire au Sénat probablement en 2011.
On a reproché que le Parti socialiste était trop présidentialisé, histoire de dire que le futur premier secrétaire ne devait pas se sentir son candidat naturel à la prochaine élection présidentielle. Pourtant, j’ai plutôt l’impression qu’il ne le soit pas assez, présidentialisé.
En effet, si on observe bien son fonctionnement, le Parti socialiste est plus proche de la IVe République que de la Ve République. François Mitterrand avait réussi à l’adapter (par l’attrait de sa forte personnalité) aux institutions de la Ve République, mais visiblement, de façon temporaire.
Car le Parti socialiste vit en régime parlementaire intégral. Jusqu’au mode de scrutin proportionnel pour la désignation de sa direction. Ce qui oblige à une synthèse molle pour obtenir une majorité opérationnelle. François Hollande en était d’ailleurs l’exceptionnel artisan (rassembler les partisans et opposants du Traité Constitutionnel Européen par exemple).
Et il ne gagne principalement que les élections législatives (trois victoires en juin 1981, juin 1988 et juin 1997) et ses deux victoires présidentielles (mai 1981 et mai 1988) ne semblent dues qu’à la personnalité de François Mitterrand.
La nouvelle cartographie socialiste
Mais reprenons les nouveaux clivages au sein du PS pré-rémois (car il s’agit bien de nouveaux clivage par rapport à la fin août).
La première observation, c’est que la nouvelle génération d’élus socialistes, pourtant déterminée à conduire les éléphants vers la sortie, a pitoyablement raté son objectif.
Et chacun de cette génération a préféré choisir la motion de l’éléphant qui lui assurerait le plus d’avenir personnel. Sans rapport avec les idées qu’elle pourrait véhiculer.
L’exemple est frappant.
Jean-Marie Cambadélis, Claude Bartelone, Gérard Collomb et Jean-Noël Guérini, trois élus qui comptent à Paris, Lyon et Marseille, s’étaient d’abord alliés avec Pierre Moscovici avec la volonté de prendre d’assaut la direction du PS.
Résultat des courses : Jean-Marie Cambadélis et Claude Bartelone nouent un accord avec Martine Aubry pour rassembler strauss-kahniens et fabiusiens. Gérard Collomb et Jean-Noël Guérini rejoignent finalement Ségolène Royal. Et que décide le strauss-kahnien Pierre Moscovici ? On aurait pu penser Martine Aubry ou Ségolène Royal. Non ! Il décide de soutenir Bertrand Delanoë. Allez comprendre !
Hilarante, la lettre d’Arnaud Montebourg, ancien soutien de Ségolène Royal, uni avec Pierre Moscovici et Martine Aubry, qui le 15 septembre 2008 demandait encore aux deux derniers de se réunir. Finalement, Moscovici part avec Delanoë et Montebourg avec Aubry.
Et encore, je ne parle pas de François Hollande, de Michel Rocard et de Michel Destot (maire de Grenoble) qui défendent Bertrand Delanoë.
Ni de Dominique Strauss-Kahn et Laurent Fabius qui défendent la même motion, celle de Martine Aubry, mais qui se crêpent le chignon malgré tout.
Laurent Fabius a ainsi déclaré le 23 septembre 2008 que « le Fonds monétaire international, qui aujourd’hui n’a pas un trop grand rôle, devrait avoir un rôle d’alerte sur les crises financières, car il est quand même absolument incroyable que nos grandes institutions ne soient quasiment pas intervenues [dans la crise financière internationale]. ». Rappelons que Dominique Strauss-Kahn est justement le directeur général du FMI depuis un an.
Julien Dray, qui avait aussi des velléités de candidature, rejoint plus logiquement Ségolène Royal qu’il avait soutenue à l’élection présidentielle (comme Gérard Collomb). Manuel Valls et Vincent Peillon aussi ont rejoint Ségolène Royal. Malek Boutih aussi, mais ce dernier vient hier de menacer de lui retirer son soutien.
Jean-Marc Ayrault, qui avait soutenu lui aussi Ségolène Royal à la primaire de 2006, la quitte pour miser sur Bertrand Delanoë. Un autre soutien déterminé de Ségolène Royal, Pierre Mauroy, soutient, quant à lui, Martine Aubry, par affinités lilloises.
Et Lionel Jospin dans tout cela ? À ma connaissance, il n’a pas voulu prendre position entre Bertrand Delanoë (son fidèle camarade du 18e arrondissement de Paris) et Martine Auby (l’une des deux dauphins du jopinisme triomphant avec Dominique Strauss-Kahn).
La motion la plus cohérente reste celle de l’aile gauche car elle rassemble des personnalités qui se sont toujours exprimé dans le même sens : Benoît Hamon (candidat au poste de premier secrétaire), Jean-Luc Mélenchon, Marie-Noëlle Lienemann, Henri Emmanuelli et Gérard Filoche.
Une catastrophe médiatique en prévision
Dans la course aux petits chevaux, les trois motions (Royal, Delanoë et Aubry) ont beaucoup d’atouts et d’handicaps, mais franchement, je n’arrive pas à sérieusement les différencier d’un point de vue idéologique ni même politique.
Les trois savent que le PS doit se réformer, doit chercher de nouvelles alliances, autres que la sacro-sainte union de la gauche.
François Rebsamen (proche de Ségolène Royal) a même plaidé pour une alliance avec le MoDem : « Nous devons accueillir les démocrates qui ne veulent pas de Nicolas Sarkozy. ».
Royal peut se targuer d’avoir une des plus grandes fédérations, les Bouches-du-Rhône. Aubry aussi avec le Pas-de-Calais (selon Christophe Borgel, un secrétaire national du PS, Aubry entraînerait 60% des militants). Delanoë a de beaux sondages parmi les sympathisants (c’est-à-dire, ceux qui ne voteront pas au congrès).
Mais sont-ils vraiment conscients de l’image déplorable qu’ils montrent aux Français ?
Une image d’ambitions, de carriérisme, de confusion, de personnalisation à outrance de la vie politique…
Qu’importe, Nicolas Sarkozy, François Bayrou et Olivier Besancenot s’en frottent déjà les mains…
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (24 septembre 2008)
Pour aller plus loin :
Reims, la version 2 de Rennes (3 septembre 2008).
Éléphants ou crabes ? (22 mai 2008).
Présentation vidéo des six motions socialistes.
Texte complet des 21 contributions socialistes.
Les militants socialistes ont voté (dessin humoristique provenant d’un site de la droite nationaliste).
http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=44834
http://www.lepost.fr/article/2008/09/24/1272138_ps-reims-c-est-mal-parti_1_0_1.html
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