Gérard Larcher a été désigné champion de l’UMP pour succéder au Président du Sénat Christian Poncelet.
Cela s’est passé rapidement ce 24 septembre 2008, vers 15 heures 52, dès le premier tour, à la salle Clemenceau du Sénat. Une réunion en coulisse inhabituellement retransmise en direct par la chaîne de télévision Public Sénat.
Un duel de choc
Dans ce palais tout en feutrage, on explique que les sols sont recouverts de moquette rouge pour ne pas entendre la chute des corps ni ne voir le sang des cadavres… ce qui a permis à Gérard Larcher de dire : « Aujourd’hui, le groupe UMP du Sénat a fait une démonstration qu’on pouvait faire un choix serein, un choix loyal, un choix entre amis. ».
Car ce groupe UMP s’est maintenant choisi comme candidat à la Présidence du Sénat l’ancien Ministre du Travail Gérard Larcher (voir les résultats complets ici).
Gérard Larcher avait déclaré à cette occasion : « Je réclame un Sénat qui compte, qui soit plus entendu, (…) un Sénat qui se distingue de l’Assemblée Nationale par sa manière de travailler, et par son mode de scrutin. ».
Son principal rival était l’ancien Premier Ministre Jean-Pierre Raffarin, dont l’échec laissera beaucoup d’amertume, étant donné toute l’énergie qu’il a déployée ces derniers mois pour cette primaire.
Jean-Pierre Raffarin a déclaré sportivement : « C’était une belle finale, bravo au vainqueur ! » mais n’a pas pu cacher sa grande déception.
Raffarin le connu contre Larcher le bien-aimé ? C’était sans doute cet enjeu qui est à l’origine du choix des sénateurs de l’UMP (et donc, d’une partie seulement de la majorité sénatoriale).
Les deux candidats (j’exclus Philippe Marini, expert en budget rigoureux, qui, avec 17 voix, a fait un score meilleur que prévu mais dont l’influence reste négligeable) sont deux poids lourds du Sénat.
Les atouts en commun
Une expérience sénatoriale incontestable : Larcher élu depuis 1986, quatre fois élu (une fois après un passage gouvernemental). Raffarin également quatre fois élu, à partir de 1995 (deux fois après un passage gouvernemental).
Une bonhomie reconnue : Gérard Larcher est un homme chaleureux qui vient même de s’engager à aider personnellement la réélection de chaque sénateur. Jean-Pierre Raffarin aussi, et il n’a pas lésiné en se rendant dans tous les départements pendant la campagne sénatoriale.
Une grande envergure politique : Gérard Larcher faisait partie (jusqu’à ces derniers mois) des premiers ministrables avec quelques autres (dont Xavier Bertrand). L’expérience gouvernementale de Jean-Pierre Raffarin n’est pas à rappeler.
Un soutien de Nicolas Sarkozy : chacun pouvait évoquer sa proximité avec le Président de la République Nicolas Sarkozy. Gérard Larcher qui se voyait féliciter pour son rapport sur l’hôpital. Jean-Pierre Raffarin qui avait soutenu Nicolas Sarkozy assez tôt en 2007 et se retrouvait numéro deux de l’UMP. Tous les deux étaient pourtant à l’origine des chiraquiens.
Des projets parallèles et consensuels pour réformer le Sénat et lui donner une meilleure visibilité (projet Larcher et projet Raffarin), même si Christian Poncelet avait déjà commencé à faire sortir le Sénat de sa torpeur historique en organisant de nombreuses manifestations avec la France qui travaille (entreprises, recherche et développement, enfance etc.).
Enfin, un âge qui fait changer de génération le Sénat : Larcher a 59 ans et Raffarin 60 ans, ce qui, dans les murs feutrés du Luxembourg, décoiffe un max !
Ce qui les distingue
Pour Gérard Larcher, ses talents de négociateur sont reconnus même par les syndicats et son grand travail. Il connaît tous ses dossiers en profondeur et peut donc échanger avec efficacité. Son écoute attentive est également très appréciée.
Pour Jean-Pierre Raffarin, c’est d’abord une ‘vedette’ de l’UMP. Inconnu en février 2002 lorsqu’il était évoqué comme futur Premier Ministre de Jacques Chirac, il avait répondu que son problème de notoriété serait résolu dès qu’il franchirait les portes de Matignon, ce qui fut vrai quelques semaines plus tard en succédant à Lionel Jospin.
Ces importantes responsabilités font de Jean-Pierre Raffarin l’un des rares barons de l’UMP aux côtés d’anciens éminents responsables UMP comme Dominique de Villepin, Jean-Louis Debré ou d’Alain Juppé, et le seul à encore faire de la politique nationale active. Cela lui confère un rôle non négligeable et surtout, non soumis, vis-à-vis de Nicolas Sarkozy.
Et ses responsabilités exécutives (présidence d’un Conseil régional, Matignon) lui ont aussi permis d’acquérir une stature internationale.
Retour à un vieux clivage ?
Même si les personnalités ne se valent pas et que chacun a ses admirateurs et ses détracteurs, il semble cependant qu’un vieux clivage serait toujours de mise au sein de l’UMP : l’origine partisane des entrants à l’UMP.
En effet, les UDF d’origine sont très minoritaires par rapport aux RPR d’origine et depuis 2002, à part le choix de Matignon de 2002 à 2004 et la désignation de Henri de Raincourt (ex-PR) à la tête du groupe UMP du Sénat, pas une seule fois les anciens UDF n’ont été favorisés au sein de l’UMP, tant dans les instances internes (Jean-Claude Gaudin et Jean-Pierre Raffarin n’ont jamais eu qu’un rôle de modérateurs entre les chiraquiens/villepinistes et les sarkozystes), que dans les institutions de la République : perchoir, plateau, ministères importants, présidence du Conseil constitutionnel etc.
Les grands leaders de l’UDF qui ont fait le pas vers l’UMP dès 2002 sont désormais ignorés voire inexistants (Pierre Méhaignerie, Jacques Barrot, encore Commissaire européen, Alain Madelin, Philippe Douste-Blazy et même Jean-Louis Borloo pourtant unique Ministre d’État).
Jean-Claude Gaudin a, de plus, refusé de soutenir Jean-Pierre Raffarin pour n’écarter aucune amitié. Or, les deux hommes s’étaient mis d’accord de n’être qu’un des deux à se présenter et de se soutenir mutuellement. La raison de Gaudin, c’était de ne pas faire renaître ce clivage UDF-RPR.
Et pourtant, il semblerait encore bien perdurer du côté du RPR. Du côté de l’UDF, même Alain Lambert, ancien centriste, qui se présentera finalement contre Gérard Larcher le 1er octobre 2008 en séance plénière, en candidat dissident, n’a pas voté pour Jean-Pierre Raffarin mais pour Philippe Marini dont l’expertise financière ne pouvait que séduire le coauteur de la LOLF. Alain Lambert explique maintenant sa candidature en critiquant l’hégémonie des ex-RPR au sein de l’UMP (qui en avait douté en 2002 ?) et la trop grande part d’élus franciliens dans les plus hautes instances (Nicolas Sarkozy de Neuilly-sur-Seine, Gérard Larcher de Rambouillet).
Gérard Larcher, 2e homme de l'État
Vu la richesse de personnalité de deux hommes, on pouvait difficilement dire que le prochain Président du Sénat ne serait pas un "homme bien".
Gérard Larcher a prononcé ce 24 septembre 2008 un discours de remerciement assez intéressant.
Ancien vétérinaire, ancien Ministre du Travail, Gérard Larcher s’est toujours défini comme un "gaulliste social".
Gérard Larcher s’est engagé à l’UJP (Union des jeunes gaullistes) à l’âge de seize ans. Vingt ans après, il est élu sénateur. Élu auparavant maire de Rambouillet à trente-trois ans, il était un proche de Charles Pasqua (dont le fils vient d’être définitivement condamné à un an de prison) à la même époque (1983) que la conquête de Nicolas Sarkozy à la mairie de Neuilly-sur-Seine (à vingt-six ans).
Avec son faux air de Philippe Noiret, Gérard Larcher est un redoutable homme de réseau à la rondeur joviale et à l’écoute reconnue.
Prochaine étape
Il ne devrait pas y avoir de surprise le 1er octobre 2008, étant donné la suprématie de l’UMP : Gérard Larcher, soutenu par les sénateurs UMP, et malgré la dissidence d’Alain Lambert qui cherchera à recueillir les électeurs UMP de Jean-Pierre Raffarin et de Philippe Marini, devrait être confortablement élu au plateau…
Mais pour combien de temps ?… au moins trois ans… ou au plus, si les socialistes réussissaient à conquérir la majorité sénatoriales en septembre 2011…
Souhaitons à Jean-Pierre Raffarin de profiter de cet échec pour continuer son travail de réflexion et d’influence sur l’action du gouvernement actuel.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (25 septembre 2008)
Pour aller plus loin :
Discours de Gérard Larcher (24 septembre 2008).
Qui sera élu au plateau ?
Sondage IFOP sur les Français et le Sénat.
Retransmission de la primaire par Public Sénat.
http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=44871
http://fr.news.yahoo.com/agoravox/20080926/tot-senat-l-ump-se-larcherise-en-douceur-89f340e.html
http://www.centpapiers.com/Senat-francais-l-UMP-se-larcherise,4284
http://www.lepost.fr/article/2008/09/25/1272728_senat-l-ump-se-larcherise-en-douceur_1_0_1.html
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