À moins de six semaines des élections, MacCain multiplie les bourdes et inquiète alors qu’Obama rassure. Le monde à l’envers ?
Imaginez qu’un candidat à la magistrature suprême vous dise qu’il est nul en économie. Vous vous dites qu’au moins, il est sincère et qu’il a d’autres qualités.
François Mitterrand, par exemple, était nul en économie. Michel Rocard et Laurent Fabius le savaient trop.
Mais si en plus, vous vous trouvez dans une tornade financière de première ampleur, la plus grave depuis 1929, alors vous commencez à ne plus avoir confiance.
C’est ce qu’il se passe avec le candidat John MacCain qui s’effondre dans les sondages après avoir décollé avec l’effet Sarah Palin (un effet qui avait renforcé sa candidature en terme d’intentions de vote, rappelons-le).
Plus de dix pourcents le séparent désormais du candidat démocrate et la tendance continue à s’accentuer. Certes, ce rapport de forces peut évoluer rapidement (l’effet Palin en a été la preuve).
Certes aussi, le mode de scrutin (très différent de l’élection présidentielle française) doit surtout faire porter attention aux États clefs (swing States) que CNN donne gagnés par Obama pour le Colorado (51% contre 47%), le Michigan (51% contre 46%) et la Pennsylvanie (53% contre 44%) et gagnés par MacCain pour le Montana (54% contre 43%) et la Virginie occidentale (50% contre 45).
MacCain inquiète
Il n’en demeure pas moins que la personnalité de John MacCain commence à inquiéter de plus en plus de monde, et en premier lieu ses collègues sénateurs républicains.
Thad Cochran, sénateur républicain, dit de lui : « C’est un homme capricieux et imprévisible, il n’a pas les nerfs très solides et perd rapidement son calme… et tout cela m’inquiète. ».
MacCain veut geler son retard dans les sondages
Reprenons un peu les faits.
La crise financière américaine "attaque" de nombreux établissements financiers. George W. Bush, prenant le contre-pied historique des idées libérales, propose d’injecter dans l’économie américaine, ou plutôt, dans ses canards boiteux, 700 milliards de dollars (une somme colossale).
Le Congrès n’est pas vraiment d’accord, et les Américains sont en colère car ils n’ont pas envie de payer les pots cassés par d’imprudents financiers à hauteur d’environ 2 000 dollars par personne !
John MacCain a alors une idée géniale pour enrayer son effondrement dans les sondages : arrêter de faire campagne jusqu’à avoir trouvé une solution à la crise financière et concentrer son action au Congrès. Il renonce également à participer au premier des trois ou quatre débats télévisés prévus avec Obama. Stopper la campagne, c’est stopper aussi sa descente aux enfers.
Obama rassure
Barack Obama n’est pas simplet. Il refuse d’arrêter de faire campagne et rappelle qu’il avait lui-même pris l’initiative d’appeler son concurrent pour publier un communiqué commun sur la crise financière.
Au contraire, pour Obama, le débat du 26 septembre 2008 est justement le bienvenu pour discuter des propositions des deux candidats face à cette crise (même si le thème était d’abord la politique extérieure des États-Unis).
Du coup, Obama continue à se préparer au débat, et ses conseillers affirment qu’il y aura le candidat démocrate, le modérateur et le public. Le fauteuil vide de MacCain pourrait alors avoir un effet dévastateur.
Enfonçant le clou, Obama n’a pas hésité à affirmer qu’un Président des États-Unis doit être capable de gérer plusieurs affaires à la fois. Que se passerait-il si MacCain était élu et s’il était confrontait à deux événements imprévus ?
Imprévisible candidat
Car c’est là où l’inquiétude demeure. Non pas que Sarah Palin pourrait lui succéder en cas de décès. Ce qui est inquiétant, c’est la personnalité même de MacCain : un individualiste forcené, colérique et têtu.
Cela lui a fait déjà prendre quelques décisions déconcertantes comme la désignation de sa colistière Sarah Palin ou l’annulation du premier jour de la Convention républicaine pour cause de cyclone.
Ou des déclarations à l’emporte-pièce sur le conflit russo-géorgien : « la plus grave crise depuis la Seconde guerre mondiale » en oubliant Cuba de 1962, le Vietnam en 1968, l’Iran de 1979, l’Irak de 1990 et de 2003 etc.
Un plan Paulson à modifier
Concernant le dossier économique, Obama reproche à MacCain de politiser les discussions entre le Congrès et le Trésor en voulant intervenir. Surtout que les négociations se déroulaient très bien sans lui.
Le 19 septembre 2008, Paulson propose son plan de 700 milliards de dollars. Quelques jours plus tard, le Congrès rechigne.
Sous la houlette de Nancy Pelosi, la Présidente démocrate de la Chambre des Représentants (speakerine), les Démocrates commencent les tractations et parviennent presque à un accord avec le gouvernement américain le 24 septembre : le compromis porte sur les rachats par l’État fédéral (moins aider les gros canards boiteux et plus aider les petits propriétaires insolvables) et la nomination d’une commission pour surveiller la mise en œuvre du plan.
Mais dès le 25 septembre, après une réunion de choc avec MacCain, tout est remis en cause (alors que les Républicains semblaient suivre le compromis Bush-Démocrates) et l’État sortirait du jeu pour remettre les acteurs financiers devant leurs responsabilités, sans pour autant trouver une solution adéquate.
Bref, MacCain, un éléphant dans un magasin de porcelaine… qui commence à se faire de plus en plus détester.
Désertion du vétéran
Dernier exemple en date, mercredi dernier, pour cause de crise financière et de retour rapide à Washington, MacCain a annulé une émission télévisée sur CBS avec le présentateur David Letterman. Mais avant de s’envoler à Washington, le candidat républicain a quand même pris le temps de se faire interviewer par une collègue de la même chaîne, Kate Couric, pour expliquer sa démarche.
Profondément furieux, Letterman a alors descendu MacCain : « Il ne peut plus faire campagne parce que l’économie s’effondre ? Ok, alors il faut qu’il fasse entrer son remplaçant, Sarah Palin. Elle est où ? ».
Puis il a continué à ironiser ainsi : « On ne peut pas suspendre une campagne. Cela ne sent pas bon. Les héros ne se comportent pas comme ça. Vous allez faire quoi si vous êtes élu et que les choses se compliquent ? Suspendre la présidence ? » et il a même diffusé les images de MacCain se faisant maquiller avant l’interview de Kate Couric avec ce commentaire caustique : « Cela ne ressemble pas à quelqu’un qui doit se rendre à l’aéroport à tout prix, n’est-ce pas ? ».
Pire que Bush Jr ?
MacCain pourrait se révéler être pire que Bush Jr. Ses colères, ses décisions déconcertantes et son incapacité à écouter les autres pourraient considérablement aggraver la situation internationale.
Pour les primaires de 2000 qu’il avaient perdues face à Bush Jr, MacCain avait même présenté son "Rogue State Rollback" (Refoulement des États voyous), en entendant soutenir politiquement et militairement toutes les forces locales qui souhaiteraient renverser les États qui menacent les États-Unis, notamment en Irak, en Corée du Nord et en Serbie.
Larry Korb, un ancien conseiller militaire du Pentagone et de la Maison Blanche sous Ronald Reagan, affirme même : « Son premier choix [celui de John MacCain] a toujours été et sera toujours l’usage de la force militaire, au détriment de toutes les autres options. ».
Les héros ne quittent jamais le navire…
Il est souvent dit que si les citoyens américains prenaient surtout en considération la politique extérieure de leur pays, ils choisiraient MacCain et si la préoccupation majeure était la politique intérieure (économie, social), ce serait Obama.
Bill Clinton a gagné face à Bush père de cette manière. Obama semble suivre le même chemin.
Mais un journaliste estime que, vu le contexte économique et international, l’élection présidentielle de 2008 est certainement celle qu’il faut perdre, car le Président élu aura tous les problèmes à résoudre et aura probablement de grandes difficultés à se faire réélire en 2012…
Obama, kamikaze ?
Qui a dit qu’il n’était pas courageux ?
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (26 septembre 2008)
Sources : dépêches de presse et articles RealClearPolitics.
Pour aller plus loin :
Obama versus MacCain (8 avril 2008).
France 2 retransmettra en léger différé le samedi 27 septembre 2008 à 5 heures du matin l’intégralité du premier débat, enfin, si débat il y a.
http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=44929
http://fr.news.yahoo.com/agoravox/20080926/tot-us-2008-obama-gagnera-t-il-faute-de-89f340e.html
http://www.lepost.fr/article/2008/09/26/1274207_us-2008-obama-gagnera-t-il-faute-de-combattant.html
commenter cet article …