(dépêches)
J - 11 : Obama s'offre une présidentielle à 5 milliards de dollars
Publié le 24/10/2008 à 07:33 - Modifié le 25/10/2008 à 15:07 Le Point.fr
Par Patrick Sabatier
À lui seul, Barack Obama a collecté et dépensé 605 millions de dollars pour conquérir la Maison-Blanche depuis qu'il a lancé sa campagne, début 2007.
Un voisin, ancien haut fonctionnaire retraité du département d'État, m'a invité mercredi soir à un cocktail "pour le président Barack Obama". La centaine d'invités avaient contribué à un minimum de 300 dollars par personne pour entendre un ancien vice-président des États-Unis exprimer son espoir de vivre le 4 novembre un "événement historique", la fin symbolique de plusieurs siècles de discrimination raciale et aussi la défaite d'un mouvement conservateur hégémonique depuis trente ans. L'argent collecté est allé remplir les coffres du candidat démocrate à la présidence des États-Unis. Des centaines de soirées similaires ont eu lieu le même soir à travers tout le pays. On s'y est félicité qu'Obama paraisse en mesure de l'emporter.
Jeudi soir, le New York Times a appelé à voter pour lui, comme l'ont fait la plupart des grands quotidiens du pays, et la moyenne des sondages nationaux lui donnait une avance de 7,5 % - avec 50,2 % des intentions de vote contre 42,6 % pour son rival républicain John McCain. Au même moment tombait un communiqué du Centre for Responsive Politics (CRP ) annonçant que l'élection 2008 serait "la plus coûteuse de l'histoire". La facture de l'élection du président, vice-président, d'un tiers du Sénat et de l'ensemble des représentants au Congrès sera, selon les calculs de cette organisation indépendante, d'au moins 5,3 milliards de dollars, dont 2,4 milliards pour la seule course à la Maison-Blanche.
Le coût de la campagne 2008 sera le double de celle de 2004, le triple de cette de 2000. Cette explosion du coût de la politique est à mettre principalement sur le compte des démocrates, responsables de 60 % des sommes recueillies et dépensées. Ils ont recueilli 52 % de plus en contributions qu'en 2004, alors que le trésor de guerre des républicains n'a augmenté que de 2 %. À lui seul, Barack Obama a collecté et dépensé 605 millions de dollars pour conquérir la Maison-Blanche depuis qu'il a lancé sa campagne, début 2007, dont 150 millions pour le seul mois de septembre.
Obama a rejeté le système de financement public, une première
La question qui vient inévitablement à l'esprit, et qu'on entend de plus en plus murmurer à J - 11 du scrutin, est la suivante : Obama est-il en train d'acheter l'élection ? Sa supériorité financière sur McCain est de quatre contre un. Elle lui permet d'écraser son rival républicain sous un déluge incessant de publicités télévisées, d'appels téléphoniques ciblés, d'emails, et sous des vagues de militants (la plupart volontaires, mais plusieurs centaines salariés) qui livrent la bataille sur le terrain. Il peut attaquer dans des États qui, en 2004, avaient voté Bush, et qu'il a de bonnes chances de faire basculer cette année. McCain, qui n'aura disposé que de 150 millions de dollars (84 millions de fonds publics et 60 millions que le Parti républicain utilise pour le soutenir) ne peut se battre que dans des États qu'il lui faut remporter à tout prix pour avoir la moindre chance de gagner.
La supériorité financière écrasante d'Obama vient du fait qu'il a rejeté le système de financement public des campagnes. Il est donc libre de collecter et de dépenser autant d'argent qu'il en est capable. Il est le premier candidat à la Maison-Blanche à avoir rejeté le système de financement public qui avait été mis en place en 1976, après le scandale du Watergate, pour tenter de briser l'emprise de l'argent sur la vie politique. Tout contribuable américain peut autoriser le fisc à consacrer 3 dollars de ses impôts à ce financement public des élections fédérales. Les candidats qui acceptent ces fonds publics renoncent à lever des fonds privés, et plafonnent leurs dépenses.
Durant les primaires, Obama s'était engagé à faire campagne sur fonds publics. Dès qu'il a été assuré de l'investiture de son parti, en juin, il a fait volte-face, s'étant aperçu que la mobilisation autour de sa candidature lui permettrait de rassembler plus d'argent par lui-même qu'il n'en recevrait de l'État. Sa décision, écrit Michael Luo dans le New York Times du 20 octobre "a sonné le glas du système de financement public de la politique".
McCain : "C'est une inondation de la vie politique par des flots d'argent"
"Il a fait sauter les digues", tempête John McCain. Le sénateur républicain de l'Arizona avait coopéré avec le sénateur démocrate du Wisconsin Paul Wellstone pour faire passer une législation encore plus restrictive contre la "politique de l'argent". "Nous allons assister à l'inondation de la vie politique par des flots d'argent, et l'histoire nous enseigne que cela finit toujours par des scandales." La complainte de McCain serait plus crédible si les républicains n'avaient pas été par le passé les pratiquants les plus efficaces de la "politique de l'argent", s'ils n'avaient eu de cesse de contourner les limites imposées aux contributions du privé et s'ils n'avaient pas été historiquement le parti inféodé aux milieux d'affaires et aux catégories sociales les plus aisées. Les démocrates peuvent justifier l'abandon brutal de toute prétention à l'assainissement du système en invoquant le principe qui veut que la fin (la victoire) justifie les moyens (la collecte d'argent).
David Plouffe, directeur de la campagne Obama, soutient même qu'en réalité, le flot de contributions qui a été le carburant de marche de son candidat sur la Maison-Blanche est "bon pour la démocratie". Obama a été financé explique-t-il, par plus de trois millions de petits contributeurs mobilisés via l'Internet qui lui ont envoyé des sommes inférieures à 100 dollars. Sheila Krumholz, directrice du CRP, confirme que "beaucoup plus d'Américains ont participé au processus" en 2008 par leurs contributions qu'au cours d'aucune autre élection. Le flot des contributions va de pair avec celui de l'inscription sur les listes électorales, et des militants qui se mobilisent pour la victoire du candidat démocrate.
Les petits contributeurs "ont équilibré le poids traditionnel des grandes sociétés et des gens riches" qui financent les politiciens dans l'espoir de les influencer dans le sens de leurs intérêts particuliers, ajoute Sheila Krumholz. "Le seul bénéfice qu'un petit contributeur peut espérer est la victoire de son candidat. C'est au fond peut-être plus sain pour la démocratie." Pour beaucoup d'Américains, il est vrai, le fait de donner de l'argent à un homme politique est perçu comme une des manifestations de la liberté d'expression garantie par le 1er amendement.
Obama a changé les règles du jeu dans la compétition politique
Les mains d'or d'Obama n'en posent pas moins problème. D'abord parce que la moitié au moins de son trésor de guerre provient en réalité de grands intérêts économiques, sociétés, associations patronales, chefs d'entreprise, ou de catégories sociales privilégiées, avocats, banquiers, promoteurs immobiliers et autres, qui ont tous évidemment des intérêts particuliers à protéger à Washington, et envers lesquels le Parti démocrate sera redevable. Ces grands intérêts privés qui favorisaient autrefois massivement les républicains ont cette année volé au secours de la victoire annoncée des démocrates.
"Wall Street et les grands autres secteurs industriels n'ont pas réduit leurs contributions politiques, au contraire", note le CRP. Ils ont réparti leur manne à égalité entre les deux partis, donnant même un avantage aux démocrates. La société qui a le plus contribué à la campagne Obama (pour 5 millions de dollars) est par exemple la grande banque d'investissements Goldman-Sachs, au centre de la tourmente à Wall Street. Cette dépendance envers le monde de l'argent a toutes chances d'entrer en conflit avec les promesses de "changement" à Washington, dont Obama a fait son mantra. Et il n'est pas certain qu'il pourra toujours faire passer l'intérêt général avant celui des généreux donateurs qui l'ont aidé à conquérir le pouvoir. Il aura besoin d'eux pour être réélu.
Avant même d'avoir remporté l'élection, il est clair que Barack Obama a déjà été l'acteur d'un changement profond, celui des règles du jeu dans la compétition politique. Mais l'avenir seul dira si c'est à l'avantage de la démocratie en Amérique.
Big Donors Drive Obama's Money Edge
By Matthew Mosk and Sarah Cohen
Washington Post Staff Writers
Wednesday, October 22, 2008; A01
The record-shattering $150 million in donations that Sen. Barack Obama raised in September represents only part of the financial advantage the Democratic nominee has amassed entering the final weeks of the presidential contest, newly released campaign finance records show.
Obama and the Democratic Party committees supporting his campaign had $164 million remaining in their collective accounts entering the campaign's final full month, compared with $132 million available for Sen. John McCain and the Republican Party.
The advantage is compounded by Obama's ability to continue to raise money through the election because he decided not to participate in the federal financing program. McCain opted in, meaning he received $84.1 million in federal funds to spend between the Republican National Convention and Nov. 4, and he must rely solely on the Republican National Committee for additional financial support.
Behind Obama's staggering fundraising numbers, compiled on more than 80,000 pages filed with the Federal Election Commission late Monday, are signs that it was far more than just a surge of Internet donors that fueled a coordinated Democratic effort to try to swamp McCain.
Interest among major party donors grew so fevered that the Democratic Party created a separate committee to capture millions of additional dollars from individuals who had already given Obama the most the law allows and who had also anted up $28,500 to the Democratic National Committee.
The Committee for Change, created in mid-July, has become a vehicle for ultra-rich Democratic donors to distinguish themselves from the 3.1 million others who have put $600 million behind Obama's presidential candidacy.
"We kept running into donors who had maxed out to Obama Victory who wanted to do additional money and had the capacity to do it and were eager to do it," said Alan Kessler, a Philadelphia lawyer who recently held a fundraiser for the committee. "They asked if there were vehicles and other ways to do it, and we said yes."
The committee, which has been routing millions of dollars directly to state party accounts and will help fuel Obama's field operations, represents the flip side of the grass-roots fundraising effort that helped turn Obama into the most successful money-raiser in presidential campaign history.
Similar joint committees are active on both sides of the political aisle. Rick Davis, McCain's campaign manager, announced this year that McCain would attempt to keep pace with Obama by creating a Victory Fund that would collect as much as $70,000 apiece from wealthy donors. The fund disburses money to the Republican National Committee, state party committees, and a separate fund to pay McCain's legal and accounting bills.
Lost in the attention given to Obama's Internet surge is that only a quarter of the $600 million he has raised has come from donors who made contributions of $200 or less, according to a review of his FEC reports. That is actually slightly less, as a percentage, than President Bush raised in small donations during his 2004 race, although Obama has pulled from a far larger number of donors. In 2004, the Bush campaign claimed more than 2 million donors, while the Obama campaign claims to have collected its total from more than 3.1 million individuals.
"It's just unbelievable," said Thomas A. Daschle, the former Senate leader who is a top Obama adviser. "I don't know that anybody could have anticipated that the numbers would be this good."
Even some Republicans have come away impressed.
"The truth is, he is attracting more money at all levels, ranging from $1 to $2,300," said Jan Baran, a Republican fundraising expert. "We're talking about someone who raised money from 3.1 million people. I think he can validly claim a widespread base of support."
From the start, Obama's campaign has designed a fundraising effort that tries to maximize contributions from both small and large donors. That effort expanded in late summer, when Obama prepared to accept his party's nomination and the DNC set up separate committees that would enable top donors to give as much as $65,500 to support his bid.
The best-known of those committees, the Obama Victory Fund, has catered to party regulars who attended one of dozens of gala events around the country, including VIP gatherings for those able to donate $28,500. The Committee for Change has quietly accepted millions more, in checks ranging from $5,000 to $66,900, from celebrities, corporate titans, Native American tribes and several of Obama's most ardent bundlers.
They include entertainment mogul David Geffen, Baltimore Orioles owner Peter Angelos, actress Annette Bening, the California-based Sycuan Band of the Kumeyaay Nation and members of Chicago's Crown family.
DNC spokeswoman Karen Finney said the committee will support ground operations in 18 states, including all the key battlegrounds. "It's a way for donors to give directly to the state parties' ground operation, working in the field in support of Democrats up and down the ballot," she said.
The closest equivalent to the soft-money donors of the Clinton era, or to Bush's "Pioneers" and "Rangers," are those who have contributed to each facet of the Obama fundraising machine.
Among those who have both raised top dollar and donated it are St. Louis developer Bob Clark, Florida lawyer Mark Gilbert, and Hollywood moguls Geffen and Jeffrey Katzenberg, whose children each gave $37,000 to the Committee for Change.
The Crowns, longtime Obama patrons, are among a handful who have given across the board: They raised more than $500,000 for Obama's campaign, they collectively gave $18,500 directly to the campaign, they donated $57,000 to the Victory Fund, and they sent $74,000 to the Committee for Change.
"By both raising the most money and donating to every committee, they become double big players," said Fred Wertheimer, a campaign finance advocate who helped lead the effort to rid politics of soft-money donors, who were allowed to give unlimited amounts. "This has become the newest form of problem money."
La collecte de fonds a atteint un niveau record
4 novembre 2008 - 16:04 - LeMonde.fr
La campagne présidentielle de 2008 a battu les records de dépenses et de collecte de fonds. Si l'on prend en compte l'ensemble des concurrents des primaires démocrates et républicaines, puis les sommes recueillies par les deux candidats pour l'élection elle-même, le total des contributions financières a atteint 1,55 milliard de dollars (1,22 milliard d'euros). Pour savoir combien d'argent a été investi, cette année, dans les campagnes politiques, il faut ajouter à la présidentielle les élections au Congrès et les scrutins locaux pour des postes de gouverneur et pour les législatures d'Etat. Cette addition n'a pas encore été faite.
L'importance des moyens financiers, dans les campagnes électorales américaines, n'est pas une nouveauté. Ce qui l'est, c'est le niveau sans précédent des fonds réunis par Barack Obama et sa décision de ne pas entrer dans le cadre du financement public. Celui-ci, qui était de 84,1 millions de dollars cette année, a pour contrepartie le plafonnement des dépenses et l'interdiction d'utiliser des fonds privés. La décision de M. Obama, tournant le dos aux engagements qu'il avait pris, "a probablement porté un coup fatal aux efforts entrepris après le Watergate pour limiter le rôle de l'argent dans la compétition présidentielle", a écrit David Broder, vétéran du journalisme politique, dans le Washington Post.
Après le scandale du Watergate, mettant en cause le financement occulte de la campagne de Nixon en 1972, le Congrès a adopté des règles encadrant les contributions aux campagnes présidentielles et prévoyant une dotation publique, assortie de conditions. Les démocrates, constatant que la "big money" allait aux républicains, étaient d'ardents promoteurs de cette réglementation. La décision de M. Obama représente un changement considérable. Annonçant sa décision, le 19 juin, dans une vidéo envoyée à ses partisans, le sénateur de l'Illinois l'a justifiée en déclarant que le financement public, "tel qu'il existe aujourd'hui, est cassé", et que les républicains "sont devenus des maîtres dans le jeu qui consiste à le contourner".
Cette volte-face a pris au dépourvu John McCain, qui ne pouvait pas imiter son adversaire pour deux raisons. La première, d'ordre moral, est que le sénateur de l'Arizona a fait de la lutte contre l'influence de l'argent dans la politique un de ses chevaux de bataille, et qu'il est l'auteur, avec le démocrate Russ Feingold, en 2002, de la dernière réforme importante du financement des campagnes. La deuxième était qu'il n'avait plus le temps de lancer une campagne de collecte de fonds privés efficace et que, au surplus, compte tenu de ce qu'elle lui aurait coûté, elle lui aurait laissé finalement des ressources équivalentes à la dotation publique.
Dans les derniers jours de campagne, le candidat démocrate a pu dépenser trois fois plus que son adversaire en publicités télévisées et radiophoniques. La soirée du 29 octobre, où M. Obama s'est offert une demi-heure d'antenne en prime time sur trois des quatre réseaux nationaux, regardée par plus de 33 millions de personnes, a été le clou de cette offensive. La campagne du sénateur de l'Illinois "profite directement de sa promesse brisée", a commenté M. McCain.
Les deux candidats ont refusé le financement public pour les primaires, comme l'avaient fait John Kerry et George Bush en 2004. Au total, avec la dotation publique qu'ils avaient acceptée pour l'élection elle-même, M. Kerry avait par exemple dépensé 310 millions de dollars, selon le Center for Responsive Politics, organisme indépendant qui recense les contributions reçues par les hommes politiques. Selon la même source, M. Obama a dépensé, à ce jour, 573 millions de dollars (il en a collecté 639 millions) et M. McCain 293 millions (pour 360 millions collectés).
Le candidat démocrate fait valoir qu'il a reçu 300 millions de dollars de petits contributeurs, qui ont envoyé, généralement par Internet, des sommes inférieures à 200 dollars (158 euros). Mais cela représente moins de la moitié de son trésor de guerre, alimenté pour le reste par les contributions venues d'entreprises ou de branches, au premier rang desquelles les avocats, suivis par les financiers et le show-biz.
Des "bundlers" se chargent de "lier" ensemble ces dons individuels, dont chacun ne peut dépasser 2 300 dollars (1 800 euros). Sur le même modèle, M. McCain a bénéficié des largesses du secteur financier, de l'immobilier et des cabinets de lobbying. Les comptes de campagne ne prennent pas en considération la "soft money", c'est-à-dire les fonds recueillis par leurs partis et par des associations amies pour des activités sur le terrain, telles que l'inscription et la mobilisation des électeurs ou des publicités n'appelant pas directement à voter pour eux.
Dans un pays où les dons privés à toutes sortes d'organisations, d'associations ou d'institutions relèvent d'un emploi normal de son argent, soutenir financièrement un candidat ou un parti est considéré comme une des formes de la démocratie. La loi McCain-Feingold de 2002 a été attaquée devant la Cour suprême pour entrave à la liberté d'expression.
La collecte de fonds de la campagne électorale a atteint un niveau record
LE MONDE | 04.11.08 | 13h49 • Mis à jour le 04.11.08 | 16h17
WASHINGTON ENVOYÉ SPÉCIAL
La campagne présidentielle de 2008 a battu les records de dépenses et de collecte de fonds. Si l'on prend en compte l'ensemble des concurrents des primaires démocrates et républicaines, puis les sommes recueillies par les deux candidats pour l'élection elle-même, le total des contributions financières a atteint 1,55 milliard de dollars (1,22 milliard d'euros). Pour savoir combien d'argent a été investi, cette année, dans les campagnes politiques, il faut ajouter à la présidentielle les élections au Congrès et les scrutins locaux pour des postes de gouverneur et pour les législatures d'Etat. Cette addition n'a pas encore été faite.
L'importance des moyens financiers, dans les campagnes électorales américaines, n'est pas une nouveauté. Ce qui l'est, c'est le niveau sans précédent des fonds réunis par Barack Obama et sa décision de ne pas entrer dans le cadre du financement public. Celui-ci, qui était de 84,1 millions de dollars cette année, a pour contrepartie le plafonnement des dépenses et l'interdiction d'utiliser des fonds privés. La décision de M. Obama, tournant le dos aux engagements qu'il avait pris, "a probablement porté un coup fatal aux efforts entrepris après le Watergate pour limiter le rôle de l'argent dans la compétition présidentielle", a écrit David Broder, vétéran du journalisme politique, dans le Washington Post.
Après le scandale du Watergate, mettant en cause le financement occulte de la campagne de Nixon en 1972, le Congrès a adopté des règles encadrant les contributions aux campagnes présidentielles et prévoyant une dotation publique, assortie de conditions. Les démocrates, constatant que la "big money" allait aux républicains, étaient d'ardents promoteurs de cette réglementation. La décision de M. Obama représente un changement considérable. Annonçant sa décision, le 19 juin, dans une vidéo envoyée à ses partisans, le sénateur de l'Illinois l'a justifiée en déclarant que le financement public, "tel qu'il existe aujourd'hui, est cassé", et que les républicains "sont devenus des maîtres dans le jeu qui consiste à le contourner".
Cette volte-face a pris au dépourvu John McCain, qui ne pouvait pas imiter son adversaire pour deux raisons. La première, d'ordre moral, est que le sénateur de l'Arizona a fait de la lutte contre l'influence de l'argent dans la politique un de ses chevaux de bataille, et qu'il est l'auteur, avec le démocrate Russ Feingold, en 2002, de la dernière réforme importante du financement des campagnes. La deuxième était qu'il n'avait plus le temps de lancer une campagne de collecte de fonds privés efficace et que, au surplus, compte tenu de ce qu'elle lui aurait coûté, elle lui aurait laissé finalement des ressources équivalentes à la dotation publique.
Dans les derniers jours de campagne, le candidat démocrate a pu dépenser trois fois plus que son adversaire en publicités télévisées et radiophoniques. La soirée du 29 octobre, où M. Obama s'est offert une demi-heure d'antenne en prime time sur trois des quatre réseaux nationaux, regardée par plus de 33 millions de personnes, a été le clou de cette offensive. La campagne du sénateur de l'Illinois "profite directement de sa promesse brisée", a commenté M. McCain.
Les deux candidats ont refusé le financement public pour les primaires, comme l'avaient fait John Kerry et George Bush en 2004. Au total, avec la dotation publique qu'ils avaient acceptée pour l'élection elle-même, M. Kerry avait par exemple dépensé 310 millions de dollars, selon le Center for Responsive Politics, organisme indépendant qui recense les contributions reçues par les hommes politiques. Selon la même source, M. Obama a dépensé, à ce jour, 573 millions de dollars (il en a collecté 639 millions) et M. McCain 293 millions (pour 360 millions collectés).
Le candidat démocrate fait valoir qu'il a reçu 300 millions de dollars de petits contributeurs, qui ont envoyé, généralement par Internet, des sommes inférieures à 200 dollars (158 euros). Mais cela représente moins de la moitié de son trésor de guerre, alimenté pour le reste par les contributions venues d'entreprises ou de branches, au premier rang desquelles les avocats, suivis par les financiers et le show-biz.
Des "bundlers" se chargent de "lier" ensemble ces dons individuels, dont chacun ne peut dépasser 2 300 dollars (1 800 euros). Sur le même modèle, M. McCain a bénéficié des largesses du secteur financier, de l'immobilier et des cabinets de lobbying. Les comptes de campagne ne prennent pas en considération la "soft money", c'est-à-dire les fonds recueillis par leurs partis et par des associations amies pour des activités sur le terrain, telles que l'inscription et la mobilisation des électeurs ou des publicités n'appelant pas directement à voter pour eux.
Dans un pays où les dons privés à toutes sortes d'organisations, d'associations ou d'institutions relèvent d'un emploi normal de son argent, soutenir financièrement un candidat ou un parti est considéré comme une des formes de la démocratie. La loi McCain-Feingold de 2002 a été attaquée devant la Cour suprême pour entrave à la liberté d'expression.
Patrick Jarreau
Article paru dans l'édition du 05.11.08