De quoi parle-t-on chez les socialistes ? Du MoDem ! Il faut vraiment ne rien avoir d’autre à cuisiner que d’aller regarder l’assiette du voisin.
Il y a une part de surréalisme dans ce qu’il se passe au Parti socialiste.
Avant Reims, pendant Reims ou après Reims, la situation restera la même : une guerre de positions qui durait depuis l’échec monumental de Lionel Jospin en avril 2002.
François Hollande avait réussi à garder la chape de plomb sur le parti et les éléphants s’en sont contenté, pensant que cela immobiliserait leurs concurrents.
Dans ce désert idéologique, Ségolène Royal est arrivée avec ses gros sabots (lorrains) et a raflé la mise en 2006-2007. Réussira-t-elle à poursuivre ses courses dans ce poussiéreux magasin de porcelaine ?… la réponse le 20 novembre 2008.
Au menu socialiste, les centristes
En attendant, au lieu d’entendre les projets politiques des différentes "factions" socialistes (peut-on les nommer autrement ?), leur analyse de la crise financière, leurs idées sur la politique sociale du gouvernement, on parle… du MoDem et de François Bayrou !
Car la seule argumentation que les ténors des motions Delanoë, Aubry et Hamon ont trouvée pour s’opposer à Ségolène Royal, c’est la question de l’alliance électorale entre le PS et le MoDem.
Vu le poids de François Bayrou au premier tour de l’élection présidentielle de 2007, on se doute qu’il est devenu un élément crucial pour la victoire d’un second tour présidentiel.
Malgré la désertion de ses principaux généraux, François Bayrou semble préserver son petit capital de popularité et de sympathie auprès de l’électorat et est désormais doté d’un parti opérationnel. Une stature nationale et une armée neuve, voici qui peut attiser bien des "envies".
Donc, c’est sur ce thème que les combattants de la gauche archaïque veulent lutter contre Royal.
Sans pour autant rappeler que Martine Aubry ne s’était pas gênée pour intégrer le MoDem dans sa majorité municipale à Lille, et le fait de dire qu’elle n’en avait pas besoin pour gagner les dernières élections municipales (ce qui semble être le cas), c’est encore pire d’un point de vue raisonnement : cette alliance n’avait pas qu’une finalité électorale mais aussi politique, un projet municipal commun.
Si Ségolène Royal est pour une alliance au second tour présidentiel entre le MoDem et le PS, c’est sans doute parce qu’elle a compris que ce serait la seule voie pour battre l’UMP (mais serait-ce politiquement cohérent ? j’en doute).
Mais de toutes façons, même ses sbires ne sont pas vraiment d’accord avec elle : Vincent Peillon, ancien allié de l’aile gauche, Henri Emmanuelli, Jean-Luc Mélenchon et Arnaud Montebourg, ne serait pas du tout partisan d’une alliance explicite.
Un sondage à point venu
Puisque le MoDem et François Bayrou sont invités au congrès de Reims bien malgré eux, eh bien, reprenons une étude d’opinion qui vient justement de sortir ce 13 novembre 2008.
Certes, le sondage émane du Figaro, de LCI et de OpinionWay.
Et comme tous les sondages, on pourra le contester. Il n’en reste pas moins que les sondages préélectoraux de 2007 furent assez pertinents à part un de CSA début mars 2007 qui plaçait Bayrou à 24% et vite corrigé par la suite (selon des rumeurs, il y aurait eu manipulation pour surestimer Bayrou et ensuite inverser la tendance montante par une baisse ultérieure).
Mais que dit cette enquête ? Que sans Ségolène Royal, les socialistes risquent fort de laisser François Bayrou s’installer au second tour pour la prochaine élection présidentielle.
Le sondage évalue trois hypothèses de candidature socialiste à la prochaine élection présidentielle : avec Bertrand Delanoë, Martine Aubry et Ségolène Royal.
En face, la candidature quasiment inéluctable de Nicolas Sarkozy, de François Bayrou et d’Olivier Besancenot et également, pour le FN, encore le vieux lion de Jean-Marie Le Pen.
Premier élément :
Dans les trois cas de figure, Nicolas Sarkozy garderait son score de 2007 en faisant environ 33 à 34%. Le Pen ne varie pas non plus mais ferait moins qu’en 2007 avec 7%. Buffet ferait entre 3 et 4%, Voynet un peu moins et les autres petits candidats potentiels seraient très négligeables (dans les 1 à 2%).
Aucune variation non plus pour ceux qui déclarent s’abstenir (environ 25%).
Second élément :
Ségolène Royal serait la plus apte à rendre présent au second tour le Parti socialiste. Elle ferait 24% rognant sur Besancenot (10%) et sur Bayrou (16%).
Martine Aubry la moins apte avec seulement 16%, plaçant alors Besancenot à 12% et Bayrou à 18% qui obtiendrait sa place au second tour.
Enfin, Bertrand Delanoë ferait jeu égal avec François Bayrou avec 18% (d’où incertitude sur la place au second tour), mais laisserait Besancenot avec 12%, ce qui resterait à un niveau très élevé.
Une conclusion et des pistes divergentes
Bref, la conclusion, c’est que les déchirements de la planète socialiste ne profiteraient pas à l’UMP (Nicolas Sarkozy ne progresserait pas par rapport à 2007) mais seulement à Olivier Besancenot (crédité de 10 à 12% au lieu de 3% de 2007) et à François Bayrou qui, s’il ne progresserait pas (voire régresserait par rapport à 2007) profiterait de la faiblesse relative du PS pour s’imposer au second tour.
Évidemment, de cette conclusion et avec une plus ou moins bonne foi, on pourrait tirer les leçons qui arrangeraient :
1. Pour les uns, il faudrait refocaliser le PS plus à gauche pour éviter l’érosion vers Besancenot.
2. Pour certains autres, Bayrou serait le plus efficace pour faire perdre Sarkozy au second tour (ce qui était une évidence en 2007).
3. Enfin, d’autres pourraient aussi se dire que la stratégie de Royal serait la meilleure car elle éviterait l’érosion vers Bayrou, ce qui est beaucoup plus crucial pour gagner une élection présidentielle que les pertes vers Besancenot.
Une proposition purement personnelle
Alors, pour mettre d’accord tous les vieux éléphants socialistes, j’ai une proposition révolutionnaire :
Et pourquoi ne désigneriez-vous pas au poste de premier secrétaire du Parti socialiste un certain… François Bayrou ?
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (15 novembre 2008)
Pour aller plus loin :
Sondage OpinionWay du 13 novembre 2008 (Politoscope).
Tu veux ou tu veux pas ?
Géopolitique des crabes.
Analyses sur le PS.
Le congrès de Reims et ses motions en pratique.
Histoire du PS.
La préparation du congrès de Rennes (janvier 1990).
http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=47285
http://www.lepost.fr/article/2008/11/15/1326503_bayrou-s-invite-a-reims.html
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