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15 novembre 2008 6 15 /11 /novembre /2008 12:11

(dépêches)



Changez !, par Eric Fottorino

Editorial
LE MONDE | 14.11.08 | 13h30

Au-delà des batailles de personnes et d'appareil au Parti socialiste, la question est posée : une gauche de gouvernement peut-elle émerger avec de véritables chances de victoire en 2012 ? Le défi dépasse le simple champ partisan. Il en va de la vigueur de notre démocratie. Une opposition puissante et crédible est un ressort essentiel de la vie publique. Or ce ressort est rouillé. A trois reprises depuis 1995, la gauche a perdu l'élection présidentielle. Lorsque Nicolas Sarkozy achèvera son mandat en 2012, cela fera dix-sept ans qu'un dirigeant de la droite française est à l'Elysée, et ce nonobstant la cohabitation avec le gouvernement de la gauche plurielle entre 1997 et 2002. Pareil constat fixe l'enjeu du congrès socialiste de Reims.
 
Les responsables du PS devraient entendre le cri de leurs militants : changez ! De ce point de vue, la deuxième victoire de Ségolène Royal dans son propre camp (d'abord comme candidate à l'élection présidentielle, maintenant avec les 29 % obtenus par sa motion) doit être prise au sérieux. Y compris par ceux qui ont le tournis devant ses positions idéologiques frisant le populisme, oscillant de la gauche radicale aux penchants conservateurs de l'ordre juste. Comme Nicolas Sarkozy créa la rupture dans l'imaginaire de la droite, Ségolène Royal veut incarner une rupture dans l'expression du socialisme. La démocratie participative ou la critique des 35 heures ont prouvé qu'elle savait s'affranchir des dogmes du PS.

Tirant les leçons de sa défaite de 2007, attirant auprès d'elle économistes et intellectuels pour réinventer le discours et la pratique de sa famille politique, exprimant son "envie" de gouverner le parti, Ségolène Royal tente de créer les conditions d'un renouveau. Le chemin est cahoteux, parfois obscur, incertain et risqué. Etre une femme ne facilite pas la tâche. Aux socialistes de décider s'ils veulent de ce renouveau-là. Ou de tout autre qui s'imposerait à Reims. Sans quoi ils construiront avec éclats les ruines de leur avenir.

Eric Fottorino
Article paru dans l'édition du 15.11.08



Le rénovateur caché du congrès de Reims, par Patrick Jarreau

Chronique
LE MONDE | 14.11.08 | 13h26  •  Mis à jour le 14.11.08 | 13h26

Elle a un mérite, parmi beaucoup d'autres assurément, c'est de ne pas se contrefaire. A la question de savoir si elle se portait candidate au poste de premier secrétaire du PS, elle a répondu, mercredi, sur TF1 : "C'est vrai que j'en ai envie." Tout Ségolène Royal était dans cette phrase. Là où une autre - un autre - aurait parlé de "conditions réunies", de "situation objective" ou d'"amicales pressions", elle a déclaré franchement son désir d'exercer cette fonction. Simplicité rafraîchissante, se réjouissent les uns ; attention toujours ramenée à soi, s'irritent les autres.

La question avait été posée dans les formes canoniques : un congrès, un poste à pourvoir, une candidature à déclarer. La réponse a ignoré les usages, rusé avec les règles, affirmé une subjectivité qui reléguait dans l'ombre statuts, procédures et calculs. L'aveu de "l'envie" fut suivi immédiatement de la prise à témoin de l'opinion, dont le truchement permettait à l'interviewée de quasiment parler d'elle-même à la troisième personne, pour observer qu'elle a la réputation de ne pas être "une femme d'appareil".

Cette femme, à laquelle le miroir de l'opinion dit qu'elle n'est pas une femme d'appareil - préservant ainsi sa différence par rapport au parti qu'elle souhaite diriger -, est donc prête non pas à occuper ce poste - pour elle, a-t-elle précisé, "ce n'est pas un poste" -, mais à accomplir une tâche que les militants, plaçant sa motion devant les autres, l'ont habilitée à briguer. C'était du beau travail, une fine dentelle brodée au micron près, une partition parfaitement maîtrisée par celle qui en est à la fois l'auteur et l'interprète. Pour qui douterait encore de la consistance de l'entreprise de Ségolène Royal depuis son entrée dans l'arène présidentielle, en 2005, l'épisode de TF1 était révélateur d'une démarche désormais reconnaissable entre toutes et qui embraye fortement sur la réalité politique.

La candidate inattendue de 2007 était guettée au tournant du congrès socialiste. D'accord, elle avait su gagner la primaire, à la faveur des circonstances et grâce à son aura médiatique. Mais primaire, médias, tout cela, au fond, est étranger au parti, à ses sections, ses fédérations, ses contributions, motions et courants. Quand les socialistes se retrouveraient entre eux et avec leurs rites, les vrais compteurs homologués donneraient la mesure de la densité spécifique du "ségolénisme". Or la démonstration a été faite que, dans ce parti affaibli en tant que parti, cette offre-là apparaît comme la moins faible.

Ses chances de l'emporter sont d'autant plus grandes que la logique institutionnelle, au sein du PS, est inverse de ce qu'elle fut. Ce n'est plus obligatoirement au congrès, dans la commission des résolutions de sa dernière nuit, que se forme une majorité soutenant un premier secrétaire. Comme celui-ci est élu ensuite par les militants, les contours de la majorité peuvent êtres définis plus tard, quand se négociera la composition du secrétariat national. La présidentialisation, devant laquelle les adversaires de Ségolène Royal font mine de se récrier, est acquise, et l'avance que lui ont donnée les militants montre qu'ils en ont pris acte.

Cette évolution a sa raison principale non pas dans les réformes statutaires, mais dans l'histoire des dix dernières années, au cours desquelles le PS a perdu l'assurance de désigner un des deux candidats au second tour de l'élection présidentielle. L'alternative à la droite ne lui appartient plus en propre. Il doit la disputer, dans le meilleur des cas, au centrisme, avec lequel l'affrontement et le dialogue sont devenus inévitables.

La rénovation du Parti socialiste devra beaucoup à François Bayrou. Lequel a tout à y gagner et tout à y perdre.

Courriel : jarreau@lemonde.fr.

Patrick Jarreau
Article paru dans l'édition du 15.11.08


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