Il s’est dépouillé de tout : de ses parapluies, de ses vêtements, de sa peau, même de sa colonne vertébrale… Il ne resterait que les viscères… Ce serait presque risible mais c’est aussi le signe d’une… bonne santé.
Se mettre à découvert suscite bien des ironies faciles et des moqueries légères.
Depuis quelques mois, et singulièrement depuis deux semaines, les chaotiques soubresauts du Parti socialiste font les choux gras des détracteurs… et ces derniers n’ont pas tort de s’en priver, parce que le spectacle infligé est assez grotesque.
Sans doute très tendance avec la mode de la transparence, ce qui, aux États-Unis, est très banal, en France, est exceptionnel : placer le débat interne à un grand parti sur la place publique.
Transparence fatale
Cette transparence, sur la forme, serait saine si, sur le fond, les débats n’étaient pas focalisés uniquement sur des ambitions de personnes mais aussi sur des enjeux idéologiques, or, pour le PS, je ne vois pas d’enjeux idéologiques.
Ce grand parti l’avait déjà fait pour la primaire de novembre 2006 et l’enjeu était simple, la désignation d’un candidat à l’élection présidentielle de l’année suivante.
Mais ici, c’est carrément de l’acharnement thérapeutique. Le pire, c’est que personne n’y peut rien : ni les hiérarques du Parti socialiste, ni les éléphants et autres ambitieux, ni les médias, ni même les militants… Une sorte de sort, de fatalité, qui s’acharnerait sur ce vieux parti (103 ans).
Voyeurisme intégral
En quinze jours, tout a été dévoilé de ce parti, et des informations loin d’être connues des autres partis, beaucoup plus opaques sur ce sujet, à savoir :
1. le nombre exact d’adhérents au Parti socialiste pour la cotisation 2006 (ceux qui ont été mobilisés pour la primaire) ;
2. le nombre exact d’adhérents qui se sont déplacés aux trois scrutins (les trois soirs des 6, 20 et 21 novembre 2008), prenant sur leur vie professionnelle ou familiale (et rapporté au nombre d’inscrits ayant payé leur cotisation 2008, cela fait un taux de participation très élevé) ;
3. le fonctionnement exact du parti, le mode de désignation de ses instances dirigeantes, les attributions de celles-ci, les forces en présence (éléments des plus opaques pour les autres grands partis) ;
4. les sentiments, les rancœurs, les colères, les tristesses, les peurs, les joies de chaque camp, à peine cachés des médias voire amplifiés volontairement dans un but ou un autre ;
5. les abandons mis en lumière (Joël Batteux, Jean-Luc Mélenchon, Marc Dolez, Franck Pupunat…) ;
6. les petites cuisines locales entre roitelets féodaux… ;
7. et même la moindre petite négligence (donc involontaire) d’un petit scribouillard un peu fatigué dans une fédération de province.
Combat sans casserole
Par ailleurs, malgré ce fatras d’animosité très élevée (beaucoup de "petites phrases" assassines), ce qui est à noter est que le niveau de ce combat de dames n’est pas descendu en dessous de la ceinture. Je m’explique : aucune "casserole" n’a été envoyée médiatiquement vers l’une ou l’autre des candidates, et pourtant, chacune pourrait en avoir avec sa (déjà) longue expérience politique.
Peut-on dire que le combat a été loyal ? En tout cas, il a été à découvert et la moindre erreur de fonctionnement était donc visible non seulement des adhérents socialistes (les seuls concernés dans l’histoire) mais aussi de tous les citoyens français.
L’élection ne fait pas tout
Le PS, son dirigeant sortant François Hollande, ses éléphants, ses militants, je le répète, ne sont pas responsables de cet extraordinaire constat qui risque de faire frémir plus d’un démocrate. Il est des cas où une élection ne suffit plus à départager deux candidats !
Parce que dans le cas du vote du 21 novembre 2008, les bruits ne sont pas congruents. Parfois, 18 voix d’avance pour Martine Aubry, puis, on parle de 18 voix d’avance pour Ségolène Royal si on compte la Nouvelle-Calédonie, mais on n’a pas encore compté Wallis-et-Futuna… On parle même d’une voix d’avance de je ne sais plus qui sur l’autre.
Quelle que soit la candidate en tête et reconnue comme telle, ce n’est pas une volonté militante. Le parti est cassé en deux parties égales et il n’y a eu aucune vainqueure.
Comment recoller les morceaux ?
Visiblement, quand on écoute des personnalités comme Manuel Valls, on se dit qu’il serait bien délicat de préserver l’unité du PS. Une scission donnerait-elle plus de garantie aux militants, qui seraient un peu comme les enfants d’un couple bientôt divorcé ?
Question finances, beaucoup vont réfléchir avant de quitter le Titanic. Car si le MoDem a su capter l’héritage de l’UDF, le Nouveau Centre s’est trouvé tellement démuni qu’il lui a fallu s’allier avec un parti polynésien.
Les "événements" de Reims sont évidemment un excellent point dans la démocratisation et la transparence des partis politiques et donc celle de la vie démocratique. Mais ils se sont produits à contretemps.
L’anachronisme du PS, c’est que son agenda n’a absolument pas tenu compte des événements internationaux dont la gravité n’a rien à voir avec le poste de premier secrétaire d’un parti national. Certains, début octobre 2008, envisageaient de reporter ce congrès de Reims. Mais d’autres y ont vu une manœuvre. Englué dans son égopartisme, François Hollande n’a pas voulu changer la date. Il a eu sans doute tort.
Que peut faire le PS aujourd’hui ?
Lundi, il vérifie les comptes, mardi, il proclame ou pas la gagnante et samedi 29 novembre 2008, il convoque sa direction collégiale…
Mais, cela ne va pas être de la tarte.
Un lapsus révélateur de Ségolène Royal montrait à l'évidence dès le 22 novembre 2008 qu'elle n'entendait pas du tout dédramatiser, et ce 24 novembre 2008 dans le journal du matin de France Inter, elle le confirme. Parmi son argumentation, le fait que s'il n'y avait pas un nouveau vote, la première secrétaire déclarée élue n'aurait obtenu qu'une victoire à la Pyrrhus.
Les solutions ?
1. Revoter ? Pour retrouver du 50-50 ou pour améliorer ses techniques de fraude ?
2. Faire la cohabitation à l’israélienne : dix-huit mois pour Martine Aubry, dix-huit mois pour Ségolène Royal (juste en 2011 !).
3. Collégialiser tous les postes décisionnels avec un triumvirat à deux (!), style Martine Aubry et Vincent Peillon (j’imagine mal les deux candidates acceptant de travailler ensemble, et Vincent Peillon paraît bien silencieux en ce moment).
4. Donner aux parlementaires le parti : Ayrault (neutre pro-royaliste) et Bel (comme l’avait fait Chirac en 1988 et 1995 pendant ses campagnes présidentielles).
5. Tirer au sort.
6. Se casser en deux de façon contrôlée pour canaliser les deux ailes des militants et éviter les départs vers le MoDem ou l’ultra-gauche.
7. Faire comme si de rien n’était, proclamer la candidate qui a le plus de voix après recomptage, attendre que la mousse médiatique s’étiole et rendre cette première secrétaire aussi efficace que… François Hollande (la pire des solutions).
On souhaite du bon courage, car l’intransigeance des deux camps peut faire regretter le temps de la synthèse molle de François Hollande.
Après tout, la mollesse, au moins, ça ne casse pas.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (24 novembre 2008)
Pour aller plus loin :
Sur le PS et son renouvellement.
http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=47699
http://www.lepost.fr/article/2008/11/24/1335487_depuis-des-semaines-il-est-a-nu.html
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