(dépêche)
Inde/Pakistan: coup de froid sur la paix, mais la guerre est exclue
16 déc 2008 - il y a 8 min - Izhar WANI
Le laborieux processus de paix entre l'Inde et le Pakistan est de facto suspendu en raison des attentats islamistes de Bombay, a reconnu mardi New Delhi, tout en excluant une nouvelle fois une quatrième guerre contre Islamabad.
Les tensions entre les deux puissances militaires nucléaires d'Asie du Sud se sont beaucoup ravivées depuis les attentats contre la capitale économique indienne du 26 au 29 novembre (172 morts, dont neuf assaillants), mais elles se limitent à un sérieux coup de froid diplomatique entre ces "frères ennemis".
"J'admets qu'il y a une pause dans le processus de dialogue global (avec le Pakistan) à cause des attaques sur Bombay", a déclaré le ministre indien des Affaires étrangères, Pranab Mukherjee, à Srinagar, la capitale d'été du Cachemire indien.
New Delhi, Washington et Londres imputent le carnage de Bombay au Lashkar-e-Taïba (LeT), l'un des mouvements armés fondamentalistes pakistanais qui assurent lutter contre l'"occupation" indienne du Cachemire et contre les "persécutions" dont seraient victimes les 150 millions de musulmans en Inde.
Mais un porte-parole du LeT a affirmé à l'AFP que la lutte armée contre l'Inde au Cachemire allait "continuer" et a nié encore tout "lien avec les attaques de Bombay" ou "avec Al-Qaïda et les talibans".
L'Inde avait qualifié le Pakistan d'"épicentre du terrorisme" islamiste, affirmant que le commando de Bombay venait de là-bas, puis a exigé que son voisin lui livre une quarantaine de "terroristes" présumés.
En réponse, Islamabad a arrêté la semaine dernière des dizaines de membres ou proches du LeT, mais il entend juger lui-même les éventuels responsables.
"Nous attendons, et nous l'avons souligné auprès (du ministre des Affaires étrangères) Shah Mahmood Qureshi, que le Pakistan remplisse ses engagements en ne permettant pas d'utiliser son territoire pour (lancer) des attaques terroristes contre l'Inde", a insisté le chef de la diplomatie indienne.
Simultanément à New Delhi, le ministre de la Défense A.K. Antony répétait que l'Inde ne projetait pas d'attaquer le Pakistan, tout en pressant Islamabad de réprimer les groupes musulmans fondamentalistes, sous peine d'affecter durablement des relations bilatérales déjà extrêmement tendues.
L'Inde et le Pakistan, nés de la partition sanglante et bâclée de l'Empire britannique des Indes les 14 et 15 août 1947, se sont livré trois guerres en 61 ans, avant de réamorcer en janvier 2004 un difficile processus de paix.
Le ministre Mukherjee s'exprimait depuis le Cachemire, un territoire himalayen divisé depuis 1949 entre les deux rivaux, à l'origine de deux conflits et qui demeure un terrible abcès de fixation.
New Delhi et Islamabad avaient déjà frôlé en 2002 une quatrième confrontation --potentiellement atomique-- à la suite d'une attaque contre le Parlement indien le 13 décembre 2001, imputée au LeT.
Immédiatement après le drame de Bombay, le gouvernement indien aurait envisagé de suspendre unilatéralement le dialogue de paix, déjà mis à mal par un attentat en juillet contre l'ambassade d'Inde en Afghanistan pour lequel le Pakistan est montré du doigt, avait rapporté l'agence Press Trust of India (PTI).
En fait, l'Inde et le Pakistan sont depuis trois semaines sous pression des Etats-Unis --alliés des deux pays-- qui se sont évertués à les apaiser.
Washington redoute qu'une escalade militaire oblige le Pakistan à dégarnir son front du nord-ouest où son armée affronte talibans pakistanais et combattants d'Al-Qaïda cachés dans les zones tribales frontalières avec l'Afghanistan.
Quant à l'Inde --"plus grande démocratie du monde" aux ambitions de superpuissance responsable et dotée de l'arme atomique depuis 1998-- elle ne veut pas risquer une guerre conventionnelle, qui pourrait dégénérer, face à un pouvoir civil pakistanais déstabilisé par le terrorisme islamiste et le poids de l'armée.