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25 mars 2009 3 25 /03 /mars /2009 09:36

Des mots (des maux) peuvent-ils servir de chiffon rouge ? C’est un peu cette interrogation qui vient à l’esprit lorsqu’on lit les forums d’Agoravox. En particulier sur certains sujets.


J’expliquais il y a quelques mois que l’anonymat dans des espaces participatifs avait de très mauvaises conséquences, celles de se permettre tout sans craindre aucune sanction pas seulement judiciaire mais surtout sociale.

Les commentateurs d’Agoravox semblent majoritairement aussi atteints d’un autre mal profond (autre que l’anonymat). J’espère qu’il n’en est pas de même pour les lecteurs plus discrets.


Lecture partielle

Ce mal, c’est de ne pas savoir lire, ou de ne pas vouloir lire, ou encore de commenter sans lire. De prendre un mot, voire deux, et de se jeter tout de suite sur son clavier pour en dire tout le mal qu’on en pense (ou plus rarement du bien). Et plus généralement, d’avoir de gros soucis de lecture, pour comprendre les phrases, les mots, la signification de groupes de mots…

Il en a été ainsi de mon article "Politique fiction" dont le but ne concernait en rien la politique intérieure française dont j’avais déjà abondamment évoqué des aspects (notamment lors du congrès du Parti socialiste à Reims), mais les événements actuels à Madagascar.

Il s’agissait, à destination de ceux qui étaient peu familiers de la politique intérieure malgache, de montrer par l’absurde la traduction de l’actualité malgache dans le contexte français. J’ai donc effectivement pris Bertrand Delanoë malgré lui puisqu’il était le maire de la capitale comme Andry Rajoelina, et en France comme à Madagascar, ce poste avait justement déjà servi de tremplin pour arriver au pouvoir suprême (Jacques Chirac en France, Marc Ravalomanana à Madagascar).

Pour ponctuer l’ensemble, j’écrivais clairement « Aux lecteurs francocentrés qui penseraient que je voulais parler de la situation française, n’y voyez aucune analyse de la politique française ni des différents éléphants socialistes. Ce n’était pas le but de cet article. » et j’embrayais sur Madagascar.

Cette démonstration par contraposition était-elle vraiment trop subtile pour le plus grand nombre ? Je n’oserais le penser. Juste une négligence de lecture sans doute. Ou une haine trop forte contre Bertrand Delanoë et/ou contre Nicolas Sarkozy ?

Qu’importe.

Mais le mal dont je parlais au début est cependant bien plus grave quant il s’agit de parler d’antisémitisme.


Anti-antisémitisme

Mon article sur Arthur se voulait être clair, et j’ai été très surpris par les nombreux commentaires haineux qu’il a suscités. Problème de lecture encore une fois ? Je ne sais pas et après tout, je préférerais cette hypothèse à une autre.

Celle qui voudrait que tous ces commentaires fielleux soient hélas la preuve que l’antisémitisme serait bien vivant ici (je rappelle la définition du mot dans le Petit Larousse : « doctrine ou attitude d’hostilité systématique à l’égard des juifs »). Je le constate malheureusement.

Reprenons les faits :

1. Arthur n’est l’agent que de lui-même. Un commentateur remarqua avec raison qu’il ne se préoccupait que de lui-même, de sa carrière, de sa propre vie, et je l’imagine assez bien ainsi. Il a de la famille en Israël, donc il est logique qu’il ait pour ce pays un certain lien affectif (prenez les pays où vous avez des amis ou de la famille et observez votre affection pour ces pays).

2. Arthur ne s’est jamais impliqué dans le conflit israélo-palestinien. Il le dit d’ailleurs à la fois modestement et égoïstement, comme si ce conflit le dépassait largement (et dépasse largement beaucoup de monde) : « Cet attachement à Israël ne me donne pas le droit de me mêler et de donner mon avis sur la politique israélienne en étant confortablement installé à Paris. ».

3. Cependant, ce n’est pas le seul Français à être attaché à Israël. Tous les gouvernements français, depuis la création d’Israël, ont montré aussi cet attachement à Israël, à son existence, tout en souhaitant que celle-ci ne se fasse pas au détriment d’autres populations notamment palestiniennes.


D’où vient alors la haine ?

Pourquoi Arthur est-il tant montré du doigt ? Pourquoi suscite-t-il tant de haine que le plus mauvais des animateurs de télévision ne saurait susciter ?

Et sans être paranoïaque, il n’y a, hélas, pas beaucoup d’autres raisons que le simple fait d’être d’origine juive. Je dis d’origine juive car il ne me semble pas qu’Arthur soit croyant ou pratiquant, et d'ailleurs je m'en moque, il fait ce qu'il veut, c'est sa vie, pas la mienne.

Ce qui me confirme dans ce constat, c’est qu’on reproche entre autres à ce saltimbanque d’être pour les bombardements contre des civils palestiniens à Gaza (je n’ai lu nulle part pareille approbation) ou, à défaut, et c’est là le symptôme de l’antisémitisme, le fait (sans doute réel) de n’avoir émis aucune opinion sur la guerre à Gaza.

En quoi l’opinion d’un comique est-elle intéressante sur un problème politique majeur qui a fait cauchemarder la communauté internationale depuis un demi-siècle ? Uniquement parce qu’il est juif. C’est là l’abject.

Son intervention dans le journal "Le Monde" n’avait qu’un seul but : vouloir être le porte-parole de tous ces Français d’origine juive, pas plus impliqués dans le conflit israélo-palestinien que n’importe quel autre Français de n’importe quelle autre religion ou sans religion mais qui subissent, comme lui et avec moins de protection que lui car moins connus que lui, les ravages de ce mal qui ronge nos sociétés depuis plusieurs millénaires.


Sionisme ?

C’est en ce sens que coller sur la peau d’Arthur le symbole du sionisme est d’une étonnante stupidité qui ne peut se comprendre que par un réel antisémitisme (évidemment nié) et la volonté d’exporter en France un conflit qui crée des drames à plusieurs milliers de kilomètres de la France. Une sorte d’épidémie de guerre de religions. Comme s’il n’y avait pas assez de problèmes sociaux en France pour s’approprier ceux de l’extérieur.

Il n’est évidemment pas question ici d’évoquer le bien fondé du sionisme (dont je rappelle la définition du Petit Larousse : « mouvement dont l’objet fut la constitution, en Palestine, d’un État juif ») ni de celui de ceux qui constatent de nombreux abus dans la politique du gouvernement israélien notamment à Gaza : toute mort est un drame indéfendable, quelle qu’en soit son origine et quelle qu’en soit la victime, notamment palestinienne.


Discrimination et étiquetage

Construire une paix durable au Proche-Orient ? Mais ce n’est pas la question, et d’ailleurs, tout le monde devrait (enfin, je l’espère) répondre "oui, je veux". La question, c’est que Arthur, comme d’autres à d’autres moments de l’histoire, a été amené de force dans un contexte qui n’est pas le sien. Que l’on l’a pris pour ce qu’il n’est pas.

En tant que personnage public et visible, Arthur s’expose logiquement aux critiques comme toute célébrité. Reprocher la nullité de ses émissions, pourquoi pas et je serais même presque de cet avis pour ce que j’en ai vu ?

Mais lui reprocher je ne sais quelle défense du sionisme international dont il n’a que faire, avec des mots de vocabulaire très proches des thèses du complot, du grand capital, du "on vous ment", du "ils sont partout dans les médias", du "lobby mondial"… c’est un procédé assez abject qui est déjà très ancien et très peu novateur.


Élucubrations sémantiques

Il est insupportable de voir la justification du déchaînement de cette haine par une simple rectification sémantique du genre : "on est antisioniste et pas antisémite". Je l’entendais déjà il y a trente ans. Un argument qui a déjà fait long feu.

Arthur, qui n’est impliqué ni politiquement ni personnellement, ni de près ni de loin, dans les décisions du gouvernement israélien, n’est atteint par de telles polémiques que du seul fait de son origine juive.

C’est un fait. Ce forum d’Agoravox vient hélas de le confirmer.

Merci aux modérateurs d’avoir fait leur possible pour réguler de tels espaces de débats.

L’humanité a encore bien des progrès à faire pour laisser au vestiaire la haine de l’autre… et pour trouver les clefs d’un véritable dialogue.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (25 mars 2009)


Pour aller plus loin :

Arthur, l’un des symboles stupides du sionisme (23 mars 2009).

Les corbeaux citoyens de l’Internet (19 septembre 2008).

Politique fiction (21 et 24 mars 2009).





http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=53525




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