Depuis plusieurs jours sévit une petite polémique bien dérisoire sur des propos tenus (ou pas) par le Président de la République Nicolas Sarkozy auprès de quelques parlementaires français au sujet de ses impressions sur ses homologues étrangers.
Je ne sais pas si c’est vrai, je ne sais pas si ce sont les démentis qui sont vrais et cette polémique me fait peu d’effet car elle ne concerne pas vraiment les vrais enjeux actuels (nombreux). Elle est d’autant plus médiatique qu’elle est stérile et n’apporte rien au débat public.
À propos d’Obama
En revanche, j’ai pris au vol ce qu’aurait été l’impression présidentielle sur Barack Obama et qui me paraît tout à fait plausible (et très peu original d’ailleurs, John McCain la resservait à chaque débat électoral) :
« Obama est un esprit subtil, très intelligent et très charismatique. Mais il est élu depuis deux mois et n’a jamais géré un ministère de sa vie. Il y a un certain nombre de choses sur lesquelles il n’a pas de position. »
J’évacue la partie sur "il n’a jamais géré de ministère" très franco-françasie car, dans le cas où il aurait effectivement dit cela, on pourrait dire que si Nicolas Sarkozy était un bon connaisseur de la vie politique américaine, il aurait observé que les Présidents des États-Unis ont très rarement été ministres préalablement (je n’ai pas d’exemple à l’esprit du contraire). L’expérience ministérielle sert en revanche beaucoup les candidats à l’élection présidentielle en France et Nicolas Sarkozy en a naturellement bénéficié en 2007 face à Ségolène Royal.
C’est vrai qu’en regardant les premières semaines du Président Obama, j’ai même l’impression qu’il n’a aucune personnalité, qu’il n’est qu’une sorte de froid robot analytique. Heureusement qu’il sait parler aux foules, car ces deux caractéristiques de la personnalité lui sont vraiment complémentaires.
Obama est surtout le champion de la fin de l’arrogance américaine, du multilatéralisme et de la prudence rationnelle, raisonnable mais sans doute rudement réfléchie.
Obama débutant ?
J’imagine très bien Nicolas Sarkozy découvrant Barack Obama dans les conférences internationales silencieux, un peu mal à l’aise, attentiste… un peu comme un nouveau convive qui se joint à une table de personnes qui se connaissent déjà et qui, prudemment, écoute et observe ce qui se dit, les coutumes, la personnalité des autres avant de participer activement.
Et pourtant, je suis persuadé que cette attitude d’Obama restera identique même après plusieurs années de mandat présidentiel parce qu’il veut faire un parcours sans faute et donc, il sera toujours très prudent dans ses déclarations et surtout, dans ses actes, dans ses décisions.
Il n’a pas de position sur beaucoup de sujets, et donc, effectivement, il n’a pas d’idée préconçue. Et ce n’est pas la marque d’un débutant, mais bien d’une machinerie intellectuelle très rodée déjà.
Prendre le temps de décider
Barack Obama a besoin en effet, avant de se forger une opinion et de décider, de faire le tour de la question : de recueillir les avis des uns et des autres, de prendre connaissance d’éléments supplémentaires, de rapports etc., d’établir la liste des pour et des contre… et puis seulement, décider, pour décider de la façon la mieux éclairée possible.
L’un des derniers exemples, c’était le 16 avril 2009 quand il a décidé de rendre publiques les méthodes très humiliantes de la CIA pour interroger les suspects dans les attentats du 11 septembre 2001.
Barack Obama a dû prendre environ quatre semaines avant de se positionner sur le sujet. Certes, une décision mi-figue mi-raisin : publication seulement partielle et protection juridique des agents qui ont obéi aux directives, mais décision qui a dû s’éclairer au fil des jours par sa réflexion, ses entretiens, son analyse… Quatre semaines, c’est beaucoup, mais cette décision, si elle était brûlante, n’était pas non plus d’une grande urgence politique.
Réactivité décisionnelle
Et la question qui me vient à l’esprit est donc : est-ce bien de prendre son temps pour décider ?
Dans l’absolu, sûrement : cela évite des erreurs, voire des fautes, des décisions prises sans recul, sur l’émotion, l’affectif. Et surtout, la décision est plus "éclairée", plus "sage", plus rationnelle et sans doute plus efficace théoriquement.
Mais en pratique, cela se révélerait peut-être comme le principal handicap de Barack Obama. Un certain perfectionnisme et une volonté de maîtriser tous les dossiers au point de se montrer attentiste pourraient être un frein moteur dans l’élaboration de son action présidentielle.
En effet, il y a un tempo pour les décisions et souvent, il vaut mieux décider vite, quitte à décider mal que de ne pas prendre de décision immédiatement.
L’absence de décision laisse toutes les personnes ou organismes concernés dans une incertitude qui, en plus d’être démotivante, renforce les difficultés d’origine.
C’est par exemple l’un des reproches qu’ont formulé quelques uns de ses ministres à l’ancien Premier Ministre Jean-Pierre Raffarin qui, faute d’avoir la décision finale, aurait souvent écarté les décisions à la fin de ses réunions.
C’est aussi ce qui a miné les présidences de François Mitterrand (« Laisser le temps au temps » !) et de Jacques Chirac qui, à force de jouer sur le temps, en arrivaient à ne plus décider (avec le sommet mitterrandien du "ni-ni" qui n’a rien à envier au "win-win" de Ségolène Royal).
Tant que Barack Obama n’a pas à prendre de décision dans l’urgence (pas de crise internationale majeure comme les attentats du 11 septembre 2001, la prise d’otages à Téhéran le 4 novembre 1979 ou la crise des missiles de Cuba le 16 octobre 1962), cela paraît sage qu’il ne prenne pas ses décisions sur un coup de tête, au feeling, sans réflexion préalable.
Mais en cas de coup dur ?
Pour aller plus loin :