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16 avril 2009 4 16 /04 /avril /2009 07:57

(dépêches)



Toto a piqué la pipe à Tati, Toto est malade (de la tête)

Par Pascal Riché | Rue89 | 16/04/2009 | 16H02

Nom d'une pipe en bois cassée, s'étonne-t-on, en regardant les affiches, dans le métro, pour l'exposition « Tati deux temps trois mouvements », à la Cinémathèque de Paris (dont Rue89 est partenaire).

Métrobus, qui gère la publicité dans les transports publics parisiens, a en effet décidé de gommer l'objet obscène, par respect zélé de la loi Evin sur le tabagisme. Mais face au refus des organisateurs de l'expo, il a été décidé de remplacer la pipe par un objet aussi ridicule que l'acte de censure lui-même : un moulinet jaune.

L'affaire est grotesque, mais ce n'est pas une première. Souvenez vous des « smileys » fumeurs et non fumeurs de Courrier international. Cette fois-ci, c'est cependant un peu plus grave, puisque les censeurs de Métrobus s'en prennent à une oeuvre d'art, cette image très célèbre de M. Hulot sur son Solex. L'émoi est tel que la Ligue des droits de l'homme, avec des accents tragiques, a appelé à signer une pétition :

« Il convient de se mobiliser face à la généralisation du politiquement
correct qui n'hésite pas à déformer les œuvres du patrimoine : exigeons de la SNCF et de la RATP qu'elles procèdent au retirage des affiches qui annoncent l'exposition Tati à la Cinémathèque, et que la pipe de Monsieur Hulot apparaisse avec son culot, et non avec la ridicule hélice jaune qui le masque. »

« Une absurdité générée par le confort douillet de la pensée »
J'ai téléphoné à Macha Makeïeff commissaire de l'exposition Tati pour lui demander si elle avait donné son feu vert au moulin jaune. Elle raconte des négociations ubuesques avec Metrobus :

« On était d'accord avec Serge Tubiana [directeur de la Cinémathèque, ndlr] et Costa Gavras [président de la Cinémathèque, ndlr] pour refuser de gommer la pipe des affiches, ce qui aurait été stalinien et ridicule. Il n'en n'a donc jamais été question.

« Mais il se trouvait que la cinémathèque avait un contrat avec le bus et le métro. Et qu'ils voulaient supprimer la pipe. Mais pour moi, il n'en était pas question. J'ai d'abord proposé de la remplacer par un calligramme “ceci n'est pas une pipe”, mais ils n'ont pas accepté. J'ai alors proposé de masquer la pipe de façon tellement évidente que cela attirerait l'oeil. »

L'effet est réussi. Pour ma part, je me suis ainsi dit en déccouvrant l'affiche : « Mais pourquoi ces buses ont-ils attiré l'attention sur leur acte de censure imbécile ? » (Pour être franc, le mot que j'avais en tête était plus rude que buse.)

Macha Makeïeff tire une leçon personnelle de toute cette affaire :

« Le moulinet, c'est un clin d'oeil : c'est un des objets des spectacles chers à Tati. La pipe, avec ce moulinet, on la voit plus que jamais ! C'est une façon de dire : il faut prendre tout cela pour ce que c'est, une situation tellement bête, une absurdité générée par le confort douillet de la pensée. »

Les admirateurs de Jacques Tati apprécieront cette « pastille », veut croire Macha Makeïeff : « C'est le prolongement d'un gag. » Lorsqu'elle a fait remarquer à son frileux interlocuteur de Metrobus qu'il allait se ridiculiser, ce dernier lui a répondu, fataliste :

« Oui. Je sais. Mais c'est l'air du temps. »

►PS à 17h00 : Certains, à la rédaction, ont tiqué sur le titre-Toto. Il est inspiré par les premières lignes de la célèbre méthode de lecture « Toto et Lili ». La phrase originale était : « Toto a fumé la pipe à Papa, Toto est malade »



Tati, nom d’une pipe !

13 avril 2009 - par Pierre Assouline

            Tous aux abris : le principe de précaution a encore frappé ! On n’en finit pas de dénombrer ses ravages. Cette fois encore, le tabac. Du moins le croit-on, parole de non-fumeur. Les tenants de la nouvelle tyrannie viennent de couper la chique à Jacques Tati. Ils lui ont retiré sa pipe, laquelle était vissée entre ses dents depuis sa naissance ou presque. Imagine-t-on Georges Simenon sans sa pipe ou Humphrey Bogart sans sa clope ? Impensable tant l’appendice à volutes fait partie de leur personnage. C’est ce crime contre l’esprit dont vient d’être victime l’immortel auteur de Playtime. Un méchant gag dont il serait le premier à rire même si, dans sa satire de notre vie moderne dans ce qu’elle a de plus absurde, il n’aurait jamais imaginé qu’on en arriverait là.

    Reprenons le dossier de l’affaire. Depuis des mois, la Cinémathèque française préparait une grande exposition « Jacques Tati, deux temps trois mouvements » qui vient d’ouvrir ses portes (jusqu’au au 2 août). Une étonnante reconstitution de son univers à travers une réunion d’objets, d’images, de signes, de dessins, de journaux à ne pas rater. Sur les affiches promotionnelles comme sur la couverture du livre-catalogue (45 euros, 304 pages, naïve), un même pictogramme extrait de Mon Oncle : le bonhomme Tati fier et droit sur son Solex revêtu de son uniforme hulotissime : pantalon et imperméable trop courts, le chef coiffé d’un galurin et la bouche prolongée de sa pipe. Or les services juridiques de la Ratp et la Sncf ont cru bon de retoquer l’affiche au motif qu’elle risquerait de contrevenir aux dispositions de la loi Evin sur l’incitation au tabagisme (« …propagande ou publicité, directe ou indirecte, sont interdites… »). Fumant, non ?

    Il n’y a pourtant pas de jurisprudence en la matière puisque les choses n’ont jamais été aussi loin. Juste un excès de prudence qui a scandalisé toutes les parties concernées. En vain. Costa-Gavras, le président de la Cinémathèque, monté au créneau pour empêcher qu’il ne fasse tache d’huile, a d’emblée prévenu qu’il n’était pas question que les mêmes affiches, hors des couloirs du métro et des bus, soient concernées par la mesure, sans même parler de la couverture du catalogue ou des publicités dans les journaux. « C’est d’autant plus bête que dans ses films, la pipe de Tati n’était jamais allumée ! renchérit Macha Makeïeff, son ayant-droit moral et commissaire de cette exposition. Une censure absurde et stalinienne car c’est chez lui, de son temps qu’on trafiquait ainsi les photos. Ce qui aboutit à un mensonge. Résignée, je leur avais proposé de remplacer l’objet maudit par une croix rouge mais on devinait encore trop la pipe. Alors j’ai proposé de la remplacer par un calligramme, une pipe faite de lettres, sur lequel on pouvait lire : « Ceci est une pipe ». Refusé. Je lui ai donc  mis un petit moulin à vent entre les lèvres. Juste pour prendre le métro et le bus ! ». Rassurez-vous : elle figure bien en couverture sur le le catalogue, de même que sur celle du Tati (268 pages, 40 euros, Ramsay) de Marc Dondey et dans les pages des Vacances de M. Hulot (128 pages, Editions Yellow Now) où Jacques Kermabon analyse le film image par image.

   Il y a quatre ans, la Bibliothèque nationale de France avait déjà cru bon gommer la cigarette que Jean-Paul Sartre tenait entre les doigts sur les affiches et la couverture du catalogue de son exposition ; et en 1996 déjà, Malraux essuyait les plâtres de cette fâcheuse tendance, la Poste lui ayant supprimé la cigarette sur le timbre reproduisant son fameux portrait cheveux au vent par Gisèle Freund. Les frileux de la Sncf et de la Ratp peuvent encore agir ce qui se passe chez eux, cela n’empêchera pas l’exposition Tati de présenter une gigantesque pipe de cinq mètres vissée sur un socle sur lequel on peut lire « Libertaire ». Un objet prévu et conçu bien avant, naturellement. Comme si de là-haut, M. Hulot sentant le vent venir, avait adressé un pied-de-nez bien dans sa manière aux nouveaux censeurs de l’ordre moral. Les pires : ceux qui réagissent dans la peur et par anticipation. Nous ne serons jamais assez reconnaissant à M. Hulot de nous avoir appris à vivre en faisant un pas de côté de manière à envisager la société avec ce léger décalage qui la rend tellement plus vivable.

  Les films de Jacques Tati nous renvoient le reflet d’une certaine France qui n’existe plus, toute de poésie, de légèreté et d’insouciance ; cette “affaire Tati” nous renvoie, elle, l’image d’une autre France, crispée, étriquée, réglementaire, qui existe trop.

13 avril 2009 Publié Cinéma | Lien permanent | Alerter


 
Tati se fait tailler sa pipe

Jeudi 16 Avril 2009
Par Ivan PORSPODER
leJDD.fr
 
 Le "politiquement correct" a encore frappé. La victime en est cette fois Jacques Tati, ou plutôt sa pipe. L'appendice tabagique, indissociable de l'image du cinéaste, a en effet été remplacé par un moulin à vent sur les affiches annonçant l'exposition consacrée au créateur de Mon Oncle. Une initiative de Metrobus, la régie publicitaire de la RATP...

L'exposition consacrée à Jacques Tati devrait faire un tabac.

Une chose est certaine, on n'est pas prêt de voir réapparaître des wagons fumeurs dans le métro! A la RATP, la simple image d'une pipe est en effet désormais proscrite sous prétexte de loi Evin... Et même si ladite pipe appartient à l'un des plus illustres utilisateurs de la spécialité de Saint-Claude (Jura). La pipe de Jacques Tati n'a ainsi pas droit de cité dans les stations et autres couloirs du métropolitain parisien, où, c'est bien connu, règne une délicieuse odeur de jasmin...

Comble du grotesque, le célèbre Monsieur Hulot se retrouve donc affublé d'un moulin à vent qui remplace sa pipe. C'est Macha Makeieff, commissaire de l'exposition Tati, deux temps, trois mouvements, qui a dû se résoudre à cette solution consensuelle, laquelle a au moins le mérite de souligner par l'absurde l'inanité de cette censure. Sa première proposition consistant à remplacer l'objet du scandale par un calligramme indiquant "Ceci est une pipe" avait été retoquée par les zélateurs de la RATP.

En 1996, la Poste avait inauguré cette fâcheuse tendance et avait cru bon de priver André Malraux de son clope pour pouvoir utiliser son portrait pour un timbre. En 2005, la BNF prenait à son tour la liberté d'expurger une photographie de Jean-Paul Sartre, utilisée pour l'affiche d'une exposition, d'une cigarette sans doute susceptible de pervertir la jeunesse française comme Lucky Luke qui, sous la pression, a abandonné son mégot pour un brin d'herbe. L'herbe, on le sait, n'a rien de nocif...

Tati, deux temps, trois mouvements, à la Cinémathèque française, du 8 avril au 2 août 2009.

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