(dépêches-blog)
Incompréhensible !
lundi 20 avril 2009
Ainsi donc, Mr Charles RABEMANANJARA a dit au revoir à ses anciens collaborateurs de Mahazoarivo. Il a fait tout cela au nom des intérêts supérieurs de la Nation et du Fihavanana.
Tout le monde, y compris les journalistes dont le métier principal est de poser et de se poser des questions, ont applaudi en disant que c’est vraiment acte très responsable.
Voilà un homme qui était à la tête de du Gouvernement, et donc responsable en tant que tel de tous les actes menant le pays là ou il est. Complice de toutes les dérives de Mr Marc RAVALOMANANA et de sa petite bande de fidèles serviteurs zélés venant de chez Tiko, et qui ont mis le pays à genoux au profit d’une seule personne.
Donc on doit dire amen et puis c’est tout ? A-t-on le droit au moins de lui poser la question pourquoi est-il resté pour être complice de tous ces actes répréhensibles qui sont tout sauf « pour l’intérêt supérieur de la Nation ?’ ». De tout ce qui est arrivé, de toutes ces dérives du pouvoir, le Premier Ministre de l’époque n’est responsable de rien, ne savait rien et n’a fait qu’obéir ? Au nom du Fihavanana aussi ? Pour un militaire, en plus officier général, c’est quoi l’honneur ?
C’est le Monsieur qui n’a rien vu, rien attendu et n’a rien dit ? En fait on fait comme s’il n’existait pas, comme s’il n’a pas existé ? Toujours au nom de l’intérêt supérieur de la Nation et le Fihavanana ? Pour lui l’intérêt supérieur de la Nation justifie que le poste de Premier Ministre est un poste de valet et de simple exécutant, sans aucun pouvoir ni aucune responsabilité ?
Moi personnellement, je ne chercherai pas à lui chercher des noises, mais au moins pour la génération future, il serait intéressant qu’il s’exprime pour expliquer à quel point obéir et être servile ne serviront jamais, mais au grand jamais, l’intérêt supérieur de la Nation
Ce n’est certainement pas avec des hommes de cette nature que notre pays avancera vers la modernité que les générations futures méritent.
Ce n’est certainement pas avec des journalistes qui manquent de curiosité intellectuelle et qui ne posent pas de questions que l’on fera avancer la démocratie.
C’est pathétique, triste et risible. Mais je commence vraiment à rire jaune et à désespérer de ce pays qui est aussi le mien.
Georges RABEHEVITRA
Ce fihavanana dont on nous rebat les oreilles
lundi 20 avril 2009, par Ndimby A.
Vendredi dernier, la station de télévision MA-TV a eu une initiative louable en organisant un débat contradictoire avec les diverses tendances de légalisme qui existent. D’une part, les légalistes soutenant le coup d’Etat, qui militent pour que celui-ci soit plutôt vu comme « un mouvement populaire légalisé par la Haute Cour Constitutionnelle ». D’autre part, les légalistes qui s’y refusent, sur la base de la Constitution en vigueur jusqu’au 17 mars 2009. Comme les bonnes couvertures qui tiennent chaud les nuits d’hiver, la légalité a donc une double face.
En organisant ce débat dans le cadre de son émission « Resa Be », le journaliste Radavidson a donc réussi à faire dialoguer sincèrement et librement autour d’une table le fan-club de Andry Rajoelina et les leaders d’Ambohijatovo, réussissant là où les médiateurs de l’Union africaine et de l’Organisation des Nations unies piétinent depuis des mois. Faire discuter des personnes que les rancœurs, colères et frustrations politiques plaçaient de facto sur des positions diamétralement opposées est une prouesse qu’il faut reconnaitre à sa juste valeur.
Représentés par Tabera Randriamanantsoa (Président du Comité de réconciliation nationale), Vaovao Benjamin (AREMA et membre de la HAT) et Rinah Rakotomanga (porte-parole des exilés politiques), les pro-TGV ont véhiculé le message suivant : on ne doit pas faire marche arrière sur la Transition, mais tous les Malgaches doivent y prendre part pour qu’elle fonctionne. Quant aux anti-TGV, ils avaient pour porte-parole Alain Andriamiseza (Président du parti MCDM) et Fetison Rakoto Andrianirina (Comité pour le respect de la légalité), pour lesquels il était hors de question de valider un coup d’Etat, tout en ne rejetant pas l’idée d’une transition vers la IVème République, à condition de la fonder sur des principes reconnus par la Constitution. Il y a un manque évident d’atomes crochus entre ces deux positions, mais cependant il y quelques pistes qui luisent faiblement dans la pénombre actuelle.
On ne reviendra pas sur le contenu entier du débat, qui de toute façon, ne pouvait que tourner autour des thématiques lues, vues et entendues depuis des semaines. Mais il y a un fait qui nous parait extrêmement intéressant, et pour lequel MA-TV a eu du mérite d’avoir organisé un tel débat. Malgré toutes les divergences de point de vue, d’intérêts, de copinage et d’accoquinage, il semble qu’il y ait quand même eu un point majeur de consensus : au nom du Fihavanana, le dialogue est non seulement nécessaire, mais de plus il est possible. Comme auraient dit ces étranges brésiliens d’une secte qui a eu son heure de gloire à Madagascar : miracle mon ami !
Dialogue à reculons
Jusqu’ici, la prise de conscience chez les protagonistes de la nécessité d’un dialogue sincère était loin d’être évidente. Bien entendu, il y a eu ces sessions du Hintsy ou de l’Ambassade du Sénégal, mais l’impression générale est que chacun y est allé à reculons et en dilettante : comment dans ce cas s’étonner du manque de résultats ? Or, ce qui semble également curieux, c’est que depuis le début de la crise, et même avant qu’elle n’éclate, tous se sont prévalus de ce fameux Fihavanana, notion tellement utilisée qu’on ne se sait plus très bien ce que les gens veulent dire par là. Donc finalement, il semble que ce soit devenu avec le temps et la crise juste un mot-prétexte pour tenter de se donner un visage respectable, malgré les ignominies qu’on fait en parallèle. On a même entendu certains des bidasses utiliser ce terme au Cercle Mess de Soanierana lors d’un simulacre de réconciliation entre militaires il y a quelques semaines : c’est vous dire combien ce mot est dévalorisé, tant par un contenu de plus en plus flou, que des utilisateurs de plus en plus patibulaires.
Et pourtant, du moins si on en croit nos éminents sociologues et illustres antropologues, le Fihavanana est une des richesses de la culture Malgache. On veut bien. Mais depuis le début de cette crise, on ne peut qu’être sceptique. Sans doute faudra-t-il demander l’avis des morts du 7 février 2009, donnés en pâture aux tirs de la garde présidentielle d’Ambohitsirohitra pour que le tolom-bahoaka (1) ait les martyrs nécessaires, ou aux gros bras financés par les malotrus pour piller et brûler les entreprises, puis lapider les manifestants d’Ambohijatovo. Sans doute faudra-t-il encore demander à Razily (arrêté par le CAPSAT pour avoir commis le crime de porter un drapeau national sur une voie publique), ou à cette animatrice de MBS portée disparue (que la communauté internationale et la société civile de salon laissent peu à peu s’enfoncer dans les méandres de l’oubli démocratique). Nous avions suggéré dans ces colonnes de réfléchir sur une institutionnalisation du Fihavanana, car si c’est vraiment une de nos richesses, pourquoi ne chercherait-on pas à l’exploiter de manière Constitutionnelle, au lieu de toujours rechercher un copier-coller de ce qui se fait chez les vazaha (2) ? Par exemple, en créant un Conseil des Sages composé de tous ceux qui auraient tenu la fonction de Chefs d’Etat (ou même de Chefs de Gouvernement), et dont la fonction permettrait de servir de recours ultime à un conflit entre pouvoir et opposition. Objectif : créer une structure formelle de résolution des crises politiques, afin d’empêcher que tout mécontentement populaire ne devienne à chaque fois un coup d’Etat, même s’il est machiavéliquement préparé, françafriquement financé et bidassement assisté. Et même s’il a l’onction des pontes du FFKM, qu’ils s’appellent Razafindratandra, Razanakolona, Razafimahefa ou Rasendrahasina.
Toutefois, il faut quand même se raccrocher à l’espoir des mots conciliants utilisés par les divers protagonistes lors du débat sur Ma-TV, et ce pour une bonne raison : c’est tout ce qui nous reste. Mais restons lucides : parmi ceux qui parlaient, il n’y avait aucun décideur, tant du coté d’Ambohitsirohitra que du coté d’Ambohijatovo. Ces gens parlaient donc finalement pour eux-mêmes, et on ne sait pas dans quelle mesure cette volonté sincère de dialogue reflétait les opinions de Andry Rajoelina, de son Superman juridique ou de sa garde prétorienne dont les kalachnikovs font office de cervelle. Mais on se demande également si MM. Andriamiseza et Rakoto Andrianirina portaient la parole de Marc Ravalomanana, Harinaivo Randrianantoandro, Yves Aimé Rakotoarison, Constant Raveloson ou Ihanta Randriamandranto. Car le Fihavanana ne se décrète pas juste par les mots de quelques uns, mais doit se vivre et se démontrer par les actes de tous. Et les tentatives d’arrestations de Manandafy Rakotonirina au Carlton samedi dernier, ou les perquisitions faites pour faire taire Radio-Mada dimanche, démontrent à eux seuls le sens incommensurable du Fihavanana chez Andry Rajoelina et les actuels chefs de l’armée.
Mais même sans aller dans les hautes sphères de la vie nationale (ou les sphères les plus basses des casernes), la pratique du Fihavanana dans la vie quotidienne est de plus en plus abstraite. Il suffit d’observer la réalité de la circulation automobile, les traditionnels cafouillages dans les queues d’arrêt de taxibe et l’anarchie dans les rues de la Capitale depuis le mouvement enclenché par le TGV (qui dans la gestion municipale semble rouler à vapeur, si ce n’est à voile). Et même sur les forums internet, on constate que certains se proclament chantres de ce fameux Fihavanana, alors qu’ils n’en sont en définitive que le chancre mou. La tête qui grossit et les chevilles qui enflent : ces symptômes semblent révéler une grave pathologie que nous laisserons aux psys le soin d’identifier, mais qui a priori se trouve aux antipodes du Fihavanana auto-proclamé.
Abus de langage
Or toute auto-proclamation dans une communauté quelconque ne peut qu’aller contre les sens de justice, de conciliation, de respect et de sagesse qui sous-tendent le Fihavanana, surtout si elle se fait au mépris du principe démocratique de la voix du plus grand nombre, ou à défaut, de règles établies et communément acceptées, ce qui permet l’adhésion la plus large. Quand on se base uniquement sur ses thuriféraires (3), ceux qui hurlent avec ses loups et chantent ses propres louanges, on ne peut qu’avoir un comportement de despote mal éclairé. C’était valable pour Didier Ratsiraka, ça s’est démontré avec Marc Ravalomanana, et a fortiori Andry Rajoelina sera une preuve éclatante de cette affirmation.
Alors, quand on nous parle de Fihavanana, de démocratie, de légalité, de Constitution, ou de République, on ne peut que regretter les abus de langages qui font sonner creux les mots. Sur les places publiques ou les forums du web, certains contemplent le monde à travers leur nombril et oublient que leur mentalité intégriste est la gangrène du Fihavanana. En langage imagé, on appelle souvent ces extrémistes des faucons, par opposition aux modérés. Tout en sachant que derrière les griffes d’un faucon, il y en a souvent un vrai qui se cache.
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PS : avant que certains ne prennent la peine de donner des cours de français à l’auteur au sujet du titre, et contrairement à ce que l’on pense souvent, l’expression exacte est "rebattre les oreilles" et non "rabattre les oreilles". Jusqu’à preuve du contraire, personne ne nous a encore saisi vigoureusement les oreilles pour les plier et les rabattre sur les lobes. Mais cependant, on dit bien rabattre le caquet.
Notes : (1) Lutte populaire
(2) Etranger blanc
(3) Pour ceux qui se demandent toujours ce que ce mot signifie, c’est un synonyme de "flatteur" ou "courtisan".
Deux gouvernements sinon rien !
Dimanche 19 avril 2009
La situation chaotique de Madagascar ressemble décidément à un film à rebondissements. Manandafy Rakotonirina, Premier ministre « légal » choisi par Marc Ravalomanana, a fait son apparition sur la Place de la démocratie le 16 avril sous les vivas. Son décret de nomination a été signé le 10 avril à Tripoli, en Libye. Protégé par une partie des militaires, il a souhaité prendre ses quartiers au Palais d’Andafiavaratra, demeure historique des Premiers ministres de Madagascar d’avant la colonisation, en contrebas du Palais de la Reine, encore en reconstruction depuis l’incendie criminel de 1996.
Au-delà de la raréfaction des résidences gouvernementales à Antananarivo, du fait de l’inflation de têtes couronnées plus ou moins autoproclamées, ce choix n’est peut-être pas simplement d’ordre pratique. Petit à petit, le combat entre Marc Ravalomanana et Andry Rajoelina se double d’une autre dimension : celle des patriotes nationalistes contre la France. Car le jeu ambigu de l’ancienne puissance coloniale depuis le début de cette crise suscite les plus vives suspicions sur ses intentions (voir article : «ce n’est pas encore le mot de la fin»). Il se murmure de plus en plus qu’elle n’est pas totalement étrangère à la déstabilisation de la Grande Ile, ou pour le moins, qu’elle n’a rien fait pour que cela s’arrange. Tout en reconnaissant Ravalomanana comme «président en titre», elle apprécierait de le voir loin des côtes malgaches.
Ce samedi 18 avril, le Premier ministre «légal» avait programmé de rencontrer des diplomates au Carlton. Tout s’est passé sans encombre avec l’ambassadeur français Jean-Marc Chataîgnier, - qui n’a pas encore eu l’occasion de présenter ses lettres de créance -, dans la matinée. Il en fut autrement avec l’ambassadeur américain Niels Marquadt. Prévu vers 16 heures, une intervention musclée de militaires qui ont procédé à l'évacuation d'une partie des clients du Carlton, a fait reporter le rendez-vous pour le lundi 20 avril. Dans la journée pourtant, la foule de «légalistes» avait envahi tout Antananarivo, aussi bien la Place de la démocratie que les abords de cet hôtel car les rumeurs sur une arrestation du représentant du Président «en titre» avait courue. L’attention s’était relâchée dans l’après-midi.
La HAT (Haute Autorité de Transition), en panne d’inspiration depuis des semaines pour compléter son gouvernement, a dû mettre les bouchées doubles. Finalement, après moults hésitations et sous la pression des événements, elle avait pourvu les postes vacants le 17 avril au soir. Deux nominations retiennent l’attention. Tout d’abord, celui du ministère de la Défense, qui échoit au Colonel Noel Rakotonandrasana. C’est lui qui a entraîné à la désobéissance la garnison du Capsat (voir article : « Attention aux erreurs d’appréciations fatales »), mettant fin aux répressions contre les partisans d’Andry Rajoelina. Ensuite, il s’est fait relativement discret et c’est le colonel André Ndriarijoana, chef d’état-major autoproclamé, qui a pris les choses en mains, en particulier les brutalités et les menaces des forces de l’ordre contre les «légalistes». Ce sera donc un colonel qui commandera des généraux y compris au sein du gouvernement puisque le Général Claude Ravelomanana, chargé de la gestion de la Gendarmerie n’est que Secrétaire d’Etat. C’est donc la victoire des ultras.
Le deuxième nom remarquable est celui de Nadine Ramaroson. Une analyse superficielle pourrait conclure à une logique respectée. Elle était la seule à être aux côtés d’Andry Rajoelina au début de la lutte pour le respect des libertés (voir un des premiers articles : «Arrestations : passage à l’acte»). Mais ce qui est évident ailleurs ne l’est toujours dans la Grande Ile, on l’a bien vu depuis le début de cette crise. Présente dans les moments les plus durs, elle avait brutalement disparu de la tribune après l’auto-proclamation du 31 janvier (voir l’article : «De la lutte des femmes au F.A.M.»). Sa popularité demeure très importante dans les quartiers pauvres où elle mène depuis des années des actions en faveur des défavorisés bien avant les tensions politiques actuelles. Son ministère, celui de la «Population et des affaires sociales» s’inscrit parfaitement dans cette démarche. Au téléphone, elle dira qu’elle est là pour essayer de soulager la souffrance du peuple.
La nouvelle ministre n’a pas que des amis au sein de la HAT. Elle avait traité les vieux politiciens véreux qui ont conduit Andry Rajoelina dans sa situation inextricable actuelle d’ «affamés». Elle est sans doute la seule à avoir été proposée par les militants du 13 mai. Une pétition de plusieurs milliers de signatures avait réclamé sa nomination (voir article : «Démocrates, faites un miracle»). Elle n’avait pas donné suite à l’époque. Mais les péripéties de ces derniers jours ont poussé la HAT à l’appeler. Elle apparaît incontournable et se retrouve dans le gouvernement à un double titre. D’abord, le «petit peuple», soutien de la HAT, demande sa nomination. Et en tant que Secrétaire générale du Conecs (Conseil économique et social), elle représente l’ouverture sur la société civile.
Pendant des semaines, Madagascar n’a disposé que d’un gouvernement atrophié, non reconnu à l’extérieur. Bientôt, ce sera l’abondance car le Premier ministre «légal» va tenter de monter le sien. Ce serait normalement celui qui aura l’aval de la communauté internationale. En attendant, la HAT vient d’interdire Manandafy Rakotonirina de sortie du territoire.
Marc Ravalomanana a fait annoncer qu’il différait son retour prévu le 18 avril pour des raisons de sécurité. Les «légalistes» sont de plus en plus nombreux dans la rue et dépassent maintenant en importance les manifestations pro-Rajoelina d’antan. Le faux-bond de «Dada» (surnom du Président) a fait l’effet d’une douche froide. Et pourtant la démonstration était impressionnante. Si Ravalomanana veut encore jouer un rôle, il faudrait qu’il ait le courage de tenir ses promesses vis-à-vis de ses partisans, quitte à prendre un risque. Car la HAT et les militaires mutins semblent prêts à tout pour l’empêcher de revenir. La tension est encore montée d’un cran. A tout moment, un dérapage dans la violence généralisée peut maintenant se produire.
Alain Rajaonarivony
Ce n’est pas encore le mot de la fin
Samedi 21 mars 2009
Depuis le 17 mars, vers 11h30 où le Président a remis à un Directoire militaire les pouvoirs qu’il détenait de par le suffrage universel, la responsabilité de tous les événements qui se succèdent dans le pays incombe désormais à la Haute Autorité de Transition.
Si la démarche du Président n’est pas explicitement écrite dans la Constitution, il y a néanmoins une jurisprudence dont il s’est inspiré. Il a suivi l’exemple du Président Philibert Tsiranana en 1972. Ce dernier, voyant qu’il perdait le contrôle de la situation, a délégué tous ses pouvoirs à l’Armée pour faire revenir l’ordre. Il avait alors demandé au Général Gabriel Ramanantsoa, le plus ancien dans le grade le plus élevé, de gérer cette période délicate. En confiant au Vice Amiral Hyppolite Ramaroson Raharison la tâche de sortir le pays de la crise et d’organiser des Assises nationales, Marc Ravalomanana était dans les traces de son prédécesseur.
Ce qui n’est pas prévu dans la Constitution par contre, mais vraiment pas, c’est que des soldats sous les ordres d’un commandant braquent leurs fusils sur des médiateurs, des diplomates et des généraux pour arracher la décision en faveur d’un futur « président ». Les hauts gradés qui devaient diriger le Directoire ainsi qu’un médiateur, le Pasteur Lala Rasendrahasina ont été bousculés, menacés et emmenés de force à la caserne du Capsat, siège des militaires contestataires. De là est ressorti une ordonnance qui transférait les pouvoirs du Directoire à Andry Rajoelina, sans contrainte bien sûr. Cette mascarade a ensuite était validée par la Haute Cour Constitutionnelle, sous l’impulsion de l’ancien responsable de cette Institution, Norbert Ratsirahonana.
Le Pasteur Lala Rasendrahasina, un des médiateurs, connu pour ses sympathies envers le Président, a eu droit à un « traitement spécial » tenant de la torture psychologique.
Le FFKM (Conseil œcuménique des Eglises), faisant office de facilitateur, représente la plus haute autorité morale du pays. L’ambassadeur menacé était celui d’un pays ami, les Etats-Unis d’Amérique, la plus grande puissance du monde. « J'ai pu voir de mes propres yeux jusqu'à quel point on a eu recours à la force dans ce coup d'Etat. Moi-même, j'ai été menacé verbalement et avec des fusils…» racontera-t-il dans un quotidien. Quand aux officiers molestés, ce sont les plus hauts gradés de l’Armée, représentant l’autorité suprême pour ceux qui portent un uniforme.
Andry Rajoelina a donc maintenant le pouvoir, mais au prix de toutes les transgressions morales et juridiques. Et ce ne sont pas les circonvolutions sur la sémantique constitutionnelle de Norbert Ratsirahonana, magistrat et ancien chef d’Etat par intérim qui y changeront quelque chose. En apparaissant ainsi au dernier moment pour tenter de justifier ce coup de force, il a fait le désespoir d’un certain nombre de Malagasy. Il a lui aussi perdu son aura de « raiamandreny » (parent empreint de sagesse), tout comme Jacques Sylla. L’ancien Premier ministre traîne maintenant sa réputation de « traître » depuis son apparition surprise sur la place du 13 mai le samedi 14 mars. Il était le chef de la délégation présidentielle lors des négociations, ce qui amène à se demander s’il ne les a pas torpillées sciemment pour accélérer la chute du Président.
Une des premières décisions de la Haute Autorité de Transition fut de suspendre un parlement moribond, dont beaucoup de membres s’apprêtaient pourtant à retourner leurs vestes, le jeudi 19 mars. La charge symbolique était trop forte et a décidé Paris à condamner « le coup d’état », bien après la Norvège, la SADC (Southern African Development Community) dont fait partie la puissante Afrique du Sud, l’Union Africaine, l’Union Européenne, les Etats-Unis…
Au plus fort de la crise, le Président Ravalomanana a présenté des excuses à la Nation et demandé la tenue d’Assises nationales pour débattre des problèmes ailleurs que dans la rue. Cette proposition a été rejetée par Andry Rajoelina. Le chef de l’Etat a alors proposé de mettre son poste en jeu dans un référendum. Son jeune adversaire n’a pas voulu non plus de cette solution. Acculé, le Président a transféré ses pouvoirs à un Directoire militaire. On sait ce qu’il en est advenu.
Non seulement, les membres de la Haute Autorité de Transition n’ont pas cherché à exploiter les possibilités présentées ou à faire des contre-propositions, mais semblent avoir souhaité l’humiliation du chef de l’Etat. Un mandat d’arrêt a même été lancé contre lui sur la place du 13 mai. La seule constante dans la démarche était de vouloir mettre Andry Rajoelina dans le fauteuil du Président. On est loin de la demande de respect des libertés fondamentales du début du mouvement.
Le parcours du jeune maire est un copier-coller de celui du Président poussé à la démission. Le « meurtre du père » est un phantasme qui tient une place centrale dans l’Œdipe. Il fait partie des phases normales du développement psychique. Il se résout quand l’enfant trouve un autre objet d’amour et ne rentre plus en concurrence avec la figure paternelle. Le phantasme disparaît et l’enfant passe à un autre stade. S’il perdure, c’est qu’il y a un problème qui implique parfois la responsabilité du père et que le psychologue doit analyser. Mais ce n’est pas à toute une nation d’en subir les conséquences.
La HAT a juste quelques jours pour démontrer qu’elle a des capacités exceptionnelles à gouverner, étant donnée la montée des périls dans le pays et l’isolement total au niveau international. Passé ce délai, la violence dont elle a fait preuve pour arracher le pouvoir risque de se retourner contre elle.
Pierrot Rajaonarivelo, !’ancien vice-Premier ministre en exil, a fait état de ses liens avec le Maire et qualifié « d’amateurisme » sa façon de procéder.
La France, une fois de plus, s’est trompée dans le timing. Elle a été la dernière à reconnaître en 2002 la victoire de Marc Ravalomanana. Cette fois-ci, son nouvel ambassadeur, Jean-Marc Châtaigner s’est précipité au Palais d’Ambotsirohitra le 19 mars, dès sa descente d’avion, pour rencontrer le nouvel homme fort, donnant l’impression d’être le premier diplomate et le seul à apporter son onction au coup de force. Sans une mise au point rapide et convaincante de ce geste ostentatoire, l’ancienne puissance coloniale peut s’attendre d’ors et déjà à un retour de bâtons dans les futures relations bilatérales car Andry Rajoelina est mal parti. Comme disait Jean Faure, Président du groupe interparlementaire d’amitié France-Madagascar, « dans une démocratie, on ne prend pas le pouvoir à la pointe du fusil » (voir l’article : «La France impliquée dans la crise, de gré ou de force»). Le 17 mars, devant les ecclésiastiques et les diplomates ébahis, cette scène fut jouée au premier degré.
Ce samedi 21 mars, le stade de Mahamasina était plein pour « l’investiture » du Maire à la tête de la Haute Autorité de Transition, à l’image de celle de Marc Ravalomanana en 2002, officialisant sa victoire aux élections présidentielles. Tout pareil !
Aucun ambassadeur n’était présent à la cérémonie. Plusieurs milliers de personnes ont manifesté contre le nouveau pouvoir sur la place de la démocratie à Ambohijatovo.
Nicolas Sarkozy, le Président français a « mis en garde » le nouveau pouvoir sur la prévention de « l’intégrité physique » du Président Ravalomanana. Histoire d’éviter un « passage à l’acte ». L’ancien chef de l’Etat aurait décidé de rester dans la Grande Ile…
Photo 1 : un blindé devant le palais présidentiel d'Ambotsirohitra
Photo 2 : politicien, militaire et diacre, le trio gagnant pour réussir un coup d'état mais à éviter dans une démocratie
Photo 3 : Andry Rajoelina recevant l'ambassadeur de France, jean-Marc Châtaignier le 19 mars
Alain Rajaonarivony