(dépêches)
Les regrets de François Bayrou
Jérôme Bouin (lefigaro.fr) Avec AFP et AP
09/06/2009 | Mise à jour : 12:48 | Commentaires 103 | Ajouter à ma sélection
«Ce n'est pas le moment le plus agréable de ma vie», a expliqué François Bayrou mardi matin. Crédits photo : AFP
«Je pense qu'il faut que je sois moins batailleur», estime le patron du MoDem, qui s'est livré mardi à un exercice d'autocritique. Il a reconnu certaines erreurs pendant la campagne. Sur la forme plus que sur le fond.
François Bayrou dit connaître depuis le 7 juin «des nuits un peu éveillées». Le leader du MoDem s'est livré mardi matin sur Europe 1 à une sorte de diagnostic très personnel sur les raisons de la défaite de son parti aux européennes. Le MoDem n'a rallié que 8,45 % des suffrages. «Ce n'est pas le moment le plus agréable de ma vie», a-t-il expliqué, «touché» par les attaques à son égard. Il a reconnu avoir cru, contrairement à une large partie de l'électorat, qu'il fallait lier les thématiques européennes et nationales mais n'a pas pour autant changé d'avis sur la question.
Pas question donc de changer sur le fond. Les deux seuls regrets concernent la forme. Le fait d'avoir mêlé problématiques nationales et européennes donc, mais aussi «ce moment polémique excessif» avec Daniel Cohn-Bendit. François Bayrou avait accusé sur France 2 le chef de file des listes Europe Ecologie de complaisance envers la pédophilie dans un livre paru en 1975. «Je regrette l'affrontement mais, sur le fond du fond je ne peux pas dire que j'ai la moindre complaisance ou la moindre indulgence à l'égard des écrits et des actes qui étaient là rapportés», a réaffirmé le président du MoDem. «Daniel Cohn-Bendit a explosé dans des injures qui n'étaient pas pour moi acceptables (...) c'est sur le mot ‘ignoble' (que lui a adressé l'eurodéputé vert, ndlr) que les choses pour moi se sont faites», a-t-il expliqué. Invité à expliquer son propre comportement, il a esquissé une métaphore sportive : «Vous savez, en finale de la Coupe du monde, Zidane donne un coup de tête, or Zidane est un homme qui garde ses nerfs en général». François Bayrou s'est dit prêt à rencontrer Daniel Cohn-Bendit pour s'expliquer avec lui.
Être «moins batailleur»
Le président du Mouvement Démocrate estime également que le succès de son livre publié en avril (Abus de pouvoir), un livre qui attaquait frontalement le chef de l'État, a également pu détourner les électeurs et donner l'impression qu'il ne se souciait peu d'Europe, ce qu'il conteste. François Bayrou a affirmé qu'après son échec aux élections européennes il tâcherait d'être «moins batailleur» mais garderait «intégralement (son) intransigeance». «Beaucoup de gens en France avaient de moi une idée de quelqu'un qui n'allait pas dans les débats de bas étage. (...) C'est au rapport de confiance qu'il y a entre eux et moi que je pense. De ce point de vue là, c'est quelque chose qui me touche» a-t-il regretté. Il a aussi repoussé les critiques de certains membres du MoDem réclamant une gouvernance plus collégiale. «Contrairement à ce qu'on dit, je n'ai jamais cessé de jouer collectif», a-t-il estimé, alors qu'une réunion du bureau politique du parti doit se tenir ce mardi.
Quant à une éventuelle candidature à la présidentielle de 2012, il a souligné que «l'élection présidentielle, ce sont les Français qui en décident, et qui en décident le moment venu». «Si je dois être dans les années qui viennent le défenseur intransigeant de ceux qui ne peuvent pas s'exprimer, je le serai sans la moindre référence à une élection», a-t-il dit, soulignant que «personne ne sait où il sera en 2012».
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A l'origine de la sortie de route de François Bayrou sur France 2...
09 Juin 2009 Par Marine Turchi
La sortie de François Bayrou face à Daniel Cohn-Bendit, jeudi 4 juin dans l'émission de France 2, a été largement citée pour expliquer, en partie, le mauvais résultat du MoDem aux européennes (8,67% contre 12% pour l'UDF aux européennes de 2004). Mais la flèche partie sur le plateau d'«A vous de juger» avait été aiguisée dix jours plus tôt, dans les commentaires d'un article de Mediapart, par deux militantes du MoDem qui ont alerté François Bayrou dans un mail.
Le vif incident entre François Bayrou et Daniel Cohn-Bendit, jeudi 4 juin sur France 2 (lire notre analyse), a été avancé pour tenter d'expliquer le mauvais résultat du MoDem aux élections européennes (8,67% contre 12% pour l'UDF aux européennes de 2004). L'attaque du président du MoDem sur le plateau d'«A vous de juger» avait été préparée dix jours plus tôt, dans des commentaires d'un article de Mediapart, par deux militantes MoDem, qui ont alerté François Bayrou dans un mail.
Toutes deux sont des figures militantes du MoDem, connues de François Bayrou et par ailleurs abonnées de Mediapart. La première, Marie-Anne Kraft, 49 ans, analyste financière, écologiste, et vice-présidente du MoDem dans le Val-de-Marne, était même candidate en 7e position sur la liste européenne de Marielle de Sarnez, en Ile-de-France (photo ci-contre et pour voir sa profession de foi en images ici). Elle est aussi vice-présidente de l'association des lecteurs de Mediapart (ALM) et tient un blog politique sur le site 20minutes.fr.
(...) sur le plateau, la flèche part: «Je ne suis pas sûr que vous puissiez, vous, employer le mot d’ignominies, parce qu’il y a un certain nombre d’ignominies que vous n’avez pas hésité à porter», réplique le président du MoDem à la tête de liste d'Europe-Ecologie. «Bayrou n'avait aucune intention de ressortir cette affaire. Il ne voulait pas en parler. Il me l'a dit», assure Marie-Anne Kraft, mais «Daniel Cohn-Bendit a insisté» («Par exemple? Par exemple?»). «Point à la ligne», répète François Bayrou, avant d’exploser: «Par exemple, je trouve ignoble, moi, d’avoir poussé et justifié des actes à l’égard des enfants que je ne peux pas accepter.»
Le vendredi matin, François Bayrou convoque une conférence de presse pour s’expliquer sur le dérapage de la veille (voir les images ici). «J’y étais, il m’a regardée. A la fin, il a expliqué aux journalistes : “C’est cette personne qui m’a averti”», explique Marie-Anne Kraft, qui reconnaît avoir eu «un moment de culpabilisation», même si François Bayrou «m'a dit de ne pas culpabiliser au téléphone, après», confie-t-elle. «Après réflexion, je me suis dit qu’il y avait un sujet grave derrière cela.»
Contactée par Mediapart, Etoile 66, elle, rejette toute responsabilité dans cette affaire. «Qu'un responsable politique reçoive [ces écrits] d'une internaute et en fasse un argument dans une campagne sur l'Europe, ou qu'il cite le nombre de fois que les uns ou les autres déjeunent avec Nicolas Sarkozy, c'est de sa responsabilité. C'est lui qui décide parmi les milliers d'informations qu'il reçoit ce qu'il utilise dans sa campagne ou non, estime-t-elle. Cette histoire assez incroyable décrédibilise les efforts de milliers de personnes qui ont travaillé sans compter leur temps sur le terrain et dans la formulation d'un projet de société alternatif entre le PS et l'UMP. (...) Cet épisode montre que le Mouvement Démocrate a besoin de plusieurs porte-parole, de personnes identifiées comme responsables officiels par les médias, comme l'a expliqué Corinne Lepage», estime-t-elle. (...)
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