(dépêches)
http://www.liberation.fr/societe/0101574295-le-parquet-veut-la-dissolution-des-principales-structures-scientologues
Société 16/06/2009 à 06h51
Le parquet veut la dissolution des principales structures scientologues
A la barreJustice . Réquisitions, hier, devant le tribunal de Paris, au procès de la secte.
3 réactions
Par ONDINE MILLOT
Des visages terrassés. Sur le banc des prévenus et dans la salle, tous les hauts responsables de la scientologie française, réunis pour l’occasion, se décomposent. Ils viennent de subir la plus violente attaque depuis l’apparition de la secte en France. Hier, le parquet de Paris a demandé la dissolution de leurs deux principales structures. Une charge inédite, à laquelle personne ne s’attendait. Et lourde de conséquences si le tribunal s’y conformait. En effet, si on peut imaginer que les importants ressorts financiers et appuis internationaux de la scientologie française lui permettraient de survivre au choc, elle serait, pour le moins, durablement désorganisée. Sans parler de la jurisprudence créée…
Voilà maintenant un mois que huit prévenus scientologues (six personnes physiques et deux personnes morales) comparaissent devant le tribunal correctionnel de Paris pour escroquerie en bande organisée et exercice illégal de la pharmacie. Pour l’Association spirituelle de l’Eglise de scientologie et sa librairie Scientologie espace liberté (SEL), le parquet a réclamé, outre la dissolution, le paiement par chacune de 2 millions d’euros d’amende. Concernant les responsables scientologues, les peines demandées sont aussi importantes : 150 000 euros d’amende et quatre ans avec sursis pour Alain Rosenberg, considéré comme le «dirigeant de fait» de la secte en France ; 50 000 euros d’amende et trois ans avec sursis pour Didier Michaux, l’un des principaux vendeurs de livres et «produits» ; 25 000 euros d’amende et trois ans avec sursis pour Jean-François Valli, qui persuadait les nouvelles recrues de s’endetter pour acheter ces produits.
Particulièrement pugnaces, et assumant ce revirement (il y a trois ans, à l’issue de l’instruction, le parquet avait requis un non-lieu), les représentants du ministère public ont dénoncé une «accumulation de manœuvres frauduleuses». Hier soir, Olivier Morice, avocat des parties civiles qui depuis des années se «bat» pour faire condamner le «système d’escroquerie» scientologue, osait encore à peine y croire : «Enfin on demande l’application de la loi !» Le procès se conclut aujourd’hui et demain par les plaidoiries de la défense. Le tribunal devrait mettre sa décision en délibéré.
http://www.liberation.fr/societe/0101574523-scientologie-la-victoire-de-la-notion-d-emprise
Société 17/06/2009 à 06h51
Scientologie : la victoire de la notion d’emprise
A la barreProcès . Le parquet ne penche plus pour le non-lieu et prône la dissolution de la structure mère de la secte.
22 réactions
Par GUILLAUME DASQUIE
Avec la plaidoirie de Me Patrick Maisonneuve, aujourd’hui, devant le tribunal de grande instance de Paris, les avocats de l’Eglise de scientologie achèveront de présenter leurs moyens de défense. Sans trop y croire, sonnés depuis le réquisitoire du parquet. Lundi soir, devant des hiérarques de la scientologie, blêmes, le ministère public a réclamé la dissolution pure et simple de la structure mère, l’Association spirituelle de l’Eglise de scientologie. Et quatre ans de prison avec sursis pour Alain Rosenberg, son gourou français, assortis de 150 000 euros d’amende.
Jamais une telle décision n’a été requise en France. Ce procès pour escroquerie en bande organisée intenté par une ancienne adepte de la secte, Aude-Claire Malton, a transformé l’appréciation du parquet de Paris. Au stade de l’instruction, le vice-procureur Jean-Paul Mazon avait demandé, le 4 septembre 2006, un non-lieu général pour les dirigeants et pour l’Eglise de scientologie, poursuivie en tant que personne morale. Après avoir écouté témoignages et expertises qui se sont succédé à la barre, les vice-procureurs Maud Morel-Coujard et Nicolas Baieto ont donc désavoué l’analyse de leur collègue.
Cette victoire, pour les associations de défense des victimes des sectes, a pour principal stratège Me Olivier Morice. Un avocat spécialiste des dossiers sensibles - comme celui concernant l’assassinat du juge Borrel. Sa plaidoirie contre la scientologie, débutée lundi après-midi, s’articulait autour de la notion d’emprise ; concept central au cours de ses dix années de défense du dossier (la plainte de sa cliente remonte à fin 1998). Me Morice a expliqué que cette emprise se manifeste par un «mécanisme de séduction, de persuasion, et de fascination ». Entamé par un test de personnalité destiné à installer un doute chez un être fragile, il consiste à développer un état de «suggestion psychologique», de manière systématique, selon un canevas prévu par la secte. Analyse démontrée par les éléments matériels recueillis par les cinq juges d’instruction, et largement étayée lors des débats. Au final, l’entreprise de manipulation des esprits a servi «des manœuvres frauduleuses conduisant les parties civiles à des remises de fonds importantes», a insisté l’avocat.
Cette démonstration-là a sapé la défense de la scientologie, axée depuis des années sur le consentement de ses adeptes à se délester de leurs économies. Dès lors que leur libre arbitre s’avère annihilé, difficile de s’en prévaloir. Conséquence, au plan du droit : les magistrats ont pu retenir, pour la première fois à l’égard d’une secte, le délit «d’escroquerie en bande organisée». Dont le nouveau code pénal, entré en vigueur en 1994, a prévu qu’il viserait aussi les personnes morales. Les deux vice-procureurs ont suivi ce raisonnement en appliquant - ni plus ni moins - les peines prévues pour les personnes morales reconnues coupables de tels faits : un ordre de dissolution.
http://www.liberation.fr/societe/0101574572-alain-stoffen-scientophobe
Société 17/06/2009 à 06h53
Alain Stoffen, scientophobe
portraitCe professeur de piano belge de 48 ans fut un adepte de l’Eglise de scientologie, avant de dénoncer les méthodes de la secte, dont le procès en France s’achève aujourd’hui.
33 réactions
Par ONDINE MILLOT
Voilà bientôt un mois que, assis sur les bancs du tribunal correctionnel de Paris, on frémit au récit des méthodes de la scientologie. Dizaines de milliers d’euros escroqués, intimidations, humiliations, épuisement psychologique et physique à coups d’interrogatoires policiers, d’heures de sauna, de vitamines en surdose… Mais qui peut bien se laisser faire ça ? Las, ce procès pour «escroquerie» contre la secte se termine aujourd’hui, et si les éléments tirés de l’enquête semblent solides et étayés, les parties civiles, elles, sont restées désincarnées. Désistées, absentes ou en larmes. Détruites. Y a-t-il quelque part un ex-scientologue en état de témoigner ?
C’est toujours le même qui s’y colle, Alain Stoffen, 48 ans, professeur de piano et compositeur, évadé de la scientologie depuis 2001. Lui n’est pas directement concerné par l’actuel procès (1). Il attend toujours le sien, à l’instruction depuis 2002. Entre-temps, il a écumé les plateaux télé, écrit un livre (2) et reste, à une ou deux autres exceptions près, le seul ex-adepte à s’exprimer à visage non masqué.
Certes, il dit trop de fois qu’il n’a «pas peur» pour que cela ne ressemble pas à un mantra. Et nous fait tant jurer qu’on fera «attention» en écrivant qu’on se retrouve pétrifié face à l’écran. Prudent, pudique. Mais bavard, c’est notre chance. Ce même besoin de communiquer, ce «désir d’être reconnu» qui l’a poussé, il y a vingt-cinq ans, dans les bras de «l’organisation».
Il dépeint naïvement ses «rêves de jeune homme». Un «garçon sage», grandi dans une banlieue belge «à l’horizon étroit». Père comptable, mère au foyer, quatre sœurs au milieu desquelles, seul garçon, il s’efface et se confond. Isolé dans la cour de récré, enfant de chœur à la messe, la seule distraction familiale. Le père travaille pour une compagnie aérienne et bénéficie de billets gratuits. Pourtant, la famille n’a jamais pris l’avion. «Je les regardais atterrir, puis repartir. J’avais envie de décoller.»
A 22 ans, diplôme d’instituteur en poche, il ne se sent pas prêt pour la «vie d’adulte». Se croit contraint par le modèle parental à une morne existence : «sécurité matérielle»,«bonne retraite», renoncement à toute «fantaisie». Alors que, féru de piano, il se sait «artiste». La scientologie est un caméléon. Programmes de désintoxication pour les toxicomanes, de réinsertion pour les sortants de prison, de développement personnel pour ceux qui, comme Alain, sentent en eux vibrer une fibre inexploitée. L’organisation se présente à lui sous les traits d’une de ses vitrines, une académie de musique parisienne baptisée l’Ecole du rythme. Là, il pourra vivre de son art. «Sans hésitation», il démissionne de son poste d’éducateur en Belgique.
Assis dans le salon de son appartement de banlieue, Alain Stoffen a le charme caricatural et touchant de l’éternel romantique. Chemise blanche brodée, yeux pâles, mèche ondulée. Voix de miel, envolées lyriques sur les arbres et la musique. Posée à côté du piano, la partition de la BO de Titanic. On lui demande si la scientologie a profité de ses faiblesses, il se fâche. «Je ne vois pas pourquoi on dit que les gens qui adhèrent à la scientologie sont des faibles ! Moi, j’étais dans une démarche saine. Ce sont eux qui sont malsains.»
Il y a des mots auxquels il n’a pas pu résister. Les scientologues lui ont dit qu’il était «quelqu’un d’important». «Les artistes comme toi», ont-ils répété, jouent un rôle essentiel dans la société conçue par Ron Hubbard, le gourou fondateur. Un endroit leur est dédié, le Celebrity Centre, rue Legendre à Paris. Alain y est attendu. Il s’y inscrit à des «cours de communication». Une heure face à un adepte pour apprendre à «soutenir le regard de l’autre». «Ça m’a permis de surmonter ma timidité, un gain inestimable.» Avec ses nouveaux amis, qui l’accueillent au sein du «groupe», il a l’impression, enfin, «de ne plus être insignifiant».
Cette «lune de miel» ne dure pas. La scientologie est un parcours de montagnes russes : la succession «d’espoirs et de détresses» permet cette «aliénation» que Stoffen décrit avec précision. Il raconte d’interminables séances d’«électromètre». Un boîtier électrique dans chaque main, face à un instructeur, l’apprenti scientologue est bombardé de questions destinées à «faire rejaillir les traumatismes du passé». Sur le cadran de la machine, une aiguille doit refléter son «état mental». Souvent mauvais, d’où la facturation de nouvelles séances. Alain Stoffen lâchera 45 000 euros pour tenter de parvenir à «l’état de Clair», cet «épanouissement de la personnalité» qu’on lui fait miroiter. Lorsqu’un gros bras de l’organisation le menace parce qu’il n’a pas de quoi payer, lorsqu’il pense avoir épuisé tous les établissements de crédit de Paris, la même terreur infantile le terrasse : «la peur que le groupe me rejette». Suivent alors les cajoleries : la scientologie lui organise des concerts, on l’applaudit. Puis, à nouveau, des sommes colossales sont réclamées.
C’est l’amour qui va à la fois le perdre et le sauver. Une passion concurrente déclenchée par une «jolie blonde» scientologue, appelée Camille dans le livre. Leur histoire finira dans de sordides batailles judiciaires pour la garde de leur fils. Mais ouvrira les yeux au pianiste. Lui qui, jusque-là, a avalé vitamines, saunas, spoliations et vexations sans broncher ne supporte pas, soudain, que les scientologues se mêlent de son couple. Divorce, tours de garde, biens à vendre ou à partager : ils veulent tout gérer. Camille, toujours scientologue aujourd’hui, obéit. Stoffen se rebelle.
Lors d’une dernière tentative d’apaisement, on lui confie son «dossier d’éthique». Il n’a pas le droit de l’ouvrir mais doit l’emmener avec lui à Copenhague, dans un «centre européen» chargé de le «réparer». Dix centimètres d’épaisseur, des centaines de rapports le concernant. Il craque, arrache l’emballage et lit… jusqu’à en vomir. Des programmes expliquant point par point comment lui soutirer de l’argent. Des comptes rendus détaillant les moindres de ses faits et gestes. «Toutes les pressions, toutes les humiliations ont été méthodiquement planifiées. J’ai été la cible d’abus institutionnalisés.» Ce «dossier d’éthique» est la pièce maîtresse de sa plainte pour «chantage, escroquerie et extorsion en bande organisée». Il espère la voir bientôt aboutir. En attendant, il a repris son activité de prof de piano. «Il y a encore chez lui un syndrome de Stockholm, dit son avocat, Olivier Morice. Il a dû se battre pour arriver à dire publiquement du mal de la scientologie.» Cette médiatisation, Alain Stoffen s’en sert comme d’un bouclier. Pour se protéger. Pour assumer. «Le processus pour se reconstruire est plus long et plus difficile que le processus d’endoctrinement.» Honte, culpabilité, dépression. «Au début, je ne pouvais pas avouer que je m’étais fait avoir pendant quinze ans.» Aujourd’hui, il le dit. En souriant tristement. Et en soutenant le regard de l’autre.
4 novembre 1960: Naissance à Etterbeek (Belgique).
Octobre 1985: Premier «cours» de scientologie.
1994: Rencontre sa femme.
1998: Naissance de leur fils.
1999: Le couple se sépare.
2001: Découvre son «dossier d’éthique» et la façon dont il a été manipulé.
2002: Porte plainte contre la secte.
Septembre 2006: Le juge d’instruction rend un non-lieu.
Mai 2007: La cour d’appel infirme le non-lieu. L’instruction reprend.
(1) Lire page 16.
(2) Voyage au cœur de la scientologie, éditions Privé, 2009.
Photo FRÉDÉRIC STUCIN. MYOP
http://www.liberation.fr/societe/0101574462-scientologie-un-proces-digne-de-l-inquisition
Société 16/06/2009 à 18h45
Scientologie: «Un procès digne de l'Inquisition»
Les avocats des scientologues parisiens poursuivis pour escroquerie ont dénoncé mardi les peines «extrêmement lourdes» requises par le parquet.
219 réactions
Les avocats des scientologues parisiens poursuivis pour escroquerie en bande organisée ont dénoncé mardi le «procès symbolique» et digne de «l’Inquisition» intenté à leur association, tout en stigmatisant la «mise à mort» requise par le ministère public.
Lundi, le parquet a créé la surprise en requérant la dissolution des deux principales structures françaises de l’Eglise de Scientologie (ASES-CC et SEL), trois ans après avoir requis un non-lieu général dans ce dossier.
«C’est l’Inquisition. C’est Torquemada (le Grand Inquisiteur, ndlr), où l’on identifie nos clients au diable! Et ce n’est pas le procès de la religion que l’on veut faire?», s’est indigné mardi Me Alexis Gublin, avocat du «libraire» Didier Michaux.
«C’est un procès symbolique, mais pas un procès pratique», a soutenu Me Yann Streiff, qui défend l’ancienne présidente du Celebrity Centre, Sabine Jacquart.
«On vous monte une baraque et ça ne suscite aucune réaction», a-t-il lancé aux magistrates de la 12e chambre. «Seule la finalité de la condamnation prime», a-t-il regretté, considérant que l’Eglise de Scientologie n’était qu’un «bouc-émissaire».
«Ce n’est pas à la justice de régler cette question»
«Ils sont déjà coupables parce que scientologues et qu’on n’apprendrait aux scientologues qu’à mentir!», s’est plainte à son tour Me Aurélie Cerceau, qui défend la responsable des cures de purification Aline Fabre.
Mais surtout, a argué la défense, il ne revient pas à la justice de statuer dans une affaire religieuse.
Pour Me Streiff, le tribunal «ne peut s’insérer dans l’acte de foi» et condamner les scientologues. Car, selon la jurisprudence française, la Scientologie est bien une religion, a-t-il martelé, avant de citer une décision en ce sens de la cour d’appel de Paris de 1980.
«Ce n’est pas à la justice de régler cette question», mais «au gouvernement ou au législateur», a plaidé l’avocate de Jean-François Valli, Me Virginie Benmayor.
«Si l’exécutif veut interdire la Scientologie, qu’il le fasse. S’il veut interdire les ouvrages de Ron Hubbard (le fondateur de la Scientologie), qu’il le fasse, mais que l’on ne vous demande pas de prendre une décision politique», a renchéri son confrère Gublin.
«il y a des croyances auxquelles on adhère ou pas»
Après s’être indignée contre «la peine extrêmement lourde» requise contre son client (trois ans avec sursis), Me Benmayor a assuré que les convictions de ce scientologue étaient «réelles» et «profondes».
Dans la Scientologie, «il y a des croyances auxquelles on adhère ou pas, mais pas d’agissements répréhensibles», a-t-elle conclu.
Par ailleurs, les différents conseils ont rappelé au tribunal qu’en matière de «manoeuvres frauduleuses», il n’était saisi que des «tests de personnalité» diffusés par la Scientologie, mais en aucun cas des «électromètres» ou des «lettres de succès», brocardés lundi par le parquet.
«On est au-delà de l’ordonnance de renvoi» qui saisit le tribunal, a fait remarquer Me Gublin. «Ce sont des éléments d’ambiance», a-t-il averti, «mais vous ne pouvez pas vous en servir pour qualifier une infraction pénale».
Les plaidoiries de la défense doivent s’achever mercredi et la décision être mise en délibéré à plusieurs semaines.
(Source AFP)