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10 février 2007 6 10 /02 /février /2007 15:20
Dans l’appartement que j’occupais pendant toute mon enfance trônait au salon, me surveillant, l’un des visages les plus austères, les plus impressionnants de la peinture. Je sus par la suite qu’il s’agissait d’un Rouault.

Rouault. Voici le premier des deux personnages pour ce débat-duo de la peinture qui s’installe au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris jusqu’au 11 février 2007.

Mercredi 7. Nocturnes au Palais de Tokyo. Soixante-dix minutes de saveurs.

L’exposition veut montrer le parallélisme des deux peintres, même si c’est un peu osé. Même si Matisse et Rouault ont beaucoup divergé.

Tout commence par des tableaux de Gustave Moreau. Oui, Henri Matisse et Georges Rouault ont commencé tous les deux à l’atelier de Gustave Moreau.

Alors, vous avez droit à la "Fée aux Griffons" (1870), au "Jardin des Oliviers" (1875-1880) et à "Narcisse" (1880). Un décor assez vague, des couleurs diffuses, et pourtant, en surimpression, des personnages, des anges des détails très fins, très précis, vaguement fantomatiques.

Les "Bergers" de Moreau montrent ainsi des cavaliers que vous devinez à peine dans le sable.

Puis viennent les premiers essais des deux héros.

Beaucoup de nus. Le "Nu dans l’Atelier" (1895) de Matisse face au "Nu de dos" (1906) de Rouault. Le premier est plus proche de la réalité encore, plus onctueux, le second déjà à gros traits noirs, avec le déhanché et sans les autres personnages.

"Pastorale" (Matisse, 1906), "Le Modèle" (Matisse, 1901), "Composition" (Rouault, 1906)... quelques arabesques...

Rouault : "Silhouette", "Nu", "Nu de face" (de 1902 à 1914, très difficile de parler des oeuvres de Rouault, aucun titre original et distinctif, dates approximatives...).

Trois vases en terre cuite peints par Rouault en 1907. Des nus. Celui de couleur bleu vert est naturellement le plus agréable à mes yeux.

Beaucoup de nus donc... aux traits souvent marqués.

Puis, vous voilà devant l’illustration de Ubu. Alfred Jarry est mort et un éditeur se propose d’acheter au descendant la marque. Rouault peint alors beaucoup de personnages dans ces nouvelles aventures de Ubu. Gaston Bonnard en peint quelques uns aussi.

Rouault se spécialise alors dans la peinture de petits portraits. Des caricatures bien marquées. Avec des couleurs assez vives, et ces traits noirs qui font sa notoriété.

D’autres figures sont peintes. J’ai retenu : "Von X" (1915), "Le Pédagogue" (1913). Elles font penser un peu aux caricatures de Daumier.

Puis, les paysages apparaissent avec le changement de salle.

"Allée d’Oliviers" (1919) de Matisse montre une forêt aux couleurs douces. Alors que Rouault, avec "Banlieue parisienne" (1914), représentant la Seine et un bateau, réussit à esquisser furtivement le reflet des badauds.

Puis, vous arrivez dans une nouvelle salle. Toute différente. Sur l’un des quatre murs, toute la série "Jazz" de Matisse (entre 1943 et 1946). Faite de papiers colorés et découpés. Couleurs vives. Matisse veut exprimer la joie, retirer tout ce qui pourrait induire de l’amertume. Il se sent déjà trop vieux pour peindre, alors il découpe. Personnellement, j’apprécie peu. Formes trop grossières sans doute.

Cette série décrit le cirque. Le meilleur est "Icare", une silhouette noire contenant un petit coeur rouge, le tout sur fond bleu noir avec quelques étincelles jaunes autour du corps. Il y a aussi "Loup", qui ressemblerait à une tête de lion si vous ne remarquiez pas que sa longue gueule est tronquée. Un De Gaulle (avant l’heure) blanc au nez cassé, nommé "Loyal"...

En face, une série de Rouault sur le cirque aussi. "Le cirque de l’étoile filante" (de 1934 à 1938). Un tableau d’une danseuse levant sa jambe "A Tabarin" (1905) tout en ombres bleues.

Rouault avec "Paysage Biblique" souligne en noir, entoure tout, englobe chaque chose avec ses traits noirs.

Et puis une salle complète est consacrée aux tableaux tristes, gris, noirs de Rouault. "Miserere, le dur métier de vivre" (de 1922 à 1930). Vous y voyez des personnages tristes, des yeux en chagrin, des personnages squelettiques, qui font penser au "Cri" du Norvégien Edvard Munch, contemporain de Rouault et Matisse (Munch est né en 1863 et mort en 1944). Des têtes de morts, des paysages de villages incendiés par la guerre. Mysticisme, foi, mort, guerre...

Nouvelle salle. Plus joyeuse.

"Deux Jeunes Filles, la robe jaune et la robe écossaise" (Rouault, 1944), "Odalisque au fauteuil" (Matisse, 1928).

Rouault (en 1926-1927) et Matisse (1947) illustrent "Les Fleurs du Mal" de Baudelaire. Magnifiques portraits de femmes dessinés à l’encre de chine par Matisse.

Des Christ de Rouault. Un paysage de désolation avec les trois croix (la mort du Christ). En bas du tableau, vous pouvez distinguer un signe noir, sur fond blanc entouré de drap rouge, vous pourriez imaginer certains insignes, mais vous regardez la date, 1926.

Puis une série de portraits de Rouault (février 1943) : "15 études préparatoires pour le divertissement".

À la fin de l’exposition, vous avez quelques informations biographiques... des photographies assez émouvantes de Georges Rouault vieux, un petit bonhomme triste avec ses albums, avec son costume, ou dans son atelier où il ressemble bigrement à Picasso...

Matisse, Rouault, deux vies parallèles et croisées.

Matisse est né le 31 décembre 1869 et Rouault le 27 mai 1871 (à Paris). Leur maître, Gustave Moreau, meurt en 1898 (sept ans après leur arrivée à son atelier).

Matisse meurt le 3 novembre 1954 (à Nice) et Rouault le 13 janvier 1958 (à Paris).

Rouault, avec ses traits noirs, est fait pour les vitraux. Il n’en fait cependant pas beaucoup à la fin de sa vie, mais étrangement, il a débuté en 1885-1890 comme peintre verrier dans la restauration de vitraux. Rouault s’est battu avec les héritiers de son éditeur Vollard et a brûlé devant huissier trois cents tableaux inachevés qu’il ne se sentait plus la force de terminer.

Voilà, la sortie arrive avec un étrange sentiment.

Henri Matisse, c’était la joie, le beau, la contemplation, l’explosion des couleurs, le rond.
Georges Rouault, c’était le désespéré, le croyant, les traits forcés aux contours, le carré.

Matisse-Rouault, Rouault-Matisse... qui va donc gagner ? suspens... non, mon choix est fait... je préfère Rouault.



Infos pratiques :

Jusqu’au dimanche 11 février 2007

Au
Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris
11 Avenue du Président Wilson 75116 PARIS
http://www.paris.fr/portail/Culture/Portal.lut?page_id=6450
Tél. : 01 53 67 40 51
De 10h00 à 18h00
Prix : 8,60 €

Du 25 mars 2007 au 17 juin 2007

Au
Musée départemental Matisse
Palais Fénelon 11 place du Commandant Edouard Richez
59360 LE CATEAU CAMBRESIS
Réservation : 03 27 84 64 64



(1) http://www.paris.fr/portail/Culture/Portal.lut?page_id=6450&document_type_id=2&document_id=23128&portlet_id=15515
(2) http://perso.orange.fr/art-deco.france/rouault.htm
(3) http://www.coiplet.de/art/rouault/franzoesisch.php
(4) http://fr.wikipedia.org/wiki/Henri_Matisse
(5) http://www.editionsducerf.fr/html/fiche/fichelivre.asp?n_liv_cerf=6602
(6) http://www.scu.edu/desaisset/exhibits/rouault.html
(7) http://www.marquette.edu/haggerty/exhibitions/past/rouault.html
(8) http://culturofil.net/2005/09/12/le-miserere-de-georges-rouault/
(9) http://www.musees-strasbourg.org/F/exposi/plus_dinfo_expos/ROUAULT/RESOURCES_ROUAULT/cp_rouault_f.pdf
(10) http://fr.wikipedia.org/wiki/Honoré_Daumier
(11) http://fr.wikipedia.org/wiki/Edvard_Munch
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Du 07 février 2007
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