Le 3 mars 2007 sur France 3, Nicolas Sarkozy a exprimé son soutien pour que Jean-Marie Le Pen et Olivier Besancenot puissent collecter les 500 signatures de parrainages nécessaires pour être candidat à l’élection présidentielle.
Besancenot, l’alibi gauchiste pour une stratégie douteuse ?
En effet, tout le monde a compris que la présence de Jean-Marie Le Pen parmi les candidats du premier tour fait son jeu pour secouer le chiffon rouge, éviter le vote Bayrou et récupérer au second tour les voix de Le Pen.
Certains socialistes avaient aussi envisagé d’aider Jean-Marie Le Pen, puisque la peur d’un Le Pen au second tour ramènerait le centre gauche tenté par François Bayrou vers Ségolène Royal. Mais François Hollande a donné des instructions très strictes aux élus locaux socialistes pour refuser tout parrainage en dehors de celui en faveur de sa compagne, le triste souvenir du 21 avril 2002 étant encore trop présent dans les esprits.
Il y a dans cette déclaration trois sujets que je vais aborder.
LE PEN, ALLIÉ OBJECTIF DE SARKOZY
Le Pen l’a déjà dit il y a plusieurs mois que Sarkozy, contrairement à Chirac qu’il déteste, pourrait bénéficier de son soutien au second tour. Le calcul de Sarkozy est très clair, trop clair.
L’immense potentiel de parrainages de l’UMP et les réseaux classiques qu’un Ministre de l’Intérieur peu avoir avec les élus locaux sont tels que Sarkozy a toutes les possibilités d’aider Le Pen de façon décisive.
Si je peux louer la transparence de ses propos (alors qu’il y a eu, dans le passé, de nombreuses consignes secrètes pour aider un petit candidat dans le camp d’en face), je ne peux que m’insurger contre cette tendance de plus en plus hégémonique de Sarkozy à s’occuper de TOUT : de politique étrangère quand on est Ministre de l’Intérieur, de justice quand on est responsable de la police, et maintenant, on s’occupe de savoir qui doit être candidat à l’élection présidentielle... ou pas, car pourquoi Le Pen et Besancenot et pas José Bové ou ...Nicolas Dupont-Aignan, dont le discours est beaucoup plus proche du sien ?
Il est vrai que le 21 avril 2002 au soir, le seul à s’être réjoui fut Nicolas Sarkozy, alors que Chirac, pourtant désormais sûr de sa réélection, était attristé par cette surprise.
LE PEN DOIT-IL ÊTRE CANDIDAT ?
L’argument évoqué est de se baser sur les sondages, ou sur un score de précédentes élections pour dire que Jean-Marie Le Pen doit être présent au premier tour de l’élection présidentielle de 2007.
Il est évident que le caractère démocratique d’un pays qui ne permet pas à un homme représentant 18% de l’électorat il y a cinq ans peut être remis en cause.
Mais la France est d’abord un État de droit, et jusqu’à maintenant, les règles n’ont pas à être changées neuf jours avant le dépôt des candidatures. Le respect des règles de notre constitution est un élément majeur de notre démocratie.
Les bafouer, c’est ouvrir la brèche aux coups d’État.
Chacun doit respecter les règles. Si José Bové n’a pas ses signatures, c’est avant tout par paresse, et par ignorance de ce qu’est une candidature, pas seulement une allégorie de sa personne, aussi du travail de terrain.
Personnellement, m’opposant depuis toujours aux idéologies sous-tendant la démarche politique de Jean-Marie Le Pen, je me réjouirais de son absence de l’élection présidentielle le cas échéant. Car cela réduirait le risque de le voir au second tour. Et ça éviterait une image déplorable vis à vis de nos partenaires étrangers.
FAUT-IL MODIFIER LA RÈGLE DES PARRAINAGES ?
Comme chaque fois, beaucoup de hommes (ou de femmes) politiques veulent modifier les règles quand celles-ci gênent la démarche de certains.
La règle des 500 signatures n’est pas venue spontanément. À l’origine, il suffisait de 100 signatures et pas de 500. C’est Valéry Giscard d’Estaing qui augmenta le nombre nécessaire après l’élection de 1974 qui a vu douze candidats s’affronter, dont certains qui ne représentaient rien.
Beaucoup proposent la possibilité de pétition, cinq cent mille ou un million de signataires favorables à une candidature.
Je passe sous silence les problèmes techniques pour vérifier la réalité de ces pétitionnaires (le risque de fraude est fort) et aussi la question sur la publication de la liste des signataires qui pourrait poser problème pour ces signataires dans leurs lieux sociaux (de travail notamment), car la créativité juridique réussit toujours à trouver de belles solutions.
Je me recentre uniquement sur l’aspect politique et électoral.
Prenons les très petits candidats. Ils devraient alors recueillir plus de signataires que le nombre d’électeurs qu’ils rassembleraient péniblement. Or, certains peuvent représenter de véritables courants d’idée, qui méritent une audience nationale.
Et prenons l’exemple de Le Pen, qui n’aurait alors aucun mal à recueillir tous les signataires voulus. Serait-ce un bien ?
Je prétends que non. Je prétends que le filtre des élus locaux, de leur responsabilité vis à vis de leurs propres administrés, est un filtre démocratique essentiel.
Que si Le Pen, avec 18% de voix en 2002, et crédité dans les sondages aujourd’hui entre 9 et 14%, ne parvient pas à recueillir cinq cents des quelques quarante mille signatures potentielles d’élus locaux, c’est qu’il y a un problème, mais pas celui qu’on peut croire.
Pas un problème démocratique. Mais un problème vis à vis de ce candidat et de l’idéologie qu’il véhicule. Que le taux de rejet, de répulsion est si fort que les élus locaux (pour la plupart apolitiques) ne veulent ou n’osent pas le parrainer.
Et je prétends donc que ce filtre est sain. Que si la République de Weimar avait eu ce type de filtre, peut-être (peut-être pas) Hitler n’aurait pu parvenir au pouvoir.
Pour la même raison qu’il n’est pas pertinent de faire un référendum sur la peine de mort, le filtre des élus locaux, qu’il soit présidentiel avec le système de parrainages ou législatif avec la représentation des collectivités locales par le Sénat, évite à notre démocratie les dérives populistes.
Mais ce n’est pas un hasard que les deux principaux candidats, qui usent eux aussi de populisme, souhaitent réformer ce type de filtre.
Article également publié à Agoravox.
http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/sarkozy-parrainera-t-il-le-pen-20345
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