L’émotion est-elle réelle ou pas ? Sans doute faudra-t-il la comparer avec les vœux de François Mitterrand du 31 décembre 1994 où il évoquait les forces de l’esprit…
Mitterrand avait parlé de mort prochaine, Chirac a parlé de son amour.
Certes, cela fait à la fois bizarre et un peu ridicule, et pourtant… si on regardait un peu mieux, la question de l’élection présidentielle pourrait se résumer simplement à : qui aime mieux les Français ? pas la France, mais les gens, la peuple.
En 1995, c’est par cet amour des gens que Chirac a pu lutter contre Balladur qui croyait pourtant que l’élection ne serait qu’une simple formalité.
En 2007, c’est possible que la ‘formalité’ de l’élection tant attendue de Sarkozy se balladurise en pleine campagne !
Car qui aime le mieux les gens ? les sondages ont donné quelques indications : François Bayrou. Son sourire en coin, parfois pris en ridicule pour de la niaiserie, c’est d’abord le signe d’une véritable gentillesse qui est évidemment loin d’être une mollesse.
Bayrou a l’avantage, sur Royal et Sarkozy, de savoir ce qu’est une campagne présidentielle. La sienne de 2002 a tourné au vinaigre avec les attentats du 11 septembre 2001. Il a donc observé très précisément la méthode Chirac de l’élection de 1995 et l’a adoptée : aller voir les gens, les écouter (à la différence de Sarkozy qui n’écoute que son ambition), mais aussi leur proposer des idées (à la différence de Royal qui n’en a pas). Et croire en son destin.
Apparemment, sa campagne semble prendre de l’ampleur, si j’en juge par la confirmation dans les sondages de la forte hausse de sa popularité.
C’est même amusant que ses deux principaux rivaux lui envoient actuellement des scuds : Simone Veil à droite et Dominique Strauss-Kahn à gauche.
Simone Veil est une femme très respectable. Sa vie, ses idées, son courage politique sont incontestables. Mais que va-t-elle faire dans cette galère ? Elle se discrédite dès le départ en estimant que François Bayrou ne représente que lui. L’excessif est malheureusement insignifiant, et quand on représente entre 20 et 25% d’intentions de vote, c’est un peu plus que sa propre personne. Mais au-delà de ces rancœurs de langage, Simone Veil avait-elle été consultée quand Sarkozy, reniflant du côté du FN, proposait la création d’un grand Ministère de l’Immigration et de l’Identité Nationale, idée nauséabonde qui ressemble à des vieilles sauces d’un passé pas très lointain ?…
Dominique Strauss-Kahn, éminent membre du parti socialiste, pouvait-il faire autrement que de donner son soutien à Royal ? Ce qui a amusé d’ailleurs Bayrou, c’est la réponse à une question qui ne lui avait pas été posée sur Matignon.
Alors que Royal attend un soutien fort d’autres éléphants, comme Emmanuelli ou Jospin, Sarkozy lui, attend aussi ceux de Giscard d’Estaing et de Chirac. Dominique De Villepin vient de lui apporter, faute de troupes pour s’opposer à lui.
Mais ces soutiens sont-ils si productifs que cela ? Pas sûr.
Mais dans le message très consensuel de Jacques Chirac, quelles sont les leçons à tirer ?
La première, la seule, la plus importante, c’est de s’opposer aux extrémismes, au racisme, à l’antisémitisme, à la xénophobie, à la détestation de l’autre. C’est sans doute la seule véritable conviction de Jacques Chirac, et c’était bien de la répéter devant un Sarkozy qui semble se lepéniser à outrance.
Saluons donc le départ volontaire d’un homme ambitieux, qui est entré dans le cercle restreint du pouvoir dès 1962, qui n’a connu comme exercices physiques que les campagnes électorales soutenues par un rythme de marathonien, et qui reste, malgré quelques petits soucis, en pleine santé à 74 ans.
Sans précédent dans notre histoire, tant le pouvoir se lâche difficilement.
François Bayrou semble désormais bien placé pour être cet héritier de moralité et de réconciliation d’un Président élu par 82% et qui a lamentablement échoué dans la concrétisation de sa volonté de rassemblement de la France.
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