Pour se prémunir de toute course inutile aux notables, François Bayrou avait décidé de ne pas avoir de comité de soutien, et s’il est très heureux, sans doute du soutien de Corinne Lepage, il ne doit certainement pas revendiquer celui, par exemple, du sulfureux affairiste Nicolas Miguet mise en examen pour trafic de parrainages (on n’est pas responsable des soutiens qu’on a).
Parmi les soutiens à Bayrou, des noms comme Patrick Sébastien, Jean-François Probst et sans doute Antoine Waechter vont se côtoyer et le fait que Azouz Begag, Ministre actuel, rejoigne l’équipe de François Bayrou alors qu’il était censé être la "caution de la banlieue" de l’UMP montre à l’évidence les positions outrancières de Nicolas Sarkozy sur le thème de l’immigration.
Mais parmi les ralliements, le plus étonnant est sans doute celui de Simone Veil pour Nicolas Sarkozy, présidente de son comité de soutien. On les dit grands amis depuis le gouvernement Balladur.
Caution morale indéniable, figure historique à la fois du féminisme, de la lutte contre l’Occupation et l’antisémitisme, et de la construction européenne, Simone Veil, 79 ans, qui sort neuf ans de sa pseudo-réserve du Conseil Constitutionnel, a des positions bien étranges.
Il faut dire que le soir même de son ralliement à Nicolas Sarkozy, ce dernier proposait un Ministère de l’Immigration et de l’Identité Nationale aux relents passablement vichystes, approuvé semble-t-il par les sondages (ceci explique cela) mais qui associe de façon inacceptable immigration et menace de l’identité nationale alors qu’en France, celle-ci s’est toujours enrichie des différents flux migratoires.
Une confusion sciemment voulue, à objectif précis, récupérer l’électorat de Le Pen qui lui, avec Philippe De Villiers, n’hésite pas à associer délinquance et immigration. Hélas, dans cette course à la surenchère, sans doute Sarkozy donne plus de poids à l’argumentation des extrémistes qu’à sa propre candidature. Mais tout est bon pour gagner.
On aurait pensé que la place de Simone Veil était auprès de François Bayrou qui réussit seulement maintenant à faire surgir un Centre autonome qu’elle avait tenté elle-même de hisser du courant rénovateur du printemps 1989, avec le succès mitigé que l’on connaît.
Mais c’est oublier la rancœur que cette grande dame éprouve pour celui qui n’était alors qu’un jeune centriste au début des années 1980.
L’animosité affective a des origines inconnues (et personnelles), mais est bien réelle si on lit Le Monde du 16 mars 2007.
Considérer que « voter Bayrou, c’est pire que tout », c’est une affligeante insulte à la démocratie et ce serait sous-entendre que Bayrou serait pire que Le Pen.
L’excessif est insignifiant.
Cette haine personnelle (car il n’y a pas d’autre mot) contre François Bayrou lui fait donc préférer le candidat qui attise consciemment ce qu’il y a de plus vil dans l’électorat, cette détestation de la différence, ce refus de l’autre.
C’est une honte pour celle qui fut l’ancienne déportée ayant survécu aux camps d’extermination.
Après les propos douteux de Raymond Barre, Simone Veil montre à nouveau le naufrage de la vieillesse.
C’est dommage, j’avais beaucoup de respect pour cette grande dame, mais l’est-elle toujours, grande ? J’en doute grandement depuis quelques jours.
L’article du Monde :
LEMONDE.FR | 16.03.07 | 14h36 • Mis à jour le 16.03.07 | 14h44
Atmosphère joviale, à l'Elysée, vendredi 16 mars, pour l'une des dernières fournées de décorations décernées par Jacques Chirac : quatorze récipiendaires, parmi lesquels Amélie Mauresmo émue et souriante, Jacqueline de Romilly, ou le grand rabbin Joseph Sitruk, qui a invité Simone Veil.
Cette dernière n'est pourtant pas d'humeur à sourire. Elle est assez contrariée par le "ministère de l'immigration et de l'identité nationale", proposé par le candidat qu'elle soutient, Nicolas Sarkozy. "Je crois qu'il ne le dit plus", avance-t-elle d'abord. "Immigration et intégration cela m'irait beaucoup mieux", ajoute l'ancienne ministre qui avait déjà jugé maladroit l'emploi des mots "racaille" et "Kärcher" par le ministre de l'intérieur, pour parler des banlieues.
"Bon, c'est comme ça", conclut-elle avec un brin de fatalisme, puis elle ajoute : "Il faut savoir choisir et Bayrou, c'est pire que tout". Il ne faut pas essayer de lui vendre un François Bayrou nouveau, qui arriverait sur la scène, tel le perdreau de l'année : "Je connais tout son passé et ses trahisons successives ", assène Mme Veil qui raconte comment, au lendemain même de la qualification de Jacques Chirac au premier tour, en 1995, le très balladurien Bayrou lui avait annoncé qu'il appelait sur le champ le vainqueur. "Tu pourrais attendre un peu", lui avait-elle rétorqué, jugeant indécent de se précipiter de la sorte "juste pour rester ministre de l'éducation nationale et continuer à ne rien faire."
Comme fidèle il ne vaut donc rien et comme ministre, il est pire, selon l'ancienne ministre UDF : "J'avais fait un dîner chez moi, avec des démocrates chrétiens, pour faire comprendre à Bayrou qu'il ne fallait pas toucher la loi Falloux. Nous lui avons tous dit qu'il allait rallumer la guerre scolaire. Il a répondu qu'il s'en fichait, qu'il voulait pouvoir mettre ses enfants dans le privé. Il a surtout mis un million de personnes dans la rue ", raconte-t-elle. L'ancienne "sage" du Conseil constitutionnel, évoque aussi le problème des filles musulmanes voilées à l'école, sur lequel elle a travaillé lorsque le ministre de l'éducation s'appelait Bayrou : "Là non plus il n'a rien voulu faire et il n'a rien réglé".
Quant à son projet présidentiel d'aujourd'hui, "ce n'est rien, sinon la cohabitation permanente", juge Mme Veil. Si elle évoque la grande coalition à l'allemande, c'est pour mieux souligner l'absence de projet du candidat de l'extrême-centre : "au moins, en Allemagne, on discute longtemps sur un projet politique, pas sur n'importe quoi". A quoi attribue-t-elle alors le succès de M. Bayou, porté par les sondages ? "Je crois que cela vient d'un rejet du politique". La vieille règle qui veut que l'on ne déchire jamais aussi bien qu'au sein de la même famille politique n'est en tous cas pas démentie. L'UDF n'a rien à envier à l'UMP qui n'a rien à envier au PS.
Béatrice Gurrey
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