Pourquoi nous voterons Bayrou
Les 55 % de Français qui ont voté non au projet de constitution européenne ne sauraient se satisfaire d'une situation où les trois candidats en mesure de l'emporter à la prochaine élection présidentielle se trouvent dans le camp du « oui ». Encore moins les gaullistes et les républicains que nous sommes.
Comment ne pas voir dans cette situation paradoxale un succès de la nouvelle oligarchie des médias et de la finance, alliée à des forces internationales décidées à faire disparaître l'« exception française » ?
Comment ne pas y voir surtout la prise en otage de l'élection présidentielle par les grands partis, à l'inverse de ce qu'avait voulu le fondateur de la Ve République ?
Mais la politique ne consiste pas, au moment d'une grande échéance nationale, à se retirer sur l'Aventin. Désireux de peser malgré tout sur la future élection, nous avons décidé de voter et d'appeler à voter pour François Bayrou.
Sa culture politique d'origine est certes très différente de la nôtre. Mais l'histoire n'est-elle pas une recomposition permanente des sensibilités en fonction des événements et des enjeux ?
Les convictions européennes de François Bayrou, ne sont pas davantage les nôtres. Nous ne pensons pas pour notre part qu'il puisse y avoir de vraie démocratie hors du cadre national. Et même si l'on approuve le principe de politiques européennes communes, nous pensons que celles qui sont effectivement conduites aujourd'hui à l'initiative de la Commission de Bruxelles et de la BCE : euro fort, libre échange généralisé, refus des politique industrielles, destruction du service public, centralisme normatif, sont désastreuses pour les peuples d'Europe.
Même s'il n'existe pas de différence de fond entre les trois « grands candidats » quant au projet européen, nous pensons cependant que François Bayrou a, mieux que les autres, perçu l'ampleur de l'exaspération populaire qui s'exprime aujourd'hui et la profondeur de la crise de confiance qui sépare le peuple de France de ses élites politiques.
Son engagement de ne prendre aucune initiative européenne sans la soumettre à référendum montre qu'il a compris qu'il ne saurait être d'Europe qui vaille sans adhésion populaire légitimée par le suffrage universel.
De même, François Bayrou s'est déclaré opposé à l'abandon du siège de la France au Conseil de sécurité au profit de l'Union européenne : c'est une position que nous approuvons ; sans le droit de veto de la France à l'ONU, la France n'aurait pu peser comme elle l'a fait face à la guerre d'Irak.
Son projet d'introduire une dose de proportionnelle aux élections législatives et de rétablir l'indépendance des grands médias est par ailleurs conforme à l'esprit de nos institutions.
La présence de François Bayrou au second tour, après le référendum de 2005, apparaîtrait, dans la crise que traverse notre pays, comme un salutaire électrochoc.
L'intéressé, sur la lancée de la campagne qu'il a mené jusqu'ici, doit cependant aller clairement à la rencontre des millions de Français qui ont rejeté en 2005 une certaine Europe : celle de la technocratie, de l'ultralibéralisme et de la désindustrialisation.
Ne s'appuyant pas sur une formation politique de premier plan, prenant à parti le système et proclamant son intention de rassembler les Français par-delà la droite et la gauche, François Bayrou s'inscrit dans la logique de l'élection du président de la République au suffrage universel.
Tous ceux qui ne veulent pas enfermer le débat politique français dans la fausse bipolarité UMP/PS, ni ne souhaitent un nouveau et stérile 21 avril, auront à cœur de favoriser son succès.
Signataires :
Elizabeth Altschull, enseignante, essayiste ; Guy Bois, historien ; François Gaudu, professeur de droit ; Patrick Guiol, politiste ; Roland Hureaux, haut fonctionnaire, essayiste ; Claude Rochet, professeur de gestion.
Mercredi 11 Avril 2007