Des avances inconvenantes

D’abord pour des raisons de forme. Comment peut-on aujourd’hui proposer un débat, des ministres, demain Matignon peut-être, à quelqu’un dont on disait hier qu’ “il n’était pas le troisième homme”, qu’il était un “homme de droite” (citations de François Hollande), qu’il n’avait “pas de programme” (Ségolène Royal). L’affolement de la direction socialiste est-il si grand (et la peur de perdre) qu’elle envisage officiellement de s’allier avec qui était jusqu’à présent récusé ?
Ensuite pour des raisons de fond. L’ “ouverture” de Ségolène Royal constitue une double erreur de diagnostic.
Sur François Bayrou en premier lieu. Son objectif n’est pas de devenir ministre de qui que ce soit, mais de construire une force nouvelle et centrale capable de rénover la vie politique française. Il a déjà permis au centre, longtemps supplétif de la droite, de devenir autonome. Ce n’est pas pour être demain, à l’issue d’une discussion bâclée entre les deux tours de l’élection et contrainte par le pacte présidentiel, sans queue ni tête de Ségolène, le supplétif de la gauche.
Sur le parti socialiste en second lieu. Celui-ci n’a plus beaucoup de réserves à gauche. Le Parti Communiste a disparu. Les voix de l’extrême gauche sont divisées, marginales, incohérentes, purement protestataires : les récupérer durablement nécessitera un grand effort pour un maigre résultat. Cet éclatement de la gauche en chapelles inconciliables est à la fois cause et conséquence de l’impéritie intellectuelle du PS. Ce dernier n’a plus de ligne directrice dominante. Qu’y a-t-il de commun entre Laurent Fabius et Dominique Strauss-Kahn ? Divisé entre social-démocratie et gauche protestataire, entre économie de marché et étatisme, entre pro-européens et anti-mondialistes, le Parti Socialiste n’est plus en état de gouverner durablement le pays.
Il lui faudrait d’abord surmonter sa crise et se réformer. A terme, l’alliance de sa composante sociale-démocrate et du centre est la seule chance pour la gauche de gouvernement de revenir au pouvoir. Mais cela nécessite du soin, du temps, un long mûrissement et ne se fait pas à l’arraché, dans l’humiliation du partenaire hier vilipendé. D’autant qu’à mon sens ce sont le centre et François Bayrou qui seront en fait le vrai moteur, les vrais pivots du changement, pas le PS lui même qui risque, au lendemain de l’élection présidentielle, de se déchirer encore plus.
Voilà pourquoi, entre autres raisons, François Bayrou n’a pas répondu (et ne répondra pas) à des avances inconvenantes.
Jean Peyrelevade
25/04/2007 - 12h27
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