PARIS (Reuters) - Le scénario du second tour de l'élection présidentielle pourrait paraître écrit d'avance - une arithmétique défavorable à Ségolène Royal, un Nicolas Sarkozy en position de force - mais le balancier des électorats de François Bayrou et de Jean-Marie Le Pen, décisifs pour la victoire, devrait obéir à une logique plus complexe.
Après une mobilisation exceptionnelle à plus de 85% au premier tour, le 22 avril, les quelque 44,5 millions d'électeurs sont appelés aux urnes dimanche pour arbitrer entre "la France du mérite et de l'effort" du candidat de l'UMP et "la France créative, imaginative" de son adversaire socialiste, la première femme à avoir une chance d'accéder à l'Elysée.
Si l'on écoute les détracteurs des deux camps, le choix se jouerait entre l'autoritarisme supposé du candidat de droite, une droite qui ose dire son nom, et le flou artistique de sa rivale, cible de procès en incompétence, qui a osé brouiller les repères traditionnels de la gauche.
Face à cette "droitisation" assumée de l'offre politique, les orphelins du premier tour peuvent incliner, désappointés, à l'éclipse, ou rallier leur famille d'origine dans un nouveau réflexe de "vote utile". Car l'évidence est là : le bipartisme garde la part belle en France malgré les signaux de défiance adressés au premier tour.
Selon une étude TNS-Sofres, 46% des électeurs affirmaient à une semaine du premier tour qu'ils voteraient par rejet de l'autre candidat, contre 51% par adhésion.
C'est parmi les électeurs de François Bayrou qu'on trouve le taux de refus le plus fort : 65 %.
Plus de 6,8 millions ont voté François Bayrou au premier tour pour dire "non" au système, plus de 3,8 millions ont plébiscité Jean-Marie Le Pen.
Ces deux nébuleuses, volatile au centre et rétive à l'extrême droite, seront la clé du scrutin de dimanche.
L'équation fut au coeur de la campagne de l'entre-deux tours de Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal, qui ont chacun lancé des invites à l'électorat bayrouiste, entre promesse d'une majorité présidentielle multipolaire et assurance d'une ouverture historique du Parti socialiste au centre, au risque de s'aliéner la gauche de la gauche.
BAYROU NE VOTERA PAS SARKOZY
Sur le papier, le président de l'UMP, qui a recueilli 31,18% des voix au premier tour, dispose d'un potentiel électoral de 33,4% avec le ralliement annoncé du souverainiste Philippe de Villiers. Les sondages le donnent systématiquement vainqueur, avec 51% à 53% des intentions de vote.
Après les désistements des candidats d'extrême gauche et écologiste, Ségolène Royal peut compter sur 36,1% - un score d'une faiblesse sans précédent pour la gauche.
Le report des voix "bayrouistes" et "lepénistes" sera donc déterminant, avec tous les meccanos arithmétiques possibles, même s'il apparaît au travers de sondages parfois contrastés que les électeurs centristes choisiront majoritairement Ségolène Royal et les électeurs du Front national, Nicolas Sarkozy.
Reste à évaluer la proportion d'abstention et de vote blanc qui pourrait se faire jour de manière significative dans les deux électorats, où l'indécision demeure.
Selon un sondage BVA diffusé mercredi, près de la moitié des électeurs ayant voté pour François Bayrou au premier tour choisiraient la candidate socialiste (49%, +9) contre 35% (+1) qui lui préfèreraient le candidat de l'UMP.
Jean-Marie Le Pen a prôné l'abstention - près de la moitié de son électorat pourrait suivre sa consigne, selon sa fille Marine - et François Bayrou a rendu à ses électeurs leur liberté, sans négliger toutefois d'éclairer leur parcours d'équilibriste.
"Je ne voterai pas pour Sarkozy", a-t-il déclaré mercredi soir à l'issue du débat télévisé entre les deux finalistes, selon Le Monde.
En contrepoint, la conversion sarkozyste de la majorité des députés centristes pourrait inciter les "bayrouistes" au vote utile dans la perspective des législatives des 10 et 17 juin.
Paradoxalement, Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal se sont plus tournés mercredi soir vers leur propre camp que vers les "faiseurs de roi" de l'UDF et du FN.
Leur redoutable liberté, conciliante ou défiante, décidera dans l'isoloir de la destinée de ces deux hérauts d'une nouvelle génération politique.
Jeudi 3 mai 2007, 20h20
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