Turquie : le Parlement adopte le suffrage direct pour la présidentielle
ANKARA (AFP) - Le parlement turc a adopté jeudi une réforme controversée de la constitution prévoyant l'élection du président au suffrage universel, un projet très cher au parti au pouvoir qui avait échoué à faire élire son candidat à la présidence par le Parlement.
La réforme, adoptée par 369 voix et 22 contre, doit encore être entérinée lors d'un vote final sur l'ensemble des amendements dont elle fait partie.
Le projet doit recevoir le soutien de 367 députés, soit la majorité des deux-tiers requise pour l'adoption d'une modification constitutionnelle sans référendum.
Il prévoit l'élection du président au suffrage universel à deux tours pour un mandat de cinq ans renouvelable une fois, au lieu d'un septennat unique actuellement.
Le projet du Parti de la justice et du développement (AKP, issu de la mouvance islamiste), soutenu par un petit parti de centre droit, --l'AKP ne totalisant que 351 voix sur 550--, prévoit en outre la tenue d'élections législatives tous les quatre ans au lieu de cinq.
Le paquet d'amendements avait été adopté en première lecture mardi.
Il avait auparavant été rejeté par le chef de l'Etat actuel, Ahmet Necdet Sezer, après une première adoption le 10 mai dernier.
M. Sezer a justifié sa décision en arguant que "le changement de régime visé n'est pas nécessaire et n'a ni de justification ni de raison acceptable".
L'AKP du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan avait fait rapidement adopter les amendements après son échec à faire élire par la voie parlementaire son candidat à la présidence, le ministre des Affaires étrangères Abdullah Gül, figure influente de la mouvance islamiste.
A l'instar des femmes des cadres de l'AKP, l'épouse de M. Gül porte le foulard, considéré par les laïcs comme un signe ostensible de l'appartenance à l'islam politique.
M. Gül, seul candidat en lice, s'était retiré de la course électorale au Parlement, car il ne parvenait pas à obtenir le quorum de 367 députés nécessaire pour lancer un vote.
L'armée, qui a fait tomber quatre gouvernements en cinquante ans, était en outre intervenue par le biais d'un communiqué, accusant le gouvernement de ne pas faire assez pour défendre la laïcité et avertissant qu'elle était prête à le faire elle-même le cas échéant.
Le gouvernement a rappelé les généraux à l'ordre.
Mais la crise politique a contraint l'AKP à avancer les élections législatives, initialement prévues en novembre, au 22 juillet.
Des millions de Turcs ont manifesté à travers le pays pour affirmer leur attachement à la laïcité.
Le mandat de M. Sezer s'est achevé le 16 mai mais il restera en poste jusqu'à l'élection de son successeur.
Le principal parti d'opposition au parlement, le parti républicain du peuple (CHP) et une grande partie de la société civile sont opposés aux réformes, estimant qu'elles avaient été proposées sans débat préalable et qu'elles apportent un changement de régime en Turquie.
Une dispute a éclaté jeudi entre l'AKP et le CHP au début du vote sur la majorité nécessaire pour faire adopter la réforme lorsque le premier article du paquet a été adopté par 366 députés, les deux parties interprétant différemment une clause de la loi fondamentale.
Le CHP a avancé que la majorité des deux-tiers des députés était indispensable pour faire passer le projet car il a été rejeté par le président.
L'AKP en revanche a fait valoir que 330 voix suffisent.
Le président de l'Assemblée, Bülent Arinc, un membre de l'AKP, a décidé d'aller de l'avant avec le vote mais un cadre du CHP, Ali Topuz, a immédiatement déclaré qu'ils pourraient saisir la cour constitutionnelle.
Par Burak Akinci, le jeudi 31 mai 2007, 14h32