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21 août 2007 2 21 /08 /août /2007 09:42
Henri Amouroux, journaliste, écrivain, historien, professeur de journalisme, s’est éteint dans sa résidence secondaire en Normandie au début du mois d’août.


L’été aura connu la disparition de nombreuses personnalités de talent. Notamment il y a quinze jours.

En effet, le journaliste Henri Amouroux, président de l’Académie des sciences morales et politiques, est mort le 5 août 2007 à 87 ans.

Henri Amouroux, j’avais appris à le connaître au début des années 1980.

Sur France Inter. À cette époque, tous les vendredis soirs, de 19h20 à 20h00, des éditorialistes débattaient de l’actualité. Il y avait Pierre Charpy (de la Lettre de la Nation, qui représentait le RPR), Jean d’Ormesson (du Figaro), Claure Estier (qui représentait le PS), Roland Leroy (de l’Humanité)… et Henri Amouroux, qui représentait en quelque sorte l’UDF ou plutôt, la tendance giscardienne de l’opposition de l’époque.

Un concept très novateur à l’époque, qui me passionnait car l’éclairage avec recul est un exercice bien séduisant, et qui a été repris par la suite de nombreuses fois par des radios concurrentes (à ce jour, l’émission quotidienne ‘On refait le monde’ sur RTL de 19h10 à 20h00 me semble la plus pertinente et a même ‘créé’ médiatiquement un ministre, Azouz Begag !).

Donc, à cette ancienne époque, j’appréciais la voix très particulière de Henri Amouroux, à la fois légère et grave, à peine audible, qui proposait quelques analyses fort convaincantes. Une voix devenue forcément familière au fil des années.

Pourtant, Henri Amouroux était loin d’être un animateur radio. Il a d’abord été un journaliste de l’écrit, celui du journal ‘Sud Ouest’ dont il est devenu le directeur général. Il dirigea ensuite ‘France Soir’. L’année prochaine, il aurait fêté ses 70 ans de métier !

Cela dit, il a proposé de nombreuses émissions de radio et de télévision sur des thèmes historiques et il a pondu une excellente biographie sur Raymond Barre (que je vous recommande de lire), en 1986, peu de temps avant la candidature à l’élection présidentielle de ce dernier.

Mais il était surtout connu pour avoir publié les dix volumineux tomes de la ‘Grande histoire des Français sous l’Occupation’ (plus de deux millions d’exemplaires vendus) qui lui valurent quelques procès en sorcellerie, certains considérant qu’il faisait la part trop belle à la Collaboration (qu’il excusait d’une certaine manière le fait de collaborer).

‘Procès’ qui évolua rapidement sur son propre passé pendant l’Occupation, Henri Amouroux ayant travaillé comme rédacteur dans un journal clairement collaborationniste (‘La Petite Gironde’) qui fut interdit à la Libération.

Ce soupçon prit plus facilement corps lorsque Henri Amouroux témoigna lors du procès de Maurice Papon à la demande des avocats de ce dernier. Amouroux y expliqua que les Français avaient pu ignorer la réalité de la Shoah, rappelant que « l’histoire ne s’écrit pas en noir et blanc. ».

Sa croix de guerre 1939-1945, sa très faible participation à la rédaction de ‘La Petit Gironde’, et surtout, sa participation au mouvement de résistance girondine Jade-Amicol pouvaient le disculper de tout malentendu sur son passé.

Parmi ses contradicteurs, l’historien et universitaire Robert Paxton, spécialiste aussi du régime de Vichy, premier à avoir réfuté en 1966 la thèse du double jeu de Pétain (proposée par Robert Aron et Georgette Elgey), qui insistait sur le fait que la France avait devancé les Allemands sur la répression contre les Juifs et que la Collaboration a été approuvée par l’ensemble du peuple français (ce que réfute Serge Klarsfeld, l’historien bien connu de la déportation des Juifs de France, qui estime que beaucoup de Français, dans leur modeste position, ont aussi aidé les Juifs).

Laurent Joffrin, dans Libération du 7 août 2007, qui a écrit sans doute le meilleur éloge au journaliste, tout en nuances, a évoqué justement que, bien que conservateur et prêt à être indulgent vis-à-vis du fait de collaborer, Henri Amouroux avait corrigé ses travaux avec plus de noirceur sur la réalité de Vichy, notamment grâce à l’apport d’autres historiens, ce qui lui valut à sa mort, malgré leurs différends, un hommage particulier de Serge Klarsfeld.

Finissant son article (et concluant le mien), Laurent Joffrin ponctua ainsi : "L’honnêteté de l’enquêteur, en somme, l’avait emporté sur les convictions politiques.".

Sans doute le rêve ultime dans le monde parfait du journalisme.



Article publié sur Agoravox.

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commentaires

N
Bel hommage ! Je voue un peu la même admiration pour Amouroux qui avait une vision de l'histoire toute en nuance malgré certains de ses détracteurs.<br /> <br /> J'ai aussi rédigé quelques lignes à sa mort :<br /> <br /> http://www.nicolier.fr/files/de4b33418828b660d9ebbc134f6453b8-101.php<br /> <br /> On se rappellera l'une de ses phrases, que j'avoue beaucoup apprécier : "L'histoire ne s'écrit pas en noir et blanc".<br /> <br /> <br />
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