Le jour même des funérailles de Raymond Barre au Val de Grâce, ce 29 août 2007, l’un de ses prédécesseurs à Matignon Pierre Messmer disparaissait dans le même hôpital à 91 ans et demi.
Que se passe-t-il cet été ? Serait-ce toute une génération politique qui est en train de quitter ce bas monde ? L’enterrement définitif des années 1960 et 1970 ? Ou seulement des coïncidences malheureuses ?
Pierre Messmer, il était d’abord un militaire, qui, au service de la France, et du Général De Gaulle, était devenu un homme politique influent.
Il fut l’un des principaux hommes politiques à la mort du Président Georges Pompidou, en avril 1974. Alors Premier Ministre depuis deux ans, pour éviter une rivalité entre Jacques Chaban-Delmas, Edgar Faure et Valéry Giscard d’Estaing qui aurait pu tourner à l’avantage de François Mitterrand, il se proposa pour faire l’unité de la majorité de l’époque.
L’initiative, maladroite et téléguidée par Jacques Chirac, avait échoué, mais avait néanmoins réussi dans son objectif inavoué : discréditer la candidature de Jacques Chaban-Delmas.
Pierre Messmer était très diplômé : l’École Nationale d’Outre-Mer, les Langues Orientales et un doctorat en droit à 23 ans.
Ancien de Saint-Cyr, d’abord sous-officier chez les tirailleurs sénégalais, il s’engagea alors dès juin 1940 aux Forces Françaises Libres à Londres, devenant officier de la Légion étrangère, participa très activement à la bataille de Bir-Hakeim, et affecté en 1944 auprès du maréchal Koenig, s’impliqua dans le débarquement en Normandie et dans la Campagne de France.
Il fut parachuté en Indochine en août 1945, s’évada une fois prisonnier du Viet Minh, et entama une brillante carrière d’administrateur de la France d’Outre-Mer qui l’amena à occuper des postes importants de gouverneur (Mauritanie, Côte d’Ivoire) et de haut commissaire de la République (Cameroun, Afrique équatoriale française, Afrique occidentale française).
Ancien directeur de cabinet du ministre socialiste Gaston Defferre, il poursuivit par une carrière ministérielle exceptionnelle, au service du gaullisme, comme Ministre des Armées pendant près d’une décennie et fut l’un des membres de gouvernement ayant eu le plus de longévité de la République (près de treize ans).
Homme plutôt réservé et peu communicant dans ses fonctions politiques (sa nomination à Matignon contrasta face à son prédécesseur Chaban-Delmas), Pierre Messmer se montra volontiers affable et plaisant dans sa longue retraite.
Après l’échec de sa candidature à l’élection présidentielle (mais il n’était pas très motivé pour cette ambition), Messmer se consacra surtout à ses mandats locaux, député (jusqu’en 1988, allant jusqu’à présider le groupe RPR à l’Assemblée Nationale pendant la première cohabitation), maire de Sarrebourg (jusqu’en 1989) et son mandat au conseil régional de Lorraine (qu’il présida en 1978) jusqu’en 1992, également conseiller général (en 1982) et député européen.
Gratifié de nombreuses distinctions et fonctions honorifiques, Pierre Messmer représenta le dernier carré du gaullisme, fidèle à la certaine idée de la France développée par De Gaulle (il réalisa l’indépendance militaire de la France en initiant la force de dissuasion nucléaire française), traduite dans les faits par une probité presque technocratique et caractérisée malgré la bonhomie du personnage par une absence patente de charisme.
Président de l’Institut Charles De Gaulle, membre de l’Académie Française (succédant au siège de Maurice Schumann) qui n’aura jamais été aussi peu complète, chancelier de l’Institut de France, secrétaire perpétuelle de l’Académie des Sciences morales et politiques, chancelier de l’Ordre de la Libération, président des amis de Michel Debré… sans compter de nombreuses décorations militaires et civiles.
Par ailleurs, témoin dans le procès de Maurice Papon, il s’évertua à demander la fin de la haine entre les Français, prônant l’orthodoxie gaulliste qui énonce que Vichy n’a jamais été la France, réfutant en cela la déclaration de Jacques Chirac de juillet 1995 reconnaissant la responsabilité de l’État français dans la Collaboration
Jeune résistant dynamique et enthousiaste, grand commis de l’État pour la France de l’Outre-Mer, homme politique plutôt terne et sans charisme, retraité chaleureux, humble, très agréable à écouter lorsqu’il racontait sa vie, des anecdotes, ou même une partie de la grande historie, Pierre Messmer était un personnage d’une grande finesse d’esprit.
C’est, avec Pierre Messmer, une nouvelle grande figure de la France qui vient de s’effacer dans les journaux et qui vient s’afficher dans les livres d’histoire.
http://www.ordredelaliberation.fr/fr_compagnon/674.html
http://www.asmp.fr/fiches_academiciens/MESSMER.HTM
http://fr.news.yahoo.com/rtrs/20070829/tts-france-messmer-deces-ca02f96_3.html
http://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Messmer
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3382,36-949062,0.html?xtor=RSS-3208
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3382,36-949066@51-949054,0.html
http://www.humanite.fr/1997-10-17_Articles_-Dure-journee-pour-l-ancien-prefet-Maurice-Papon
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