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3 octobre 2007 3 03 /10 /octobre /2007 11:10
Le gouvernement semble tenir aux tests ADN. Pourtant, de tous bords, les contestations pleuvent. Ce soir, le Sénat votera.


Un récent article sur Agoravox évoquait très clairement les différents enjeux que soulevait l’amendement à la nouvelle loi sur l’immigration (la cinquième depuis 2002 !) adopté le 20 septembre 2007 par l’Assemblée Nationale sur la possibilité de faire des tests ADN pour le accélérer la procédure de regroupement familial.

Alors que, dans la grande sagesse à laquelle nous habituent les sénateurs, la Commission des Lois du Sénat avait initialement rejeté l’amendement contesté le 26 septembre 2007, hier, le 2 octobre 2007, le président de cette commission, le sénateur de Seine-et-Marne Jean-Jacques Hyest (UMP ex-UDF), et le Ministre de l’Immigration Brice Hortefeux s’étaient mis d’accord pour un ‘amendement amendé’.

Des sénateurs UMP opposés à l’amendement initial, comme Charles Pasqua ou Jean-Pierre Raffarin, ont ainsi évolué en acceptant les nouvelles dispositions, et même le sénateur centriste Pierre Fauchon s’est félicité des modifications apportées.

Malgré cela, la Commission des Lois du Sénat n’a pu se départager entre 18 pour et 18 contre, montrant non seulement confusion dans les esprits mais inquiétude dans l’évolution des positions de certains sénateurs de la majorité.


Quelles sont les principales modifications apportées ?

1. Le test ADN devrait être autorisé par un juge, comme le demandait l’article 16-11 du Code civil.

2. Le test ADN serait limité à la recherche de la mère et pas du père, ce qui éviterait certaines difficultés familiales en cas d’enfants nés d’un père différent du mari.

3. Le test ADN serait gratuit, quelle que soit l’issue de la procédure (initialement, seulement en cas de reconnaissance de la paternité).

4. Ces dispositions seraient à durée limitée, à but d’expérimentation pour dix-huit mois.

Certes, ces quatre modifications sont des améliorations par rapport au texte voté par les députés et Brice Hortefeux considère d’ailleurs ce nouveau dispositif comme une avancée qui ferait un droit nouveau aux demandeurs de visas de bonne foi.

Renforçant son argumentation, le ministre a rappelé aussi que ces tests ADN se feraient sur la base du volontariat, mais si le demandeur refusait un test ADN qu’on lui proposerait, qu’en penserait donc l’administration ?

Et également, que ces tests ADN sont déjà autorisés dans onze pays de l’Union européenne.

Or, s’il est troublant de voir les défenseurs de l’identité nationale se référer aux dispositions de pays étrangers pour établir nos propres règles nationales, il faut noter d’une part qu’aucune loi n’existe généralement pour les autoriser ou les interdire (les tests ADN sont faits de manière ponctuelle) et que beaucoup de pays nordiques ont gardé encore une législation favorisant l’eugénisme qui ne correspond pas à notre tradition républicaine.



Cependant, je suis très inquiet de l’évolution des opposants à ces tests ADN, car il n’y a en fait aucune amélioration majeure sur un principe essentiel du droit de la famille.

En effet, Charles Pasqua le disait pourtant le 2 octobre 2007 : « Notre droit de la famille, et en particulier celui de la filiation, ne repose pas sur la biologie. (…) Sans même parler de l'adoption, il est possible en France d'élever un enfant qui n'est pas le sien. », ajoutant comme ancien résistant : « Le choix des tests ADN n'est pas acceptable. (...) Cela rappelle de mauvais souvenirs, à nous gaullistes. On sait l'usage qu'ont fait les nazis de la génétique ».

Jamais, en effet, une filiation administrative en France n’a été établie par une preuve génétique. Et heureusement.

Or, la procédure proposée ouvre une véritable brèche à cet égard, mais uniquement pour les enfants d’étrangers, ce qui constitue également une incartade au principe d’égalité devant la loi, à moins de reprendre une formule du Général Charles De Gaulle (citée par son fils dans son recueil d’entretiens avec Michel Tauriac, tome 1 page 621) : « ‘L’égalité devant la loi est garantie à tous les citoyens.’ Aux citoyens. On ne parle pas des autres. Donc il y a primauté du citoyen quelle que soit la provenance. ».

Par ailleurs, ce serait le principe même du regroupement familial qui serait remis en cause dans le cas d’une famille qui aurait des enfants biologiques et des enfants adoptés, ces derniers se verraient alors séparés car dépendant d’une procédure plus longue.

L’opposition un peu médiatisée de François Bayrou ou de Dominique de Villepin ne doit pas non plus cacher le fait que la plupart des chercheurs contestent cette disposition qui irait, selon eux, contre la recherche scientifique car elle introduirait le doute sur l’éthique des scientifiques.



Il est malgré tout probable que cet amendement ainsi remanié soit adopté ce mercredi 3 octobre 2007 en séance plénière.

Mais l’amendement ne serait pas pour autant assuré d’en rester là puisque le Conseil constitutionnel pourrait avoir son mot à dire (et ne s’en priverait sans doute pas) mais le président du groupe UMP à l’Assemblée Nationale, Jean-François Copé, souhaiterait, lui, revenir au texte initial voté par les députés.

Il n’en reste pas moins que Charles Pasqua, qui est rentré dans le rang, a raison de dire que la « banalisation [des tests ADN] heurte les principes fondamentaux de notre droit et remet en cause des équilibres construits patiemment » et que selon lui, « on ne peut décider de telles choses dans le cadre d'une procédure d'urgence avec lecture unique devant chaque assemblée parlementaire. ».



Sylvain Rakotoarison, 3 octobre 2007




Article paru sur Agoravox.



Article également repris sur Yahoo Actualités.




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