(dépêches)
Les mémoires de Jacques Chirac
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Compte rendu
Dans ses Mémoires, Jacques Chirac se livre, entre vérités et ellipses
LE MONDE | 05.11.09 | 14h02 • Mis à jour le 05.11.09 | 14h02
es Mémoires ne sont jamais qu'à demi sincères, si grand que soit le souci de vérité : tout est toujours plus compliqué qu'on ne le dit", assurait André Gide en connaisseur. Jacques Chirac n'échappe pas à la règle, qui publie, jeudi 5 novembre, Chaque pas doit être un but, Mémoires (éd. NIL, 512 p., 21 €), écrit en collaboration avec l'historien Jean-Luc Barré, dans un style proche de la conversation. Malgré quelques ellipses, l'ancien président dresse un tableau alerte de son parcours jusqu'en 1995 et explique ses choix en matière d'économie, de politique agricole ou d'Europe. Bien des figures le jalonnent, dont l'une fait l'objet d'un impressionnant règlement de comptes : Valéry Giscard d'Estaing.
LES MENTORS
Georges Pompidou figure au panthéon des protecteurs : "Je ne serais pas tout à fait celui que je suis devenu si la vie ne m'avait réservé la grâce d'une rencontre qui m'a enrichi et révélé à moi-même. Plus encore qu'un père spirituel, Georges Pompidou a représenté pour moi un modèle. Une référence supérieure qui n'a cessé de m'inspirer."
Jacques Chirac lui doit sa carrière, mais bien peu d'hommes politiques exprimeraient ainsi leur reconnaissance et leur loyauté. Accablé de chagrin à la mort du président, il explique son déni de la gravité de la maladie de Pompidou par... un refus de voir disparaître cette figure tutélaire. Mais il passe sous silence l'irritation présidentielle lorsqu'il achète le château de Bity, le fait classer et le rénove.
Pierre Juillet, dans l'ombre de Pompidou, "grand solitaire, intuitif, secret et ombrageux, a tout de l'éminence grise". Inspiré d'une idée "quasi mystique" de la France, il prend en main le destin du jeune énarque : "J'ai été formé par ses conseils et son exemple (...), je deviens pour lui une sorte de disciple." C'est encore Juillet - et non Pompidou - qui le propulse, en 1967, dans la campagne des élections législatives en Corrèze.
Henri Queuille, inamovible ministre radical de la IVe République et adversaire déclaré du général, y représente une figure incontournable. Chirac s'assure de sa sympathie et le beau-père de son ami Jérôme Monod s'écriera : "Voilà un jeune homme qui mériterait d'être radical ! C'est un caméléon."
Marcel Dassault, relation d'affaires d'Abel François Chirac, le père, ouvre son portefeuille pour le fils, Jacques, autant que de besoin. Lors de la première campagne du candidat, "il met à ma disposition L'Essor du Limousin, qu'il vient de racheter et envoie sur place un de ses meilleurs journalistes, Philippe Alexandre, comme "conseiller technique"". Une scène dit tout de l'époque. Alors que Chirac se trouve dans le bureau de l'avionneur, un politique de renom se fait annoncer : "Et Dassault de répondre, sans se déranger : "L'enveloppe est dans le deuxième tiroir !""
Marie-France Garaud, double de Juillet au cabinet de Pompidou, disparaîtra comme lui du paysage, après le désastreux appel de Cochin, sur l'Europe, en décembre 1978. "Volontiers cassante, impérieuse et dominatrice, a fait des coulisses du pouvoir son domaine de prédilection", écrit Chirac. "Qui cesse de se reconnaître son disciple ou son allié a vite fait de devenir l'objet de tous ses griefs, comme j'en ferai moi-même l'expérience à mes dépens."
À DROITE, GISCARD
Jamais là ! Le ministre des finances chasse le tigre en Malaisie, ou le gros gibier en Afrique. Son secrétaire d'Etat au budget a "très vite compris que dans son échelle des valeurs, il y avait lui-même, tout en haut, puis plus rien, et enfin moi, très en dessous".
Valéry Giscard d'Estaing, élu président en partie grâce à Chirac en 1974, le nomme premier ministre. "Mais la vérité (...) était que, ne m'ayant jamais apprécié, il ne m'apprécierait pas davantage à l'avenir." "C'est à peine si je suis consulté sur le choix des ministres et des secrétaires d'Etat", constate Chirac, qui passe son temps à mettre sa démission dans la balance. Face au premier choc pétrolier, il préconise la relance, Giscard choisit la rigueur. Par trois fois, le premier ministre écrit au président - les lettres sont reproduites pour la première fois - avant de démissionner avec fracas, en août 1976.
"Les provocations délibérées du chef de l'Etat, le peu de considération qu'il nous témoigne, l'arrogance avec laquelle il traite ceux qui ne se soumettent pas à ses oukases" excèdent Chirac. Giscard aurait prétendu avoir "jeté la rancune à la rivière" ? Ce jour-là, "la rivière devait être à sec".
À GAUCHE, MITTERRAND
Chirac, élu brillamment maire de Paris en 1977, raconte un dîner alors secret, en 1980, avec François Mitterrand au domicile d'Edith Cresson. "C'est parce qu'il n'y eut rien de mémorable" (!), dit-il, qu'il n'en souffla mot pendant longtemps. Chirac assure n'avoir jamais dit : "Il faut nous débarrasser de Giscard !", comme l'a assuré ce dernier. "François Mitterrand m'indiqua toutes les raisons que j'avais, selon lui, de le faire battre (...). Je me suis borné de faire état de mes propres critiques, connues de tous au demeurant." La différence, sur le fond, est assez ténue.
Devenu premier ministre du président socialiste, de 1986 à 1988, Chirac raconte avec beaucoup de détails la première cohabitation, en l'enjolivant parfois. "Et si, pour le reste, nos convictions semblent à l'opposé l'une de l'autre, probablement l'un est-il moins à gauche qu'il ne le fait croire et l'autre moins à droite qu'il ne le laisse paraître." Avant l'élection de 1995, Mitterrand lui glisse : "C'est votre tour, vous serez élu."
REGRETS ÉTERNELS
Jacques Chirac avoua un jour avoir "lu dix fois" un livre de Jacques Pimpaneau, Biographie des regrets éternels.
La mort de Malik Oussekine ? "Aucune réforme ne vaut la mort d'un homme (...). C'est l'accident de trop, celui que rien ne saurait justifier à mes yeux" et qui entraîne le retrait immédiat de la réforme de l'université en 1986.
L'Etat-RPR ? "Je dois bien reconnaître aujourd'hui (...) que je m'étais moi-même enfermé, sans toujours m'en rendre compte, dans un fonctionnement politique trop partisan."
"Le bruit et les odeurs" ? "Formule malencontreuse, inutilement provocante, qui ne reflète en rien le fond de ma pensée et ne peut être que mal interprétée."
La photo avec Le Pen ? "Comme je marchais la tête un peu baissée, je n'ai d'abord pas reconnu celui dont j'étais en train de serrer la main." Et la rencontre secrète entre les deux tours de la présidentielle de 1988 ? Une idée d'Edouard Balladur : "Il faut que tu le rencontres" et de Charles Pasqua. "Le temps de confirmer à Le Pen que je n'entends faire aucune concession aux idées du Front national ni sceller la moindre alliance avec lui."
LES RIVAUX
Jacques Chaban-Delmas. "Je ne crois pas que Chaban (...) ait la moindre chance de l'emporter face à Valéry Giscard d'Estaing", en 1974. "J'ai le sentiment, pour ne pas dire la certitude, que Georges Pompidou n'eut pas soutenu sa candidature." et, à lire absolument, dans ces Mémoires, la partie sur la "blitzkrieg" contre les barons du gaullisme.
Edouard Balladur. "J'avais confiance en Edouard Balladur." Ainsi commence le dernier chapitre, "La victoire". Chirac tarde à voir "l'ambition rivale". "Mais, objecte-t-il, un accord politique, ayant aussi valeur de contrat moral, était scellé entre nous pour les deux années à venir."
A lire aussi, le récit cocasse de la mise en scène de La Rochelle, pour faire croire à l'entente cordiale, attablés à une terrasse "sans parvenir à se parler, ni même à se regarder".
Nicolas Sarkozy. "Le premier à s'éloigner", en 1993. "Cette première défection ne me laisse pas indifférent. Nicolas Sarkozy est à mes yeux bien plus qu'un simple collaborateur."
VIE PRIVÉE
Des confidences inédites sur ses parents, sur l'enfance, un hommage appuyé à Bernadette Chirac et surtout le récit très poignant de la tentative de suicide de sa fille Laurence, étudiante en médecine, le 18 avril 1987, qui la laisse handicapée.
De Claude, "vive, belle, sensible, intuitive", Jacques Chirac dit combien son apport fut précieux. Mais, sans doute par égard pour celle-ci, pas un mot de la disparition de son premier mari, Philippe Habert, un politologue qui croyait en lui.
Béatrice Gurrey
Article paru dans l'édition du 06.11.09
http://www.lexpress.fr/culture/livre/comment-canal-plus-a-eu-l-exclusivite-des-memoires-de-chirac_826174.html?XTOR=EPR-181
Comment Canal Plus a eu l'exclusivité des Mémoires de Chirac
Par Pierre Pérot, publié le 04/11/2009 12:26 - mis à jour le 04/11/2009 16:44
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Bruce Toussaint, le présentateur de L'Edition Spéciale de Canal Plus s'est procuré "par hasard" le livre de Jacques Chirac six jours avant sa sortie.
Chaque pas doit être un but (Nil), Jacques Chirac
En plein feuilleton médiatico-judiciaire autour de l'ancien président Jacques Chirac, Le Point prévoyait de publier en exclusivité, jeudi, des morceaux choisis de Chaque pas doit être un but (Nil Editions), ses Mémoires. Une aubaine commerciale pour la rédaction de l'hebdomadaire qui devait se frotter les mains... jusqu'à lundi. C'était sans compter sur l'insolente chance de Bruce Toussaint, de Canal Plus, qui s'est procuré le livre tant attendu dans une Maison de la presse, à La Baule, samedi dernier. "Une histoire tout ce qu'il y a de plus banale, finalement" nous confie-t-il. Certainement pas en soudoyant "une gentille employée (de la librairie ndlr) en train de déballer un carton dans un coin" comme l'affirmaient, ce matin, nos confrères du Canard Enchainé ; en effet , "la tournée de livraison des livres par le distributeur Interforum n'avait pas débuté ce samedi (...) même pour les Maisons de la presse" précise le service commercial des Editions Nil. Le libraire s'est simplement approprié quelques exemplaires "dans le stock du dépôt de sa région", et les a mis en vente, selon Bruce Toussaint.
Le système de distribution des ouvrages est relativement simple. Après impression, l'éditeur confie la livraison des livres à des sociétés de distribution indépendantes. Celles-ci disposent donc des livres bien avant leur parution et les distribuent généralement aux librairies 24 h à 48 h avant leur date de sortie. Cependant, dans certains cas, comme pour les Maisons de la presse, les libraires peuvent avoir accès aux livres dans les stocks des distributeurs plus de 48 h avant parution. Ils engagent néanmoins leur responsabilité civile s'ils décident de vendre l'ouvrage avant la date convenue par l'éditeur, laquelle est indiquée généralement par un autocollant sur le livre.
Le libraire de l'unique Maison de la Presse de la Baule n'a pas souhaité faire de déclaration. Cependant le distributeur Interforum des Pays de la Loire a affirmé être en possession du livre depuis vendredi dernier et nous a confirmé que "la Maison de la presse de la Baule s'était déjà servie". Fier de son coup médiatique, le présentateur précise : "la malchance est une faute professionnelle", s'appropriant avec délectation une citation du journaliste François Chalais.
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http://www.lexpress.fr/actualite/politique/chirac-se-lache-dans-ses-memoires_825766.html
Chirac se lâche dans ses Mémoires
Par Kévin Deniau, publié le 02/11/2009 20:20 - mis à jour le 03/11/2009 11:25
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Reuters/Charles Platiau
Le livre de Jacques Chirac, "Chaque pas doit être un but", ne passera pas inaperçu.
En marge de son renvoi en correctionnelle, Jacques Chirac prépare la sortie, jeudi prochain, du premier tome de ses mémoires, "Chaque pas doit être un but". Un livre surprenant où l'ex-président ne mâche pas ses mots notamment à l'encontre de Valéry Giscard d'Estaing et d'Edouard Balladur.
Secoué par son renvoi en correctionnelle dans l'affaire des logements présumés fictifs de la Mairie de Paris, Jacques Chirac n'en a pas moins un livre à promouvoir. Jeudi prochain, en effet, l'ancien chef de l'Etat lèvera le voile sur l'un des livres les plus attendus de l'année: le premier tome de ses mémoires "Chaque pas doit être un but" (Editions du Nil).
Regorgeant de confidences, ce livre de 500 pages traite de son accession au pouvoir. Le second tome, prévu pour 2010, abordera les années de sa présidence après 1995.
Ce lundi, sur Canal +, l'Edition spéciale a révélé en exclusivité de savoureux passages où Jacques Chirac se livre à quelques révélations insolites, dont son attrait pour l'hindouisme. "A 16 ans, je songe à me convertir à l'hindouisme. (...) A cette époque je ne me reconnais qu'un seul idéal, celui de la non-violence incarné par Gandhi."
Plus intime encore, il raconte son dépucelage à 18 ans, alors embarqué sur un navire. "Le bosco me demande si je suis puceau. Je lui répond que oui. Alors on va arranger ca. Tu vas voir, me dit-il. C'était très gentil de sa part et il fallait bien le faire. Et il m'a emmené dans les fameux quartiers de la Casbah où nous avons passé la nuit entière. Quand au matin, je suis redescendu vers le port, dans l'odeur de crésyl sur les trottoirs, d'anisette et de produits coloniaux, je n'étais plus le même homme."
Une autre anecdote illumine la période consacrée à mai 68. Alors qu'il doit négocier avec la CGT, Jacques Chirac explique que "sur recommandation de Pompidou, inquiet d'un possible enlèvement", il s'est muni "d'un revolver dissimulé dans une des poches de [son] veston. Deux hommes de la CGT me conduisent dans une chambre en désordre où m'attend Krazuki", confie-t-il.
Giscard et Balladur, cibles de choix
Reste que l'attente suscitée par le livre concerne avant tout ses relations avec ses congénères politiques. La première de ses victimes n'est autre que Valéry Giscard d'Estaing dont il fut le Premier ministre de 1974 à 1976 avant de démissionner avec fracas. "J'ai très vite compris que dans son échelle des valeurs, il y avait lui-même, tout en haut, puis plus rien et enfin moi, très en dessous", livre Chirac.
Malgré le temps qui passe, les relations Giscard-Chirac restent tendues, même si dans ces mémoires, le second choisit souvent l'ironie. "Un jour Giscard assurera avoir 'jeté la rancune à la rivière'. Mais ce jour-là, la rivière devait être à sec...", plaisante l'ex-président de la République.
Photos : V. Dayan pour L'Express
Edouard Balladur, "Un calculateur froid" pour Chirac.
L'ancien maire de Paris n'y va pas non plus de main morte avec Edouard Balladur, qui fut son ami, puis son rival lors de la présidentielle de 1995. "Sceptique par nature, Edouard Balladur est un calculateur froid."
Enfin, Jacques Chirac livre une révélation cinglante sur sa stratégie de rapprochement avec le Front National avant la présidentielle de 1988: c'était l'idée de Balladur. "Edouard Balladur vient m'expliquer (...) qu'il est devenu indispensable de s'entendre avec le Front national."
Jacques Chirac sait également distribuer des bons points comme par exemple avec Georges Pompidou. "Plus encore qu'un père spirituel, il a représenté pour moi un modèle", dit celui que le défunt président surnommait "mon bulldozer".
Plus surprenant, Chirac se fait élogieux envers François Mitterrand. "'Salut l'artiste' m'est-il arrivé de penser en assistant à quelques-unes de ses prestations". Avant de révéler cette phrase de l'ancien président socialiste à son égard, peu de temps avant 1995: "Il m'a glissé en confidence: 'C'est votre tour, vous allez être élu.'"
"Sarkozy était bien plus qu'un simple collaborateur"
Ceux qui attendent des propos croustillants sur Nicolas Sarkozy risquent cependant d'être déçus. L'ancien président n'évoque son successeur que brièvement, à l'occasion du soutien déclaré de Nicolas Sarkozy à Edouard Balladur en 1994.
"Cette première défection ne me laisse pas indifférent. Nicolas Sarkozy est, à mes yeux, bien plus qu'un simple collaborateur. Pendant 10 ans, sa ferveur et son enthousiasme ne me feront pas défaut. Même s'il s'agace parfois, désireux d'exister par lui même."
Le livre, qui va faire du bruit, a été relu par sa fille Claude, son ex-conseillère en communication, et sa femme. De son épouse, Bernardette, il dit qu'elle "a son franc parler et [que] ses opinions peuvent être tranchantes, parfois trop à mon goût, surtout quand elles me concernent."