(dépêches)
Mort du père jésuite Jean-Yves Calvez à 82 ans le 11 janvier 2010
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Mort du jésuite Jean-Yves Calvez
AFP
12/01/2010 | Mise à jour : 13:43 | Ajouter à ma sélection
Le père jésuite Jean-Yves Calvez, théologien et philosophe, spécialiste du marxisme, est mort hier à Paris à l'âge de 82 ans, annonce la Conférence des évêques de France.
Jean-Yves Calvez fut un grand intellectuel, provincial (supérieur) de la Compagnie de Jésus en France, "dont la pensée avait une grande répercussion intellectuelle dans l'Eglise", selon le père Pierre de Charentenay, rédacteur en chef de la revue "Etudes", cité par la CEF. Auteur en 1956 d'un ouvrage sur la pensée de Karl Marx, il laisse de nombreux travaux sur l'enseignement social de l'Eglise, les philosophes allemands, l'économie, la politique, etc. Polyglotte, il donna des conférences dans le monde entier et fut aussi conférencier à Notre Dame de Paris de 1985 à 1987 à la demande du cardinal Lustiger.
Selon le père de Charentenay, Jean-Yves Calvez est "un de ceux qui ont formé l'esprit de la Compagnie de Jésus dans les années soixante-dix, qui ont donné ce sens de la foi très forte dans l'Evangile et du service à rendre pour la justice dans le monde". Parmi ses ouvrages, on peut citer "Les silences de la doctrine sociale catholique" (ed L'Atelier, 1999), "Eglise et économie: la doctrine sociale de l'Eglise" (L'Harmattan, 1999), "Compagnon de Jésus: un itinéraire" (DDB, 2000), "Changer le capitalisme" (Bayard, 2001), "La pensée politique des historiens allemands au XIXe siècle" (PUF, 2001), "Chrétiens penseurs du social" (cerf, 2002).
http://www.ssf-fr.org/56_p_15595/jean-yves-calvez.html
Hommage à Jean-Yves Calvez
Habité par le souci de l’homme
Le père Jean-Yves Calvez nous a quittés. Les Semaines sociales de France saluent en lui un ami et un guide, un témoin passionné de son temps et un Jésuite : un authentique compagnon du Christ. Membre de notre Conseil depuis le renouveau engagé par Jean Gélamur, il en fut sans conteste un artisan toujours stimulant, chaleureux, aimé.
Il suffisait de prononcer son nom, "père Calvez", pour que se crée un sentiment de clarté, de recherche encourageante de la vérité. Jean-Yves Calvez paraissait avoir consacré sa vie à la question sociale, comme si son apostolat personnel consistait en effet à évangéliser les réalités globales de l'économie et de la société : évangéliser ou plutôt faire découvrir la force de l'Evangile au travers de l'imperfection du monde, des aspirations profondes, même si parfois dévoyées, à son perfectionnement.
Très tôt en effet le Père Calvez s'était confronté avec la théorie marxiste et les économies centralisées qui s'en réclamaient. Jamais dans cette confrontation il ne se montrait hostile ou dogmatique. Il partageait en effet le souci profond de l'humain qui animait aussi, pour le meilleur d'eux-mêmes, ses contradicteurs. Mais il les sommait d'aller jusqu'au bout et d'admettre au fond une contradiction, source d'une illusion qui s'avérait tragique : comment vouloir le bien de la communauté des hommes en méconnaissant la liberté et l'élan du cœur qui fondent le lien social ?
Aussi se trouva-t-il naturellement très vite aux avants-postes de la confrontation avec un libéralisme économique exclusif, sûr de lui-même et réducteur de ce même lien social, décourageant à l'avance l'ambition politique d'organiser la justice et la solidarité entre les hommes. Et de la même façon maïeutique, Jean-Yves Calvez, appelant au souci de l'humain en plénitude, démontait les contradictions et la volonté de puissance qui se cachent derrière la confiance aveugle dans le pilotage par le marché : comment proclamer la prééminence de la liberté et se désintéresser des conditions effectives d'accès du grand nombre à son exercice ?
Nous avons puisé et nous puiserons encore dans l'œuvre historique du Père Calvez, dans ses commentaires de la pensée sociale de l'Eglise, une inspiration rafraîchissante. Sa voix qui nous interrogeait et qui savait aussi interroger l’Eglise, retentira toujours au milieu de nous. Nous n'ignorons pas que sa pensée était nourrie de dialogue et d’écoute, en rien celle d'un esprit solitaire et nous exprimons notre confiance au CERAS dont il fut un animateur respecté pour continuer le chemin d'un discernement accompli à plusieurs intelligences et au travers de multiples engagements.
Amour et vigilance auraient pu être sa devise. Le père Calvez fut avec nous jusqu'au bout un veilleur aimant et affectueux. Il l'exprima jusqu'aux derniers jours de sa vie en ce dimanche de l'avent 2009 où il prêchait en l'église Saint-Ignace. Il n'y était pas question de doctrine sociale ni d’économie, mais de cette venue de l’Emmanuel, le Seigneur qui se manifeste dans l'extrême faiblesse et qui de cette façon nous met, au-delà de tous nos faux-semblants, en mouvement vers la paix authentique. Telle était la source de son unité personnelle. Il nous la transmet.
Jérôme Vignon
Président des Semaines sociales de France