(verbatim)
Hommage à Jean Moulin et au Conseil national de la Résistance
par Claude Bartolone, Président de l'Asemblée Nationale, le 28 mai 2013 à Paris.
M. le président. Mesdames et messieurs les ministres, mes chers collègues, le Bureau de l’Assemblée nationale m’a donné mandat de vous lire la déclaration suivante.
Il y a soixante-dix ans, le 27 mai 1943, dans un appartement parisien du 48 rue du Four, les représentants de huit mouvements de Résistance, six partis politiques et deux syndicats, décidèrent d’unir leurs forces pour lutter contre l’occupant nazi et, au-delà, pour préparer les réformes qui donneront corps à la France libérée de l’après-guerre.
À l’unanimité, ils adoptèrent une motion affirmant que le futur gouvernement provisoire devait être confié au général de Gaulle qui « fut l’âme de la Résistance aux jours les plus sombres et qui n’a cessé, depuis le 18 juin 1940, de préparer en pleine lucidité et en pleine indépendance la renaissance de la patrie détruite, comme des libertés républicaines déchirées ».
Ainsi était né sous la présidence de Jean Moulin le Conseil de la Résistance, noyau du futur Conseil national de la Résistance.
Le Conseil national de la Résistance, c’est d’abord la grande et noble figure de Jean Moulin.
Jean Moulin, ce préfet républicain de sensibilité radicale, ami de Pierre Cot et serviteur du Front Populaire.
Jean Moulin, ce républicain passionné, antifasciste et antimunichois viscéral, qui préfère tenter de se donner la mort à Chartres dans sa préfecture d’Eure-et-Loir en juin 1940 plutôt que de signer un texte infamant pour l’armée française et de mettre en cause le comportement de soldats issus de ce que l’on appelait alors les troupes coloniales.
Jean Moulin qui, révoqué par Vichy en novembre 1940, prend immédiatement contact avec les premiers mouvements de Résistance intérieure.
Jean Moulin, qui gagne Londres en octobre 1941 et se met au service du Général de Gaulle, dont il devient en 1942 le représentant dans la zone sud avec pour but d’unifier les mouvements de Résistance.
Jean Moulin, traqué par l’Occupant, qui écrit le 17 mai 1943 au Général de Gaulle : « Je suis bien décidé à tenir le plus longtemps possible ».
Jean Moulin, qui sera arrêté au premier jour de l’été 1943, le 21 juin, à Caluire, et qui, atrocement torturé par Barbie, mourra sans avoir parlé.
Jean Moulin, qui a rejoint notre Panthéon républicain.
Jean Moulin dont tant d’avenues, de lycées, de places portent le nom et dont le souvenir sera à jamais gravé dans nos cœurs et dans nos mémoires de militants de la République et d’amoureux de la France.
La République et la France s’incarnent ainsi régulièrement dans des femmes et des hommes d’exception, Jean Moulin fut l’un d’eux.
Le Conseil national de la Résistance, c’est aussi l’aspiration à l’unité et au rassemblement aux heures les plus sombres de la Nation.
Rassemblement des mouvements de Résistance, à travers les trois principaux mouvements de la zone Sud et les cinq plus importants de la zone Nord.
Rassemblement des forces politiques : s’y retrouvent, de la gauche à la droite, le Parti communiste, les socialistes de la SFIO, les radicaux, la démocratie chrétienne, la Fédération républicaine et l’Alliance démocratique.
Rassemblement syndical aussi, avec la CGT et la CFTC.
Reconnaissant l’autorité du Comité français de la libération nationale, le Conseil national de la Résistance consacre enfin l’unité de combat des deux branches de la Résistance, celle de l’intérieur et celle de l’extérieur.
La démocratie ne vit que dans la diversité. Mais nous devons nous souvenir que, lorsque l’essentiel est en cause, c’est par l’unité et le rassemblement de toutes les forces démocratiques que le sursaut est possible.
Le Conseil national de la Résistance, ce sont, enfin et toujours, les fondements de la démocratie politique, économique et sociale qui a fait la France d’après-guerre et qui reste le socle moderne de notre vivre ensemble.
Rétablissement de la démocratie politique, du suffrage universel et de la liberté de la presse, « retour à la nation des moyens de production », « plan complet de sécurité sociale visant à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence » : le programme d’action de la Résistance, adopté à l’unanimité le 15 mars 1944, préfigure les grandes réformes économiques et sociales de l’après-guerre et, inspirant une partie du préambule de notre Constitution, est toujours porteur des valeurs de notre société.
Alors que plusieurs grandes figures de la Résistance nous ont quittés, encore très récemment hélas – je pense notamment à Raymond Aubrac, Stéphane Hessel, François Jacob ou encore Lise London – c’est à nous, élus de la République, qu’il appartient de faire vivre l’héritage de la Résistance et de son idéal de démocratie économique, sociale et culturelle.
En souvenir des membres du Conseil national de la Résistance et de tous les résistants morts pour la France, je vous invite à observer une minute de silence.
(Mmes et MM. les députés et membres du Gouvernement se lèvent et observent une minute de silence.)
M. le président. Je vous remercie.