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20 octobre 2009 2 20 /10 /octobre /2009 23:25

(verbatim)


Séance publique du 14 décembre 2009 au Sénat (présidée par Catherine Tasca)

Séance publique du 14 décembre 2009 (1)
http://rakotoarison.over-blog.com/article-doc-41259741.html

Séance publique du 14 décembre 2009 (2)
http://rakotoarison.over-blog.com/article-doc-41259926.html


http://www.senat.fr/leg/pjl09-048.pdf
http://www.senat.fr/leg/pjl09-048.html
N° 48

 

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2009-2010

Enregistré à la Présidence du Sénat le 20 octobre 2009
 

PROJET DE LOI

ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

ratifiant l'ordonnance n° 2009-935 du 29 juillet 2009 portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés,

TRANSMIS PAR

M. LE PREMIER MINISTRE

À

M. LE PRÉSIDENT DU SÉNAT

(Envoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

L'Assemblée nationale a adopté le projet de loi dont la teneur suit :


 

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale (13ème législ.) :
 1893, 1949 et T.A. 353
 

Article unique

L'ordonnance n° 2009-935 du 29 juillet 2009 portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés, prise en application de la loi n° 2009-39 du 13 janvier 2009 relative à la commission prévue à l'article 25 de la Constitution et à l'élection des députés et autorisant le Gouvernement à fixer le nombre total et à délimiter les circonscriptions des députés élus par les Français établis hors de France et à mettre à jour la répartition des sièges de députés élus dans les départements et dans les collectivités d'outre-mer, ainsi que la délimitation des circonscriptions législatives, est ratifiée.

Délibéré en séance publique, à Paris, le 20 octobre 2009.

Le Président,
Signé : BERNARD ACCOYER


http://www.senat.fr/cra/s20091214/s20091214_mono.html
Compte rendu analytique officiel du 14 décembre 2009
SÉANCE

du lundi 14 décembre 2009

48e séance de la session ordinaire 2009-2010

présidence de Mme Catherine Tasca,vice-présidente

Secrétaires : Mme Christiane Demontès, M. Philippe Nachbar.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle l'examen du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, ratifiant l'ordonnance du 29 juillet 2009 portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés.

Discussion générale

M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales.  - (Applaudissements sur les bancs UMP) Le texte de ratification dont vous êtes aujourd'hui saisis, et que l'Assemblée nationale a adopté sans modification le 20 octobre dernier, constitue la dernière étape du processus d'ajustement des circonscriptions électorales entamé depuis dix-huit mois.

Vous vous trouvez dans la situation inédite sous la Ve République, d'avoir à vous prononcer sur un projet délimitant les circonscriptions législatives : vous n'aviez pas examiné le texte qui, en 1958, procédait à leur première délimitation, resté en vigueur pendant 28 ans et sept élections législatives, puisqu'il s'agissait d'une ordonnance de l'article 92 de la Constitution ; tandis que saisis en 1986 du projet de loi délimitant de nouvelles circonscriptions à la suite du rétablissement du scrutin majoritaire, vous lui aviez opposé la question préalable, considérant qu'il ne vous appartenait pas de statuer sur les modalités d'élection des membres de l'Assemblée nationale. La loi du 24 novembre 1986, qui régit le tracé des circonscriptions actuelles des députés depuis cinq élections générales, n'avait donc pas été discutée dans cet hémicycle.

L'ordonnance soumise aujourd'hui à ratification a été précédée d'une série de consultations sans précédent. Les préfets ont tout d'abord été chargés de recevoir tous les parlementaires de leur département, afin de recueillir leurs propositions. Certains, à mon plus grand étonnement, ont reçu consigne de ne pas se rendre à ces rendez-vous, pourtant conformes à une tradition républicaine bien établie : ils ne peuvent s'étonner que leurs projets n'aient pu être étudiés. Le Premier ministre a reçu à Matignon, le16 septembre 2008, les responsables de tous les groupes et formations politiques représentés dans les deux assemblées. J'ai ensuite moi-même reçu, comme le Premier ministre en avait exprimé la volonté, un grand nombre de parlementaires. Tous ceux qui l'ont souhaité ont pu accéder aux locaux du ministère de l'intérieur pour y consulter les cartes et les chiffres du recensement.

Nos projets ont ensuite été soumis à la commission indépendante prévue par l'article 25 de la Constitution, composée pour moitié de magistrats nommés par les plus hautes juridictions de notre pays et pour moitié de personnalités nommées après avis des commissions des lois des deux assemblées, laquelle a consacré 23 séances, dans le délai de deux mois qui lui était imparti, pour donner son avis sur nos projets, avant de se réunir à nouveau pour statuer sur sept départements. Ces deux avis, remis au Premier ministre en juin dernier, ont été publiés au Journal officiel et le Gouvernement en a tenu compte dans de nombreux cas. Le projet d'ordonnance a alors été soumis, comme le prévoit la Constitution, au Conseil d'État, qui a procédé à son étude exhaustive, conduisant le Gouvernement à le modifier une nouvelle fois.

La refonte partielle de la carte des circonscriptions s'est donc effectuée dans la plus grande transparence.





L'ordonnance qui vous est soumise applique deux nouvelles dispositions issues de la révision constitutionnelle de l'an dernier, concernant la création de sièges de députés pour les Français de l'étranger et le nombre total de députés. La création de sièges de députés représentant nos compatriotes établis hors de France était déjà l'une des propositions du candidat François Mitterrand à la présidentielle de 1981 et figurait au programme des deux principaux candidats à celle de 2007. Le Président Sarkozy a respecté son engagement et ainsi permis la solution d'un problème débattu depuis bientôt trente ans. (M. Robert del Picchia approuve) Les futurs députés des Français de l'étranger seront, comme les autres, élus au scrutin majoritaire : il a donc fallu, exercice inédit et difficile, « découper le monde » pour délimiter leurs futures circonscriptions. Les règles de leur élection font l'objet d'adaptations : ainsi, les deux tours de scrutin seront espacés de quinze jours et non d'une semaine et il sera possible de voter par correspondance et par internet. II en sera débattu à l'occasion de la ratification de l'ordonnance du 29 juillet 2009 qui énonce ces règles et qui sera bientôt suivie d'un décret d'application.

Seconde innovation liée à la révision constitutionnelle, le plafonnement à 577 du nombre de sièges de l'Assemblée nationale, nombre résultant de la réforme de 1985. Il aurait certes été plus facile d'ajuster la carte électorale en augmentant le nombre de sièges ; et cela, d'autant plus que la création en 2007 de deux nouveaux sièges pour Saint-Barthélemy Saint-Martin et celle de sièges pour les Français de l'étranger, conduisait à réduire le nombre de députés représentant les départements.

Nous disposions du recensement général opéré pour la première fois en application de la loi « Démocratie de proximité » de février 2002 pour les départements, du dernier recensement publié pour les collectivités d'outre-mer et du nombre d'immatriculations dans les consulats pour les Français de l'étranger, ce nombre étant pris en compte au 1er janvier 2006, par analogie avec la date retenue pour la population des départements. Au vu de ces différents éléments démographiques, nous avons réparti les 577 sièges de députés au prorata de la population des départements, qui obtiennent 556 députés, soit quatorze de moins qu'en 1986, des collectivités d'outre-mer, qui seront représentées par dix députés, soit trois de plus qu'actuellement, et du nombre total -c'est le Conseil constitutionnel qui nous l'a imposé- des ressortissants immatriculés à l'étranger, qui seront représentés par onze députés. Conformément à la décision du Conseil constitutionnel du 8 janvier, qui ne permet d'attribuer un siège à une collectivité d'outre-mer de faible population que si elle est très éloignée de tout autre département ou collectivité, Saint-Pierre-et-Miquelon et Wallis-et-Futuna conservent le siège de député dont elles ont constamment bénéficié depuis1958 ; en revanche, les nouvelles collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, trop proches pour avoir chacune leur propre député, seront représentées par un député commun.

La représentation de chacun des 100 départements a été fixée en fonction de leur population respective, selon la méthode traditionnelle dite « de la tranche », méthode, qui régit la répartition actuelle de vos sièges de sénateurs entre les départements. Elle limite les exceptions concernant les petits départements, à qui la décision du Conseil constitutionnel du 8 janvier interdit d'attribuer deux sièges de député si la méthode de calcul n'y conduit pas au vu de leur population : avec cette méthode, seules la Creuse et la Lozère se retrouvent au-dessous du seuil donnant droit à deux députés, contre quatorze départements avec la méthode de la répartition proportionnelle. Le nombre de sièges de député diminue dans 27 départements et augmente dans quinze autres ainsi qu'en Polynésie française et à Mayotte. Tous ces chiffres ont fait l'objet d'un avis favorable de la commission indépendante de contrôle du redécoupage électoral puis du Conseil d'État. En outre le montant de la tranche, porté de 108 000 à 125 000 habitants, serait supérieur si l'on prenait en compte de nouveaux éléments de recensement : personne ne devra donc s'étonner par exemple, au vu des chiffres de population qui sortiront d'ici la fin de l'année et qui seront réputés être ceux constatés au 1er janvier 2007, que certains départements franchissent le seuil leur redonnant apparemment droit à un député qu'ils ont perdu, parce que la tranche aura légèrement augmenté dans l'intervalle...

L'ordonnance parvient à un équilibre démographique des circonscriptions bien meilleur que la situation actuelle. Les écarts démographiques entre nos 577 circonscriptions législatives, délimitées en 1986 sur la base d'un recensement datant de 1982, sont considérables : sans évoquer le cas particulier des circonscriptions des collectivités d'outre-mer, la seconde circonscription de la Lozère compte 35 794 habitants alors que la sixième circonscription du Var en a 213 421 ; avec un rapport de représentativité allant ainsi de un à six, c'est le principe même de l'égalité du suffrage, énoncé à l'article 3 de notre Constitution, qui n'est plus respecté et le Conseil constitutionnel s'en était ému à plusieurs reprises depuis 1999. Les gouvernements qui se sont succédés depuis lors n'ayant pas remédié à ces écarts, le Conseil a demandé qu'un ajustement de la carte électorale soit entrepris « au lendemain des élections législatives de 2007 ». C'est dire l'urgence qu'il y a à terminer l'exercice extrêmement difficile, et politiquement délicat, que le Président de la République et le Gouvernement m'ont confié.

Nous avons ainsi effectué ce que j'appelle un « redécoupage » dans les 42 départements et les quatre collectivités d'outre-mer dont la population leur fait, soit perdre une, deux ou trois circonscriptions, soit en gagner une ou deux ; 25 autres départements de métropole et d'outre-mer, dont les inégalités de population apparues entre les circonscriptions doivent être réduites, ont fait pour leur part l'objet d'un simple « remodelage » ; ils n'étaient que douze initialement, le Gouvernement ayant choisi, conformément aux termes de la loi d'habilitation du 13 janvier et aux engagements pris devant le Parlement, de ne pas modifier dans douze de ces départements à nombre de sièges inchangé la carte des circonscriptions lorsque la population de celles-ci ne s'était pas écartée de plus ou moins 20 % par rapport à la population moyenne départementale, limite déjà retenue en 1986 ; mais la commission, suivie d'ailleurs par le Conseil d'État, a considéré qu'il fallait réduire, dans ces départements également, les inégalités les plus flagrantes, et le Gouvernement a suivi son avis pour treize autres départements. Au total, et afin de respecter au mieux la portée de l'habilitation et de ne pas élaborer une nouvelle carte électorale complète, le nombre de circonscriptions dont les limites sont inchangées a ainsi été ramené à 238 sur un total de 577. Les écarts démographiques entre les circonscriptions sont considérablement réduits, passant, si l'on exclut les petites collectivités d'outre-mer et les circonscriptions des Français de l'étranger, d'un rapport de un à six à un rapport de un à 2,4. A l'intérieur d'un même département, la marge d'écarts est le plus souvent limitée à plus ou moins 15 % par rapport à la moyenne et aucune circonscription ne s'en écarte de plus de 17,5 %, alors que sept circonscriptions étaient dans ce cas en 1986. La commission de contrôle et le Conseil d'État se sont prononcés en faveur d'écarts encore plus réduits, alors même que la loi d'habilitation du 13 janvier autorisait une marge allant jusqu'à 20 %. Le Gouvernement a suivi leurs avis, en totalité ou en partie, dans 23 départements ; il a estimé qu'il pouvait adopter une délimitation différente de celle que ces deux institutions ont préconisée pour 23 des circonscriptions « montrées du doigt », parce que trop ou insuffisamment peuplées, soit 4 % du total des circonscriptions. Les raisons détaillées pour lesquelles le Gouvernement n'a pas suivi leurs recommandations ont été publiées par le rapporteur du projet de loi de ratification devant l'Assemblée nationale et elles ont été fournies au président de votre commission des lois.

L'ordonnance respecte parfaitement les critères fixés par la loi d'habilitation et les principes énoncés par le Conseil constitutionnel. L'écart démographique maximal de 20 %, jamais atteint dans les départements, est dépassé pour trois des onze circonscriptions destinées à la représentation des Français de l'étranger, qui ont été délimitées après consultation des associations et des sénateurs qui les représentent et après celle du ministère des affaires étrangères : les deux circonscriptions du continent américain, parce que nous avons voulu respecter la frontière entre les États-Unis et le Mexique, et la circonscription d'Asie-Océanie, à laquelle nous avions déjà donné une étendue considérable pour des raisons démographiques. Ces écarts ont été autorisés par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 8 janvier dernier.

Les autres exigences de délimitation, reprises en général des critères utilisés en 1986, sont également satisfaites, qu'il s'agisse de la continuité des circonscriptions, de l'unité des communes ou de celle des cantons de moins de 40 000 habitants : 42 des cantons de plus de 40 000 habitants, soit moins d'un quart, ont été partagés, afin de réduire les écarts démographiques entre des circonscriptions voisines. Ce respect des limites cantonales, que le Gouvernement s'était imposé comme contrainte comme pour le découpage de 1986, nous a conduits logiquement à prévoir, dans le projet de loi relatif à l'élection des conseillers territoriaux dont vous discuterez dans quelques mois, que les futurs cantons devront être délimités à l'intérieur des nouvelles circonscriptions législatives.

Il n'a pas été possible en revanche de respecter systématiquement la carte de l'intercommunalité, ce qui n'était d'ailleurs pas prévu dans la loi d'habilitation : les limites des établissements publics de coopération intercommunale résultent de simples arrêtés préfectoraux, elles ont un caractère fluctuant et ne constituent pas des circonscriptions électorales. Ce n'est pas aux préfets de délimiter ces circonscriptions...

Le respect de ces exigences législatives et constitutionnelles a conduit le Conseil d'État à donner un avis favorable au présent projet de loi de ratification, qui a été adopté sans modification, après quatre séances de débats, par l'Assemblée nationale, particulièrement concernée par ces dispositions. Pour que cette ordonnance, qui prendra effet lors des prochaines législatives, aient force de loi, notre régime bicaméral exige sa ratification par le Sénat.





J'ai lu les conclusions de votre rapporteur, vous appelant à respecter votre traditionnelle réserve sur les textes qui concernent exclusivement les députés et à adopter le projet sans modification. Je vous invite à le suivre car il répond à la confiance que nous a témoignée le Parlement en nous confiant cette délicate mission.

Je voudrais enfin soumettre deux observations à votre réflexion. La méthode de recensement, d'abord, conduit à comptabiliser la population étrangère qui ne dispose pas du droit de vote. Il en résulte des différences selon la nature de la population. Cette anomalie nous conduit à attribuer un siège supplémentaire à Mayotte et demain sans doute un autre à la Guyane qui connaît une forte immigration. En janvier, le Conseil constitutionnel a censuré l'amendement proposé par M. Dosière et adopté à l'unanimité des députés, qui aurait permis de prendre en compte la situation particulière des territoires où la population étrangère est très forte. Sans condamner a priori la méthode, il a censuré une application non uniforme. Ne faudrait-il pas, comme on l'a fait sous les IIIe et IVe Républiques ne prendre en compte que la population française ? L'égalité du suffrage serait ainsi mieux respectée.

M. Christian Cointat.  - C'est ce qui se passe pour les Français de l'étranger !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Seconde observation : il s'agit du douzième ajustement depuis l'instauration du scrutin uninominal majoritaire en 1815 ; 29 chambres sur 41ont été élues selon ce mode de scrutin auquel les Français sont très attachés. Le débat s'est cristallisé entre les partisans de l'équilibre démographique, quitte à susciter le soupçon et ceux des circonscriptions traditionnelles pour éviter les conflits mais au risque de déséquilibres comme en a connu la IIIe qui conserva 40 % des circonscriptions pendant soixante ans.

Nous ne pouvons échapper à une réflexion sur la meilleure façon de concilier équilibre démographique, entités géographiques, équité du scrutin et ajustements périodiques. Le recensement glissant pourrait en effet nous conduire à des ajustements permanents. Le président de la commission des lois de l'Assemblée nationale s'en est préoccupé. Il me semble, mais cela vous concerne aussi, que l'on pourrait confier à la commission indépendante de contrôle le soin de faire un rapport tous les dix ans signalant les écarts les plus importants. On pourrait envisager, comme l'Allemagne et la Grande-Bretagne d'attribuer une compétence plus large à la commission mise en place par le Premier ministre en avril dernier. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur de la commission des lois.  - (Applaudissements à droite) Comme l'a dit le ministre, le Sénat est aujourd'hui appelé à se prononcer sur le projet de ratification de l'ordonnance du 29 juillet 2009 élaborée par le Gouvernement en application de l'article 2 du projet de loi d'habilitation du 13 janvier 2009 et adopté par l'Assemblée nationale le 20 octobre dernier. Cette modification de la carte législative répondait à l'impératif démocratique, que tous les électeurs disposent d'une représentation juste et équilibrée, et à une nécessité juridique résultant de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008.

La carte législative n'avait pas été modifiée depuis 1986. Cet intervalle, inédit sous la Ve République, constitue un record. Le découpage en vigueur était fondé sur le recensement de 1982, c'est-à-dire sur des données obsolètes comme l'ont montré les recensements de 1990 et 1999. Il ne permettait plus une égale représentation des citoyens : le ministre a cité l'exemple de la deuxième circonscription de la Lozère, six fois moins peuplée que la sixième du Var ! Cet écart très substantiel n'est plus acceptable en regard de l'article 3 de la Constitution qui dispose que le suffrage est toujours égal. Voici plus de dix ans que le Conseil constitutionnel incite de manière ferme et constante à revoir la carte législative. Le Sénat vient de le faire, motu proprio.

La refonte était inévitable du fait de la révision constitutionnelle puisqu'elle a prévu que les Français de l'étranger seraient représentés à l'Assemblée nationale mais que le nombre des députés resterait plafonné à 577 ; l'Assemblée tenait à cette initiative que l'on pouvait trouver intéressante mais dangereuse.

Toujours délicate et controversée, la refonte des circonscriptions constitue un exercice sous contrainte. La première tient aux termes de la loi d'habilitation, dont le non-respect serait censuré par le Conseil constitutionnel. Les critères qu'elle avait fixés reprennent largement ceux de 1986 : les circonscriptions doivent former un territoire continu, les villes de plus de 5 000 habitants et les cantons de plus de 40 000 habitants ne pouvant être divisés ; les écarts de population, qui ne sauraient être supérieurs à 20 % de la population départementale moyenne, sont motivés par l'intérêt général.

Le juge constitutionnel est garant de la transparence et de la sincérité de ces opérations. Dès 1986, il affirmé que l'Assemblée nationale devait être élue sur des bases démographiques mais il a durci sa jurisprudence par sa décision de janvier 2009. Il n'est plus possible d'attribuer deux députés à chaque département, comme nous l'avions encore fait pour les collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin.

La contrainte tient aussi à la procédure et au rôle de la commission prévue à l'article 25 de la Constitution. Pour que son indépendance soit totale, ses membres, dont le mandat n'est pas renouvelable, sont soumis à un régime d'incompatibilité ; elle jouit de l'autonomie financière ; notre commission s'est prononcée sur la désignation de son président et d'un de ses membres : des pare-feux ont été prévus pour qu'elle soit à l'abri de toute pression...

M. Pierre-Yves Collombat.  - La sérénité...

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Dans son premier avis, elle a validé l'utilisation de la méthode de tranches de 125 000 habitants. Si elle a approuvé la répartition des sièges prévue par le projet d'ordonnance, elle s'est montrée plus nuancée sur la délimitation des circonscriptions et a proposé des alternatives pour 53 départements, dont dix-sept suggestions ou préconisations secondaires, et 36 propositions valant recommandation. Le Gouvernement lui ayant soumis un second projet pour sept départements, elle a donné un accord partiel ou total sur quatre départements supplémentaires. Au terme de ce processus, la commission a été suivie pour 23 départements, et le Gouvernement s'est écarté de ses recommandations pour treize, en le justifiant auprès du rapporteur de l'Assemblée nationale par une argumentation très circonstanciée.

L'ordonnance modifie les contours de 399 circonscriptions. Le Gouvernement a-t-il respecté les critères posés par la loi d'habilitation et précisés par le Conseil constitutionnel ?





Aucune circonscription ne dépasse de plus de 20 % la moyenne départementale, l'écart maximum étant de 17,5 % ; et l'écart est supérieur à 15 % dans seize circonscriptions seulement, contre 109 aujourd'hui. Le principe de continuité territoriale est respecté, à l'exception des enclaves départementales. Enfin, la délimitation des circonscriptions respecte les bassins de vie et les réalités territoriales -pas nécessairement les intercommunalités, mais celles-ci ne sont pas figées. L'ordonnance permet de réunifier dix villes moyennes et seuls 42 cantons ont été fractionnés.

Estimant logique le recours à la procédure des ordonnances de l'article 38 et compte tenu de la réserve habituelle du Sénat sur les textes qui concernent exclusivement les députés, la commission des lois recommande d'adopter conforme le présent projet de loi.

J'étais député en 1986 ; l'argument selon lequel une majorité en sièges pourrait se dégager avec une minorité en voix ne tient pas. D'autant que les députés sont désormais élus dans la foulée de l'élection présidentielle...

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Merci Jospin !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - ...et que jusqu'à présent nos concitoyens ont toujours donné au Président de la République la majorité qu'il souhaitait.

La commission des lois vous propose d'adopter ce projet de loi sans modification. (Applaudissements à droite)

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - (Applaudissements à gauche) Nous sommes appelés à ratifier une ordonnance qui bouleverse la carte des circonscriptions législatives. Chacun connaît notre aversion pour cette procédure qui amoindrit les droits du Parlement. Pour nous, la réforme constitutionnelle de 2008 était un leurre : les faits nous donnent raison. Étrange conception de la démocratie que de demander au Parlement, transformé en simple chambre d'enregistrement, de ratifier les décisions gouvernementales sur un sujet aussi éminemment politique !

Nous ne contestons pas la nécessité d'un redécoupage des circonscriptions législatives ; le précédent datait de 1986 sur la base du recensement de 1982. Le principe d'égalité des citoyens devant le suffrage n'était plus respecté. Ce que nous contestons, c'est la méthode, et d'abord le fait que l'opération ait été confiée à l'expert électoral de l'UMP. Choix lourd de sens, qui conduit à s'interroger sur l'impartialité du projet. De même, siègent au sein de la commission qui devait garantir transparence et impartialité des personnalités qui ont eu dans le passé d'importantes fonctions politiques.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Cela vaut mieux !

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Il n'est pas juste de dire que la nomination de M. Yves Guéna ou de M. Bernard Castagnède n'a pas suscité de critiques, et ne jette pas de doute sur la neutralité de la commission. Celle-ci, en acceptant plus de 90 % des décisions gouvernementales, a en réalité accompagné le Gouvernement et lui a permis, sous couvert de consultation, de procéder tranquillement à une véritable manipulation électorale.

M. Guy Fischer.  - C'est vrai !

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Il eût fallu que l'opération fût confiée à un organisme véritablement indépendant. Comme l'a justement noté notre collègue député M. François Asensi, « il est nécessaire de mettre en place une commission composée d'experts en démographie, sociologie, géographie et statistique (...) tout comme il me semble indispensable de graver dans la loi fondamentale l'obligation d'un redécoupage périodique afin d'éviter les effets d'aubaine pour les partis au pouvoir ».

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Pas nécessairement !

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Une commission qui, de surcroît, devrait avoir un pouvoir contraignant. Mais je conçois que cela vous dérange...

Vous avez en outre jugé les suggestions du Conseil d'État inopportunes, car perfectionnistes ; dès qu'il s'agit de démocratie, le perfectionnisme et la précision sont pourtant recommandés ! Le Conseil qui, selon vos déclarations, a rendu un avis favorable, voulait pourtant abaisser la marge d'écart à moins de 10 % ; mais cela vous aurait contraint à un redécoupage intégral des circonscriptions... Il est anormal d'entendre le maître d'oeuvre du projet dire qu'il ne cherche pas le meilleur système de répartition, un maître d'oeuvre qui s'est montré plutôt perfectionniste lorsqu'il s'est agi de favoriser sa famille politique...

La méthode de la tranche a été retenue, soit un député pour 125 000 habitants, méthode, dites-vous, qui touche le moins de départements ; c'est celle en tout cas qui sert le mieux vos intérêts politiques. Vous créez onze circonscriptions pour les députés représentant les Français de l'étranger et trois pour les collectivités d'outre-mer. Saint-Martin et Saint-Barthélemy, aujourd'hui rattachées à la Guadeloupe, auront ainsi un député chacune ; mais rien ne justifie ce choix, sauf le fait que leur population vous est favorable. La création d'une circonscription doit être justifiée par la démographie : il n'est pas obligatoire que toute collectivité dispose d'un député, comme l'a rappelé le Conseil Constitutionnel.

Le texte modifie le nombre de sièges dans 42 départements ; il s'agit bien d'une réforme profonde, bien plus politique que technique. D'autant que le nombre de sièges de députés reste à 577, ce qui fait peu de cas de l'augmentation de la population, plus de 7 millions, depuis 1986.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Nous respectons la Constitution !

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Nous nous sommes opposés à la révision de 2008...

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Pour d'autres raisons, aussi !

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - ...parce que nous souhaitions que le nombre de députés pût être modulé en fonction de l'accroissement de la population. Le comité Balladur était lui aussi opposé à l'inscription dans la Constitution d'un nombre fixe de députés.

Était-il opportun de créer des sièges de députés pour représenter les Français de l'étranger alors qu'ils le sont déjà au Sénat ? Nos compatriotes expatriés seront doublement représentés, voire surreprésentés. Seule la logique politique est ici à l'oeuvre, l'électorat expatrié étant acquis à la droite. De plus, le découpage de ces circonscriptions ne respecte pas les recommandations du Conseil constitutionnel, selon lequel la répartition doit se faire sur « des bases essentiellement démographiques » et en respectant « au mieux l'égalité devant le suffrage ». Là, les dérogations ont été la règle. Une de ces circonscriptions regroupe par exemple des pays aussi proches que l'Ukraine, l'Australie ou le Bangladesh, soit 51 millions de kilomètres carrés ! Votre découpage est-il vraiment construit pour faciliter le contact entre les députés et nos compatriotes expatriés ? J'ajoute que les Français l'étranger sont toujours attachés à une circonscription métropolitaine ; il leur suffirait de voter dans un consulat pour élire leur représentant. Je ne peux m'empêcher de mettre en parallèle votre empressement à créer des sièges de députés pour les expatriés et votre refus acharné d'accorder le droit de vote aux résidents étrangers...

Le redécoupage proposé remet en cause le principe constitutionnel de l'égalité des citoyens devant le suffrage. Un seul groupe politique en tire profit, celui qui est au pouvoir. Avec ce projet, et sur la base du dernier scrutin législatif, 23 des 33 circonscriptions qui disparaissent concernent la gauche et 24 des 33 circonscriptions qui sont créées seraient gagnées par la droite !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Vous oubliez les députés élus au premier tour !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Les bons chiffres, ce sont dix-huit et quinze !

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Neuf des onze circonscriptions représentant les Français de l'étranger vous sont favorables !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - On verra !

M. Alain Gournac.  - Laissez les électeurs choisir !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Des surprises sont toujours possibles !

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - C'est dire que le caractère politique du redécoupage est patent. Vous dites avoir respecté les recommandations du Conseil Constitutionnel. « La délimitation des circonscriptions ne doit procéder d'aucun arbitraire » ? « Toute dérogation doit s'appuyer sur des impératifs d'intérêt général » ?





Dans de nombreux cas, ces principes ont été transgressés afin de favoriser l'UMP. La refonte de la carte des circonscriptions contrevient au principe d'égalité des citoyens devant le suffrage en avantageant les campagnes au détriment des villes. Les bassins de vie ne sont pas pris en compte. Pour ce faire, il aurait fallu une réforme beaucoup plus audacieuse. Le mode de scrutin à la proportionnelle représenterait plus fidèlement nos concitoyens, écarterait le bipartisme, réduirait l'absentéisme et favoriserait la parité.

Sans grande surprise, nous voterons contre ce projet de loi dont l'unique ambition est de permettre à la majorité actuelle de se maintenir lors des prochaines élections. (Applaudissements à gauche et sur les bancs du RDSE)

M. Bernard Frimat.  - Dans son rapport, Jean-Jacques Hyest a évoqué une traditionnelle réserve du Sénat vis-à-vis des textes ayant exclusivement trait à l'Assemblée nationale. Certes, chaque assemblée est maîtresse de ses règles de fonctionnement. Le président de la commission des lois et moi-même pouvons en témoigner : à la différence de l'Assemblée nationale, le Sénat a manifesté, dans son règlement intérieur, son attachement au débat parlementaire et au droit d'amendements de chaque sénateur. Il est plus valorisant d'être reconnu aujourd'hui comme une chambre des débats plutôt que comme une chambre d'enregistrement. Or ce texte ne relève aucunement du domaine réservé à la seule Assemblée nationale car il prévoit les conditions d'expression du suffrage universel direct, donc de la démocratie. Il revient ainsi aux sénateurs de l'opposition de préciser, à l'attention du Conseil constitutionnel, en quoi cette ordonnance contrevient à l'égalité de suffrage.

Je remarquerai également que personne, dans les rangs de l'opposition, ne conteste la nécessité de réviser la carte électorale législative, obligation à laquelle le Gouvernement ne pouvait se soustraire. II était urgent de rendre sa légitimité à la représentation nationale afin que la règle constitutionnelle de l'égalité devant le suffrage soit respectée. Que la voix de chaque citoyen pèse le même poids dans la composition de l'Assemblée nationale, tel est l'idéal dont cette ordonnance est très éloignée. Elle relève avant tout d'une démarche partisane dont le but est inavoué car inavouable. Monsieur le ministre, le fait que vous ayez quitté, le temps de la confection de l'ordonnance, vos fonctions de secrétaire national de l'UMP chargé des élections n'est pas une garantie d'objectivité.

 

Je ne vous en fais pas grief car vous étiez en service commandé, avec pour consigne d'utiliser le découpage contre l'opposition mais aussi contre des députés UMP considérés comme hérétiques ou renégats.

M. Richard Yung.  - Des noms !

M. Bernard Frimat.  - Dans cet exercice, vous avez démontré votre virtuosité dans le maniement des ciseaux et de la simulation informatique. Qui oserait vous contester ce talent ? Il doit vous être bien cruel de ne pouvoir revendiquer publiquement la finesse du trait et la perfection de votre art... (Sourires)

Vous avez accompli votre tâche avec cordialité et une très grande disponibilité pour satisfaire, quand cela vous semblait possible, les députés en place, fussent-ils de gauche.

M. Jean-Pierre Bel.  - Bravo l'artiste !

M. Bernard Frimat.  - Le statu quo étant dans l'intérêt de la droite, avec 340 députés de droite et 230 de gauche, pourquoi refuser des petits plaisirs individuels qui servent avant tout les intérêts de l'UMP ?

La loi d'habilitation chargeait le Gouvernement de répartir les sièges et de délimiter les circonscriptions. Pour la première tâche, vous avez choisi la méthode Adams, dite « de la tranche commencée », marquant déjà ainsi votre affection pour la découpe... Cette méthode, utilisée uniquement en France, peut être pertinente quand la tranche correspond à une population peu nombreuse, mais pas lorsqu'il s'agit de 125 000 habitants. Elle génère de profondes inégalités entre les départements.

En se référant aux travaux effectués sous la direction de Jean-Claude Colliard, ancien membre du Conseil constitutionnel, Bruno Leroux a, à la tribune de l'Assemblée nationale, démontré les méfaits de cette méthode pour ce qui est de l'égalité démographique. Ce fut néanmoins votre choix.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Elle a aussi été utilisée pour le Sénat.

M. Bernard Frimat.  - Connaissant leur nature serviable et leur sens de la solidarité, vous avez appelé les socialistes à votre secours : Pierre Joxe, pour la méthode de la tranche, Léon Blum et Etienne Weil-Raynald pour le conseiller territorial... Pour les futurs changements de mode de scrutin, sans doute avez-vous entrepris de lire Blanqui, Fourier, Proud'hon et les premiers socialistes, à la recherche de l'alibi intellectuel qui vous permettra de justifier votre décision ? (M. Jean-Pierre Bel applaudit) Il serait plus simple de reconnaître que vous avez retenu la méthode de répartition des sièges la plus favorable aux intérêts de votre camp.

Pour ce qui est de la délimitation des circonscriptions, je reconnais qu'une fois répartis les sièges à pourvoir dans chaque département, il est mathématiquement impossible d'assurer, au plan national, l'égalité démographique entre les circonscriptions. Il n'en reste pas moins que la population de chaque circonscription doit être la plus proche possible de la moyenne départementale. Dans sa décision du 8 janvier 2009, le Conseil Constitutionnel a reconnu la conformité à la Constitution des dispositions prévues pour le découpage : continuité territoriale, obligation d'inclure dans la même circonscription toute commune de moins de 5 000 habitants et tout canton de moins de 40 000 habitants, et limitation des écarts de population à 20 % de la moyenne départementale. Toutefois, le considérant 26 précise : « qu'elles pourraient, par leur cumul ou par les conditions de leur application, donner lieu à des délimitations arbitraires ou aboutir à créer des situations où le principe d'égalité serait méconnu ». Le non-respect de ces dispositions doit être réservé à des cas exceptionnels et dûment justifiés par des impératifs précis d'intérêt général.

Vous vous êtes souvent affranchi de la lettre et de l'esprit de ce considérant pour privilégier la manipulation électorale. Si vous aviez communiqué l'étude d'impact projetant les résultats des législatives de 2007 sur les nouvelles circonscriptions, que vous avez certainement réalisée, cela aurait-il fait apparaître de manière trop voyante le caractère partisan de ce découpage ?

Mme Nathalie Goulet.  - Que nenni !

M. Bernard Frimat.  - Quelques éléments chiffrés auraient pourtant suffi. Sur 33 circonscriptions supprimées, 23 sont de gauche ; sur 33 créées, neuf de gauche... In fine, un seul gagnant : I'UMP. Ainsi, vous tentez de bloquer le mécanisme de l'alternance démocratique.

Un découpage doit respecter l'égalité de suffrage, et la majorité des voix doit permettre d'obtenir la majorité des sièges. Tel ne sera pas le cas car la gauche, avec 50 % des voix, obtiendra 260 sièges et la droite 317. Pour avoir la majorité au Palais Bourbon, la gauche devra réunir 51,4 % des électeurs.





M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Vous avez dit la même chose en 1986.

M. Bernard Frimat.  - Pour obtenir ce résultat, vous utilisez la technique des réserves indiennes pour créer des circonscriptions très favorables à la gauche et obtenir un nombre accru de circonscriptions destinées à la droite, certes avec des marges moindres.

Ainsi, le territoire des 20e et 21e circonscriptions du Nord a subi un remodelage interne. Je vous donne acte du fait que le canton de Valenciennes-Nord ayant compté en 2006 moins de 40 000 habitants, il fallait le rattacher en totalité à la 21e circonscription et à Valenciennes. Pour compenser cette perte démographique, vous auriez pu intégrer la commune de Saint-Saulve à la 20e circonscription, comme toutes les autres communes du canton d'Anzin, mais vous avez préféré ajouter la commune de Vieux-Condé, dont le député-maire et conseiller général communiste a été élu au deuxième tour avec 67 % des suffrages exprimés. Vous pouvez ainsi consolider à droite la 21e circonscription grâce au réservoir des voix de Saint-Saulve. Le Conseil constitutionnel dira si scinder des cantons pour favoriser l'UMP satisfait un impératif précis d'intérêt général...

Au confinement des voix de gauche vous ajoutez un découpage favorable à l'UMP en jouant sur les écarts démographiques. Dans la présente législature, le Pas-de-Calais a élu douze députés de gauche et deux de droite. Le nouveau découpage lui fait perdre deux sièges. Pour conserver le député UMP...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Il faut qu'il y en ait un !

M. Bernard Frimat.  - ...vous avez réduit l'importance numérique de sa circonscription. L'opération était voyante au point que la commission de l'article 25, pourtant guère audacieuse, a formulé un avis défavorable pour déficit significatif de population.

Vous nous demandez de ratifier une ordonnance fondée sur l'esprit partisan et qui contourne les règles imposées par le Conseil constitutionnel. Nous n'acceptons pas ce découpage inacceptable !

Il vous reste à éviter la malédiction qui finit toujours par s'abattre sur ceux qui manipulent les modes de scrutin. Ce n'est qu'une question de temps ! (Applaudissements à gauche)

Mme Françoise Laborde.  - La démocratie parlementaire repose sur l'élection au suffrage universel des représentants de la Nation, car elle fonde la légitimité des lois. A ce titre, la délimitation des circonscriptions électorales participe à l'essence d'un État de droit.

La ratification de l'ordonnance du 29 juillet intervient au terme d'un processus trop long. En effet, les circonscriptions en vigueur remontent à la loi du 24 novembre 1986, adoptée lors de la première cohabitation après le bref intermède du scrutin proportionnel institué en 1985. Le découpage actuel repose donc sur le recensement de 1982, qui ne correspond pas à la réalité démographique d'aujourd'hui. Or, le Conseil constitutionnel estime que l'égalité du suffrage, institué par l'article 3 de la Constitution, exige des circonscriptions délimitées « sur des bases essentiellement démographiques ». Il faut donc prendre en compte non pas le nombre d'électeurs, mais la population de chaque circonscription. Ce n'est pas neutre dans un département jeune comme le mien, la Haute-Garonne.

Pour ne parler que de la métropole, le vote d'un électeur de la deuxième circonscription de la Lozère, habitée par 35 000 personnes, compte six fois plus que celui d'un électeur de la première circonscription du Val-d'Oise, où résident 188 000 habitants. Cette situation ubuesque impose un nouveau découpage, surtout après les recensements généraux de 1990 et 1999. Le Conseil constitutionnel avait solennellement attiré l'attention du Gouvernement sur ce point en 2005, puis lorsqu'il a examiné la création des collectivités de Saint-Barthélemy et Saint-Martin en 2007.

Même en écartant le « gerrymandering », ou charcutage électoral à l'américaine, il est difficile d'établir une délimitation absolument neutre et objective. On peut ainsi s'interroger sur l'emploi de la méthode par tranche -une spécificité française- et sur le choix d'une tranche de 125 000 habitants, alors que la dimension-type avoisine 113 000. Certes, les déséquilibres démographiques en métropole et la nécessité d'une représentation correcte de l'outre-mer empêchent de garantir une tranche optimale, mais la différence atteint 11 % !

Pourquoi avoir admis un écart de 20 % entre circonscriptions d'un même département, alors que le Conseil de l'Europe recommande un écart maximum de 10 % ? Pourquoi ne pas avoir saisi cette occasion pour établir une meilleure égalité du suffrage ? Le Conseil constitutionnel estime que l'écart de 20 % ne devrait être utilisé qu'en ultime recours, pour des raisons d'intérêt général spécialement circonstanciées.

Au demeurant, la révision constitutionnelle de 2008 a compliqué l'exercice en limitant à 577 le nombre maximum de députés. Je ne suis pas certaine que cette disposition soit utile...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Moi non plus !

Mme Françoise Laborde.  - ...tout en comprenant que le constituant ait voulu empêcher l'inflation des élus. Ce plafond rend la tâche plus complexe et explique l'abandon de la vieille tradition républicaine accordant au moins deux sièges à tout département métropolitain.

Parallèlement, onze sièges de députés ont été créés pour représenter les Français de l'étranger, avec une répartition géographique surprenante.

Mme Nathalie Goulet.  - Très !

Mme Françoise Laborde.  - En effet, l'un d'eux sera élu par nos compatriotes résidant en Suisse et au Liechtenstein, tandis que la campagne d'un autre devra couvrir l'Asie et l'Océanie, soit 51 millions de kilomètres carrés !

Mme Nathalie Goulet.  - Eh oui !

Mme Françoise Laborde.  - Le découpage est saugrenu, mais pas innocent, vu la sociologie des expatriés.

Bien qu'il ait saisi la commission présidée par M. Guéna, le Gouvernement n'a pas suivi toutes ses recommandations, qui tendaient à renforcer l'égalité du suffrage, la continuité et la cohérence territoriales des circonscriptions. Le Gouvernement est passé outre les observations portant sur les Alpes-Maritimes, le Cher, la Loire, le Tarn, les Yvelines ou la cinquième circonscription des Français de l'étranger pour me limiter à ces exemples.

Délimiter les circonscriptions est une tâche complexe...

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - C'est vrai.

Mme Françoise Laborde.  - ...le faire avec impartialité est une gageure. Au demeurant, satisfaits et insatisfaits se trouvent dans les deux camps politiques. Après tout, bien qu'il ait été lui aussi très critiqué en ses temps et pour les mêmes raisons, le découpage actuel n'a pas empêché l'alternance, pour la plus grande vitalité de la démocratie.

Nos collègues députés se sont livrés à de savants calculs, à des projections électorales, des extrapolations ou des projections. On a ainsi pu entendre qu'il faudrait au bloc de gauche 51,4 % des suffrages exprimés pour obtenir la majorité à l'Assemblée nationale. Tout cela est brillamment étayé, mais néglige le fait que le vote des électeurs n'est pas figé. On ne peut enfermer l'arithmétique électorale dans des formules toutes faites reproductibles à l'infini, car l'opinion de nos compatriotes fluctue, ce qui rend les calculs politiciens d'aujourd'hui sans valeur pour demain.

Par nature, ce projet de loi concerne principalement l'Assemblée nationale. Pour cette raison, et par cohérence avec les députés radicaux de gauche, la grande majorité du RDSE ne prendra part à aucun vote.

M. Jean Louis Masson.  - Lors des débats sur la loi d'habilitation, le Gouvernement s'était engagé à produire une ordonnance honnête proposant un découpage fondé sur des critères objectifs. Il avait lourdement insisté sur les garanties supplémentaires apportées par rapport à la procédure appliquée en 1986, notamment grâce à l'intervention de la commission de contrôle du redécoupage électoral (CCRE) et du Conseil d'État, deux garde-fous censés garantir une totale transparence et exclure tout charcutage électoral.

Or, propos lénifiants et statistiques trompeuses n'arrivent pas à dissimuler d'importantes anomalies. Le Gouvernement a d'ailleurs indiqué à la presse qu'il avait méconnu 21 fois l'avis de la CCRE et celui du Conseil d'État. L'ordonnance viole donc délibérément l'esprit de la loi d'habilitation et les engagements du Gouvernement.

Il reste donc à espérer que le Conseil constitutionnel examinera le détail géographique du charcutage, ce qui devrait être facile puisque la CCRE et le Conseil d'État ont déjà mis en évidence les plus flagrantes anomalies.

L'ampleur du charcutage est sans précédent. Malgré tout ce qui avait été dit en 1986 contre le ministre de l'intérieur de l'époque, M. Pasqua, le découpage qu'il avait proposé respectait un certain équilibre. Ce n'est nullement le cas cette fois-ci.





Du point de vue de l'honnêteté, le découpage de 1986 et celui de 2009 sont le jour et la nuit ! En 1986, en Moselle, il n'y a pas eu de spoliation. Cette fois, vous faites coup double : vous liquidez les deux députées femmes, une socialiste, une UMP. Vous n'avez rien négligé contre Mme Filippetti, qui est pourtant une bonne députée et qui représente la jeune génération, bref une parlementaire pleine d'avenir. Quant à la députée UMP qui m'a remplacé à l'Assemblée nationale, vous avez, pour des raisons expliquées dans Le Monde et dans Le Canard enchaîné...

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Quelles références...

M. Jean Louis Masson.  - ...réalisé une opération de billard à deux bandes.

Ce découpage laissera de graves séquelles car lors de la réforme des collectivités locales, avec la création des conseillers territoriaux, il faudra découper de grands cantons, en respectant les limites des circonscriptions. Nous paierons deux fois, le premier charcutage sera suivi d'un autre ; et ceux qui ont déjà été massacrés électoralement seront encore vos victimes.

Le cas emblématique de Metz a été commenté dans Le Monde et dans Le Canard enchaîné, il a été signalé comme l'un des quatre ou cinq cas les plus flagrants. Thionville aussi a été victime des méthodes qui ont prévalu en Moselle : on a curieusement séparé une petite commune de 6 000 habitants, Terville, du reste de l'arrondissement. La députée UMP de Thionville n'en est nullement responsable : il s'agit d'un reliquat de vos premières tentatives de charcutage. Vous avez voulu redécouper l'ensemble Metz-Thionville au profit de votre ami M. Grosdidier. Pour l'aider, vous avez imaginé faire tourner les cinq circonscriptions du secteur Metz-Thionville pour les placer à cheval sur les limites d'arrondissement. Le tollé a été tel, parmi les députés de droite comme de gauche, que vous avez reculé... au profit d'un charcutage encore plus scandaleux au sein de la ville de Metz. L'idée bizarre de séparer Terville du reste de l'arrondissement a subsisté. Mais ce n'est pas une coïncidence : les arrière-pensées politiques sont évidentes, puisque le maire de cette commune s'était présenté contre le député UMP sortant aux dernières élections législatives et compte se présenter à nouveau aux prochaines élections. Toute cette affaire est affligeante. (Applaudissements sur de nombreux bancs socialistes ; Mme Françoise Laborde applaudit aussi)

Mme Catherine Troendle.  - (Applaudissements sur les bancs UMP) Le projet de ratification de l'ordonnance de juillet 2009 constitue l'aboutissement d'un travail rigoureux, courageux et équilibré, engagé il y a dix-huit mois. C'est grâce à l'action du Président de la République et de son Gouvernement que l'exercice difficile du redécoupage a été lancé. (M. Pierre-Yves Collombat applaudit à tout rompre ; Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'esclaffe) Je tiens à saluer l'équilibre, la sincérité et la rigueur du travail opéré par M. Marleix. (Applaudissements à droite ; on renchérit ironiquement à gauche) Il en résulte un redécoupage nécessaire et transparent, destiné à rendre notre démocratie plus représentative et plus efficace. (On se gausse sur les bancs socialistes et CRC-SPG)

M. Guy Fischer.  - La brosse à reluire !

Mme Catherine Troendle.  - Comme l'a souligné le Conseil constitutionnel dans ses observations des 15 mai 2003 et 7 juillet 2005, le redécoupage était devenu indispensable pour remédier aux écarts démographiques. Depuis 1986, malgré les recensements de 1990 et de 1999, il n'y a pas eu d'ajustement et les demandes du Conseil constitutionnel étaient de plus en plus pressantes. Par exemple, la deuxième circonscription de la Lozère compte six fois moins d'habitants que la sixième circonscription du Var. Il était donc grand temps de procéder à un ajustement de la carte des circonscriptions.

Cette réforme s'inscrit dans la logique de la révision constitutionnelle qui a plafonné l'effectif global des députés à 577 et qui a décidé que les Français établis hors de France seraient représentés à l'Assemblée nationale.

M. Christian Cointat.  - Très bien !

Mme Catherine Troendle.  - Le Gouvernement a fait preuve d'une grande transparence. L'objet même de la réforme et l'extraordinaire difficulté des questions justifiaient le recours à une ordonnance : nous sommes là dans la tradition de la Ve République, cette procédure ayant été employée en 1958 comme en 1986, même si l'ordonnance a alors été transformée au dernier moment en projet de loi.

La transparence est incontestable. L'ordonnance a fait l'objet d'un contrôle sans précédent : elle a été habilitée dans les conditions fixées à l'article 38 de la Constitution et elle est aujourd'hui soumise à notre ratification ; elle a fait l'objet d'un avis favorable de la commission de contrôle prévue par la révision constitutionnelle à l'article 25 de la Constitution. Cette commission a approuvé la méthode dite de la tranche et son avis public a été largement suivi par le Gouvernement. (M. Bernard Frimat le conteste) Elle était composée d'éminents juristes dont l'intégrité et la compétence ne sauraient être remises en cause et elle a été validée par les commissions des lois des deux assemblées. Ses avis ont été publiés au Journal officiel. Tous les partis ont été consultés.

Le redécoupage a donc été contrôlé (rires à gauche), public et équitable. Il respecte les exigences de la Constitution et de la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui affirme que l'élection des députés doit se faire essentiellement sur des bases démographiques. La délimitation des circonscriptions doit respecter au mieux l'égalité devant le suffrage. A l'opposition qui crie à un texte de circonstance, je réponds que, loin d'avantager tel ou tel parti, ce redécoupage vise à renforcer la démocratie (protestations à gauche) en rétablissant l'égalité du vote. (M. Pierre-Yves Collombat applaudit ostensiblement)

L'Assemblée nationale n'a adopté aucun amendement sur ce projet de loi. Les députés ont estimé que l'ordonnance devait être ratifiée sans modification, dès lors que les critères posés par la loi d'habilitation et par la jurisprudence du Conseil constitutionnel étaient respectés. Le groupe UMP souscrit à la position de l'Assemblée nationale.

M. Guy Fischer.  - Je n'en reviens pas...

Mme Catherine Troendle.  - L'ordonnance n'apporte pas de modifications excessives mais donne aux voix de tous les citoyens un poids similaire. Eu égard à la traditionnelle réserve du Sénat sur les textes qui concernent exclusivement les députés, notre rapporteur nous propose d'adopter le présent projet sans modification. Le groupe UMP suivra cette position et votera ce projet de ratification afin de rendre notre démocratie plus représentative, plus transparente et plus efficace. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Un bon petit soldat.

M. Guy Fischer.  - En service commandé.

M. Richard Yung.  - Cette présentation lyrique...

Mme Nathalie Goulet.  - Idyllique !

M. Richard Yung.  - ...m'a laissé coi.

Mme Nathalie Goulet.  - Il y a de quoi ! (Rires)

M. Richard Yung.  - Les Français établis hors de France se félicitent de leur nouvelle représentation à l'Assemblée nationale, qui était une proposition de notre candidate à l'élection à la Présidence de la République mais aussi une proposition du candidat élu.

Nous n'apprécions pas en revanche le recours à l'ordonnance, qui empêche l'exercice du droit d'amendements et qui est réducteur du point de vue de la démocratie. J'espère qu'à l'avenir d'autres méthodes seront préférées.

Désormais, 2,5 millions de Français hors de France sont enfin représentés au Parlement. Nous avons suivi les exemp

les italien, portugais, roumain. Bientôt nous serons imités par la Croatie et par l'Espagne.

C'est qu'il y a environ un million de Français de l'étranger inscrits sur les listes électorales, l'équivalent du dix-huitième département français. Enfin l'égalité est réelle avec les Français de métropole. Enfin nous sommes des citoyens à part entière.

M. Robert del Picchia.  - Très bien !

M. Richard Yung.  - Du reste, les représentants élus hors de France représenteront la Nation tout entière comme ceux élus en métropole. Je verse cela au débat sur l'identité nationale : on peut appartenir à la Nation sans avoir les pieds sur le sol national. Je suis à l'étranger depuis 35 ans, je me suis toujours considéré comme un Français à part entière. Je suis certain que cette novation provoquera une hausse des inscriptions sur les listes électorales, comme ce fut le cas en 2008. Je suis triste cependant que nous n'ayons pas été entendus sur la question du mode de scrutin.





Alors qu'aucun principe constitutionnel n'interdit de combiner scrutin majoritaire et proportionnel, le ministre refuse que les députés des Français de l'étranger soient élus à la proportionnelle, ce qui aurait pourtant rendu la représentation plus juste et facilité l'organisation du scrutin.

Nous aurons l'occasion de débattre des modalités du vote lors de l'examen de la deuxième ordonnance. La commission électorale, en termes choisis, met en garde contre les difficultés prévisibles...

Après le recours devant le Conseil constitutionnel, le nombre de députés a été porté de sept à onze : c'est une juste représentation de notre poids réel. Mais comme par un réflexe populiste le nombre de députés a été fixé dans la Constitution à 577, il nous faut prendre ces onze députés sur les circonscriptions de métropole : résultat, nous sommes fort mal perçus !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - C'est sûr.

M. Christian Cointat.  - C'est pourtant l'Assemblée nationale qui l'a voulu !

M. Richard Yung.  - Elle aurait dû réfléchir à deux fois. Raison de plus, en tous cas, pour que le scrutin soit irréprochable...

Nos craintes concernant la délimitation des circonscriptions étaient justifiées : plusieurs circonscriptions ne respectent ni la règle de l'écart maximum de 20 % ni le principe de la continuité territoriale. Je regrette que l'Assemblée des Français de l'étranger n'ait pas été consultée sur le projet de découpage, d'autant que nous avions élaboré un projet qui répondait aux critiques.

Le découpage a manifestement été fait « à la carte ». Au deuxième tour de l'élection présidentielle, 52 % contre 48 % ; aujourd'hui, neuf élus pour la droite, deux pour l'opposition ! (M. Guy Fischer s'exclame) Quels critères ont présidé à la délimitation des circonscriptions des Amériques ? Le déséquilibre démographique entre Amérique du Nord et Amérique du Sud est flagrant. Que dire de la cinquième circonscription, qui rattache Monaco au monde espagnol et portugais ? (Exclamations à droite et au centre)

M. Christophe-André Frassa.  - La principauté a été occupée par l'Espagne jusqu'en 1641 ! (Sourires)

M. Richard Yung.  - Que je sache, cela fait un siècle qu'elle est rattachée à la France ; entre l'Espagne et Monaco, il y a la France ! L'objectif n'est que trop évident : équilibrer les voix de gauche de l'Italie... On notera enfin le rattachement étonnant d'Israël à l'Afrique de l'Est... (Mme Nathalie Goulet s'exclame)

Nous défendrons deux amendements visant à modifier ce découpage. Nous ne pourrons voter pour un projet aussi injuste. (Applaudissements sur les bancs socialistes ; M. Guy Fischer applaudit aussi)

M. Michel Magras.  - Je partage la déception de la population de Saint-Barthélemy. L'article LO 479 du code électoral adopté en 2007 prévoyait la création d'un siège de député, ce que le Conseil Constitutionnel avait admis sous réserve d'un redécoupage général. (M. le président de la commission le confirme) Si je comprends que l'Assemblée nationale ait voulu fixer un nombre définitif de députés, je ne peux admettre que le siège de Saint-Barthélemy ait été oublié, et que le nombre de députés n'ait pas été porté à 579 lors de la révision constitutionnelle.

« Vous avez juridiquement tort parce que vous êtes politiquement minoritaires ! » avait lancé le député Laignel. En l'occurrence, Saint-Barthélemy ne sera pas représentée à part entière à l'Assemblée nationale parce que sa population est minoritaire... Mais la citoyenneté n'est pas quantifiable ! Certes, la République est indivisible, et tout député représente les citoyens français vivant à Saint-Barthélemy. Constitutionnellement, je ne peux que m'incliner. Mais, connaissant la réalité de la pratique parlementaire, je maintiens qu'un procès en légitimité a été fait à Saint-Barthélemy.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - C'est vrai.

M. Michel Magras.  - En privant les citoyens de Saint-Barthélemy de la possibilité d'élire un député, on les prive du droit de faire entendre leurs préoccupations. Chaque député est certes le dépositaire de la voix de la Nation tout entière, mais aussi, voire surtout, le porte-parole de son territoire d'élection. Difficile pour chaque député de connaître les particularismes de chaque département, et a fortiori des territoires d'outre mer... La représentation nationale se prive également du droit à être informée de ce qu'il se passe dans chacun des territoires de la République !

En application de la décision du Conseil Constitutionnel du 8 janvier 2009, le Gouvernement a considéré la fusion des collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin en une seule circonscription comme un moindre mal. Ces deux collectivités sont pourtant fort différentes : une représentation commune imposera un exercice schizophrénique à leur député. Un exemple : Saint-Barthélemy demande le passage au statut de PTOM, tandis que Saint-Martin souhaite maintenir le statut de RUP. L'amalgame sera constant, alors que Saint-Barthélemy est une collectivité autonome ! Cette fusion se justifierait tout autant avec la Guadeloupe, pour des raisons de proximité géographique, qu'avec la Lozère, puisque la République est indivisible, ou, pourquoi pas, avec les Français établis hors de France ! Il n'est d'ailleurs pas certain que le Conseil Constitutionnel valide cette circonscription commune ; sa décision tendait davantage vers un maintien des deux collectivités dans la quatrième circonscription de la Guadeloupe.

La déception est d'autant plus grande que c'est la même majorité qui a entériné en 2007 la création d'un siège avant de se dédire en 2008. Je vous remercie, monsieur le ministre, de vous être personnellement impliqué pour une circonscription à Saint-Barthélemy. Je me trouve face à un dilemme. Juridiquement, je devrais ratifier cette ordonnance, mais politiquement, cela m'est impossible. Je ne prendrai donc pas part au vote.

M. Pierre-Yves Collombat.  - A mon tour de remercier le Président de la République qui me permet d'être parmi vous aujourd'hui...

Dans ce haut lieu du bicamérisme, entendre parler de « vote conforme » me surprend toujours. Notre chambre serait-elle inutile ? Le redécoupage des circonscriptions législatives influera sur le redécoupage des cantons -et cela ne nous concernerait pas ?





Étrange conception du bicamérisme et curieuse façon de représenter les collectivités territoriales de la République. En matière de charcuterie politique, ce que le Gouvernement veut, la majorité sénatoriale le veut aussi.

Mais abandonnons le terrain politicien pour entrer sur celui de la représentation équilibrée des réelles unités de vie des territoires, en particulier des intercommunalités à fiscalité propre auxquelles chacun accorde une telle importance que le Gouvernement lui-même, si je vous ai bien entendu, se propose d'en renforcer le rôle.

Le présent découpage, on nous l'a rappelé, a été soumis à l'avis de la commission indépendante prévue à l'article 25 de la Constitution. A l'occasion de son audition par la commission des lois du Sénat, j'ai demandé à son président, Yves Guéna, s'il s'attacherait à tenir compte des réalités politico-administratives qui structurent les territoires en particulier des bassins de vie et de l'émergence récente des intercommunalités. Sa réponse figure au bulletin des commissions : il ferait en sorte, dans la mesure du possible, que les circonscriptions soient en lien avec les territoires, notamment pour éviter de disséquer les intercommunalités lorsqu'elles ont une vie réelle et n'ont pas une dimension disproportionnée qui impliquerait de les découper pour respecter l'équilibre démographique, règle première s'imposant à la commission.

A en juger aux résultats, M. Guéna et la commission qu'il préside sont tellement indépendants qu'ils le sont même de ce qu'ils pensent...

L'exemple du Var, dont la croissance démographique entraînait la création d'une circonscription supplémentaire, en est l'illustration caricaturale. On a fabriqué, avec des bouts de territoire, une huitième circonscription résiduelle couvrant tout le nord du département, des Alpes-Maritimes aux Bouches-du-Rhône, soit de l'ordre de 40 % du territoire. Pour la traverser d'est en ouest, vous avez le choix entre descendre le Verdon en kayak ou faire deux heures à deux heures et demie de route. Un pur chef d'oeuvre de tératologie ou de « je m'en foutisme » administratif.

Car, en l'espèce il n'y avait aucun enjeu politicien. Même M. Marleix aurait beaucoup de mal à fabriquer, dans le Var, une circonscription naturellement favorable au PCF.

Un autre découpage respectueux du principe constitutionnel d'égalité du suffrage et représentatif des bassins de vie et des intercommunalités était possible. Pour l'avoir proposé au préfet, je puis vous dire, M. Marleix, que « ceux qui ne se sont pas déplacés » ont gagné du temps. (On s'amuse à gauche) Je m'en suis ouvert à votre cabinet et en ai fait l'objet, en désespoir de cause, d'un amendement. Il est plaisant de se voir objecter que les limites de ces intercommunalités sont variables alors que celles des cantons actuels, en principe immuables, seront toutes remodelées dans quelques mois. Il est plaisant d'entendre que tenir compte des intercommunalités serait confier le découpage électoral aux préfets...

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Cela appartient à la loi !

(à suivre)


Séance publique du 14 décembre 2009 (1)
http://rakotoarison.over-blog.com/article-doc-41259741.html

Séance publique du 14 décembre 2009 (2)
http://rakotoarison.over-blog.com/article-doc-41259926.html



 

 

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