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27 avril 2012 5 27 /04 /avril /2012 06:24

La coquille vide du "pacte de croissance" a fait son chemin en Europe. François Hollande pourrait s’en réjouir, mais il reste toujours une incompatibilité entre les objectifs budgétaires affichés et un croissance qui creuserait les déficits.


yartiDraghi01Tout n’est qu’une question de ressenti dans l’information. Celle sur le pacte de croissance proposé par François Hollande est éloquente.

Voici encore une démonstration que les médias français ont définitivement abandonné le Président sortant et s’en remettent désormais à leur allégeance pour son concurrent.

Pour preuve supplémentaire, le titre d’une dépêche de l’AFP reprise intégralement ou en substance par la plupart des journaux : « Draghi donne des arguments à Hollande en prônant un pacte de croissance ».

La dépêche faisait référence aux déclarations de Mario Draghi, président de la Banque centrale européenne, le 25 avril 2012 lors d’une audition au Parlement européen à Bruxelles.

Il disait en particulier : « Nous avons un pacte budgétaire (…), nous devons revenir en arrière et en faire un pacte de croissance » et de détailler ce qu’il entendait par "pacte de croissance" : il faut « faciliter l’entreprenariat, l’établissement de nouvelles entreprises et la création d’emplois. Là, les gouvernements devraient être plus ambitieux. ».

Et il a ajouté : « Nous avons besoin de croissance, de croissance sous forme d’initiatives pérennes, pas juste de programmes de conjoncture, qui creuseraient encore la dette publique, mais de croissance, sous forme de réformes structurelles. ».

Saisissant au bond, le candidat socialiste François Hollande en a profité pour saluer ces déclarations dans sa conférence de presse du 25 avril 2012 : le fait que « le pacte budgétaire devait être complété par un pacte de croissance » et que Mario Draghi « a ajouté même qu’il serait utile de revenir en arrière et de donner la priorité à l’éducation, la recherche, les grandes infrastructures ».

Pourtant, la dépêche de l’AFP était assez claire : « Les effets néfastes sur la croissance ont ravivé en Europe le débat sur le bien-fondé de l’austérité mais M. Draghi a justifié les sacrifices de court terme par l’objectif d’arriver à une économie plus compétitive. ».

Or, cette réflexion était exactement le discours de François Bayrou, celui de dire que tant qu’il n’y a pas eu d’assainissement des comptes publics, il n’y aura aucune possibilité de croissance durable. Et ce n’est pas du tout le discours que tient François Hollande qui sombre dans les vieilles ficelles de la relance par la demande, or, la demande ne pourrait que doper la consommation et donc creuser le déficit du commerce extérieur si la gouvernement ne s’attaquait pas à réimplanter la production en France.

Visiblement, l’expression "pacte de croissance" est une belle vitrine qui ne signifie rien si l’on ne pose pas clairement ce qu’on veut y mettre.

Dans sa chronique du 26 avril 2012, le journaliste Daniel Schneidermann l’a bien remarqué : « Bombe de gauche, bombe de droite ? Parce qu’il y a deux recettes de croissance possibles. Recette de gauche (investissements publics, relance, ou même, soyons fous, création monétaire) et recette de droite (flexibilité, exercice de yoga, ou Dieu sait comment on l’appelle, du marché du travail). Qu’a voulu dire Draghi ? Personne ne sait. (…) Ni ce qu’il a voulu dire, ni pourquoi il l’a dit maintenant (coup de pouce anticipé de bienvenue à Hollande ? Situation de l’Espagne ? Crise gouvernementale aux Pays-Bas ?) ».

Pourtant, l’idée est très claire puisque Mario Draghi a parlé de renforcer la compétitivité des entreprises européennes.

D’ailleurs, François Hollande a bien été obligé de reconnaître le 26 avril 2012 sur France Info que les mesures prônées par Mario Draghi n’étaient pas les siennes même si le fait de vouloir accompagner la rigueur budgétaire par des mesures pour favoriser la croissance correspondait à ce qu’il clamait depuis plusieurs semaines.

Et finalement, bien que pas encore élu (peut-être jamais bien que favori), François Hollande peut se satisfaire d’avoir fait bouger les lignes en Europe.

En effet, au cours d’un colloque de chefs d’entreprise à Bruxelles, Mario Monti, le chef du gouvernement italien, en a clairement accepté l’idée le 26 avril 2012 : « Sans demande, la croissance ne se matérialisera pas. Toutes les réformes que nous mettons actuellement en place sont déflationnistes. ».

Le même jour, c’est Elio Di Rupo, le Premier Ministre belge, qui l’a également affirmé : « Je plaide pour un pacte européen sur la croissance. ».

Même Hermann Van Rompuy, récemment reconduit à la Présidence du Conseil européen, a admis que la croissance était « la première priorité des dirigeants européens » et voudrait même planifier une réunion informelle sur le sujet d’ici deux mois, selon l’agence Reuters.

Mais tout cela n’est que jeu de mots, car Mario Monti et Hermann Van Rompuy ont rejeté, comme Mario Draghi, toute relance classique. Mario Monti : « Nous rejetons les vieilles politiques consistant à fabriquer de la croissance en creusant les déficits (…) et des croissances sans lendemain. » ce que propose justement François Hollande avec le recrutement de 60 000 fonctionnaires par exemple ; Hermann Van Rompuy : « Les réformes structurelles (…) feront la différence avec le temps. (…) Nous devons dire la vérité. Il n’y a pas de formule magique, les réformes prennent du temps et il en est de même pour leur impact sur l’emploi et la croissance. ».

Qu’en penser de tout cela ?

Que les évidences s’énoncent avec une connotation électorale particulière en France. C’est évident que la croissance est l’objectif de tout gouvernement responsable, mais un croissance saine qui ne joue pas sur le surendettement des États.

L’Allemagne, la plus orthodoxe des Européens, refusent toute relance qui affolerait les marchés et ferait renaître la crise des dettes souveraines.

La chancelière allemande Angela Merkel, qui soutenait les propos de Mario Draghi, a d’ailleurs précisé : « Les charges salariales ne doivent pas être trop élevées, les barrières sur le marché du travail doivent être basses, afin que chacun puisse trouver un emploi. ». Ce qui serait le chemin inverse si François Hollande venait au pouvoir et remettrait en cause la réforme des retraites, ce qui nécessiterait une augmentation mécanique des charges salariales et il y aurait de nombreuses concessions aux partisans communistes de Jean-Luc Mélenchon.

Il est clair que toutes ces déclarations européennes ne visent pas à conforter François Hollande mais surtout à anticiper son éventuelle élection pour éviter toute paralysie dans les instances européennes.

François Hollande peut donc être content d’avoir fait bouger quelques lignes, mais sur le fond, son programme économique va à l’encontre de ce qui est prôné par la plupart des chefs de gouvernement de la zone euro : pas de croissance qui creuserait les déficits !


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (27 avril 2012)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
L’euro.
Herman Van Rompuy.
L’Europe.
Les propositions sur la croissance de l'Institut Montaigne (document intégral).

yartiDraghi02

 

http://www.agoravox.fr/actualites/europe/article/la-draghi-haute-tenue-aux-115611

 

 

 

 

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