Au bout d’un mois de calvaire et de chausse-trappes, les deux candidats à la présidence de l’UMP se sont entendus pour laisser l’année 2013 en jachère.
Dans la soirée du 17 décembre 2012, François Fillon et Jean-François Copé ont trouvé un accord pour mettre fin au conflit surréaliste qui plombait l’UMP depuis le 18 novembre 2012.
Il était temps car les deux protagonistes se sont considérablement affaiblis pendant ce mois de lutte. L’un, Jean-François Copé, inspire désormais moins confiance que Marine Le Pen ; l’autre, François Fillon, moins que François Hollande pourtant lui-même encore en perte de vitesse dans les sondages.
Que dit l’accord en sept points ?
(On peut lire le texte intégral ici).
1. Qu’une nouvelle élection du président de l’UMP aura lieu avant le début de la rentrée parlementaire d’octobre 2013. Concrètement, le premier tour pourrait avoir lieu le 15 septembre 2013 et le second tour le 22 septembre 2013. La campagne aurait lieu entre juillet et septembre 2013.
2. Une haute autorité choisie par le conseil national veillera au bon déroulement de cette élection et sera indépendante de la direction de l’UMP qui ne sera pas chargée de ce scrutin.
3. En cas de candidature, l’un des dirigeants de l’UMP devra se mettre en réserve durant le temps de la campagne interne.
4. Un comité de rédaction, composé en particulier des anciens Premiers Ministres, anciens Présidents de l’Assemblée Nationale ou du Sénat et des anciens secrétaires généraux, proposera de nouveaux statuts, un nouveau règlement intérieur et les règles pour l’organisation d’une primaire pour la présidentielle de 2017.
5. Une équipe dirigeante sera installée en début janvier 2013 et sera composée d’un président, de deux vice-présidents (dont un délégué) et de deux secrétaires générales (dont une déléguée).
6. Avec la mise en place de la nouvelle direction, les deux groupes UMP à l’Assemblée Nationale seront réunifiés.
7. François Fillon renonce à toute procédure devant la justice à propos de l’élection du 18 novembre 2012. Jean-François Copé aussi.
Premières remarques
François Fillon a réussi à faire adopter le principe d’un nouveau vote grâce à son double chantage, celui de la scission du groupe parlementaire et celui d’un éventuel recours devant la justice civile. La démonstration a été faite qu’il était capable d’aller jusqu’au bout avec la constitution du groupe R-UMP. En revanche, il était peu probable qu’il déposât une plainte au Tribunal de grande instance de Paris dans la mesure où toute réconciliation aurait alors été impensable par la suite.
Cependant, c’est l’initiative de l’ancien Président de l’Assemblée Nationale Bernard Accoyer le 11 décembre 2012 qui a été le catalyseur d’un accord, alors que Jean-François Copé, voulant gagner du temps, avait pourtant décidé de remettre en janvier 2013 toute nouvelle suggestion d’accord. Cette initiative aurait été désastreuse pour l’image interne de Jean-François Copé puisqu’il était convenu que ce mardi 18 décembre 2012, les 340 parlementaires auraient décidé dans une grande majorité pour un nouveau vote avant l’été prochain. Bernard Accoyer l’a rappelé sur i-Télé : « Nous nous réjouissons que notre décision de cette rencontre de tous les parlementaires ait pu presser à la solution heureusement trouvée. ».
C’est l’ancien Premier Ministre Jean-Pierre Raffarin, très discret pendant toutes ces semaines, qui a été le principal ciment entre les deux parties. Ni Alain Juppé, ni Édouard Balladur, ni Nicolas Sarkozy n’ont été capables d’arrêter la surenchère de la querelle. Jean-Pierre Raffarin peut en ressentir une petite fierté personnelle.
La date de la nouvelle élection du président de l’UMP en septembre 2013 n’a aucun sens : soit l’élection proclamée du 18 novembre 2012 était à annuler et dans ce cas, le nouveau vote aurait dû avoir lieu dès que possible (mars ou avril 2013), soit l’élection était à confirmer et dans ce cas, le mandat du président proclamé aurait dû aller jusqu’à novembre 2015. Cet accord mi-figue mi-raisin avantagera en fait l’un et pas l’autre (voir plus loin).
La suite ?
En début janvier 2013, Jean-François Copé sera donc conforté dans ses fonctions de président de l’UMP. Probablement que Luc Chatel sera le vice-président délégué, Laurent Wauquiez le vice-président, Michèle Tarabot la secrétaire générale et Valérie Pécresse la secrétaire générale déléguée. Ainsi, les deux équipes seront réunies en cogestion d’une direction provisoire pendant neuf mois avec comme but, en dehors de tenir l’opposition au gouvernement, de préparer un nouveau fonctionnement interne plus adapté à l’époque moderne.
Dès le lendemain de l’accord, Jean-François Copé s’est montré visiblement soulagé en se disant "heureux" tandis que François Fillon a annoncé qu’il prendrait sa décision d’être de nouveau candidat ou pas en juin tout en laissant entrevoir qu’il pourrait se représenter et qu’il n’abandonnerait pas ses fidèles.
La différence dans cette nouvelle élection, c’est qu’il y aura sans doute plus de deux candidats, avec des personnalités qui avaient refusé de prendre position mais qui n’avaient pas réussi à trouver assez de parrainages pour se présenter. Nul doute que des élus comme Nathalie Kosciusko-Morizet ou Bruno Le Maire auront forcément ces parrainages s’ils souhaitent encore devenir candidats.
Et François Fillon ? A-t-il fait une bonne "affaire" ? À mon avis, non. Soutenu par Alain Juppé, Édouard Balladur, Gérard Larcher et Bernard Accoyer dans sa volonté de faire un nouveau vote avant juin 2013, François Fillon a probablement perdu la partie. Pourquoi ? Parce qu’il a accepté le principe que Jean-François Copé reste président de l’UMP jusqu’en septembre 2013.
Ce dernier est d’ailleurs très explicite et n’hésite pas à récupérer à son profit l’accord avec une audace stupéfiante. Non seulement il a voulu souligner qu’il était à l’origine de l’accord (alors que c’était lui qui bloquait tout) mais il a montré aussi qu’il n’a jamais renoncé à sa légitimité de président de l’UMP : « C’est moi qui ai proposé une nouvelle avancée en disant à François Fillon, il faut en sortir, je propose donc d’il y ait une élection anticipée à la présidence de l’UMP dès la fin de l’été » pour finir par assurer : « Les militants voulaient que ça s’apaise, voulaient qu’on retrouve le chemin du collectif, et le rôle du président de l’UMP que je suis était de dire OK, d’accord, il y a besoin de retrouver ce chemin, je prends mes responsabilités, je propose une élection anticipée en septembre. ».
Comme on le voit, Jean-François Copé n’a lâché sur rien, et compte bien mettre à profit ces neuf prochains mois comme président non contesté de l’UMP pour asseoir tant dans les esprits et auprès des médias que dans les faits l’idée qu’il est le seul chef de l’opposition. L’existence politique de François Fillon sera donc plus fragile à assurer. Il sera d’ailleurs intéressant d’observer si les deux leaders reprendront la surenchère de radicalisation comme l’été 2012 ou si au contraire, Jean-François Copé étant suffisamment avisé, ce dernier se garderait d’en rajouter sur les pains au chocolat et autres scories du discours de droite décomplexée.
L’UMP de 2012, comme le PS du 2007 ?
L’épisode de novembre-décembre 2012 aura donc été pour l’UMP aussi dévastateur que celui du congrès de Reims en novembre 2008. Pourtant, l’UMP avait décidé de se mettre en ordre de bataille dès sa défaite électorale du printemps, sans attendre, au contraire du PS où son premier secrétaire de l’époque, François Hollande, avait tout fait pour prolonger son mandat d’un an et demi afin d’éviter le choc friontal des présidentiables (à l’époque, surtout Dominique Strauss-Kahn et Ségolène Royal).
Finalement, l’UMP choisira sa direction définitive seulement au même moment, en automne 2013. Elle organisera également une primaire en 2016, comme le PS en 2011. La question concernant l’identité du futur candidat UMP à l’élection présidentielle de 2017 est cependant moins indéterminée qu’au PS de 2007. Il est clair qu’il ne reste que deux candidats vraiment crédibles et capables de gagner en 2017 face au Président sortant, Jean-François Copé et François Fillon. Les autres candidats susceptibles d’être crédibles (dont Xavier Bertrand) auront bien du mal, pendant seulement quatre années et dans l’opposition (donc sans aucune capacité d’agir) à prendre de l’envergure. Et même un retour de Nicolas Sarkozy paraît improbable, lui qui a montré qu’il n’avait même plus d’autorité sur son ancien parti (comme François Mitterrand au congrès de Rennes en 1990). Valéry Giscard d’Estaing non plus n’a jamais réussi à revenir dans la course présidentielle après 1981, et ce n’était pourtant pas l’envie qui lui manquait.
Jean-François Copé peut savourer son accord.
François Fillon vient de lui faire un très beau cadeau de Noël…
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (18 décembre 2012)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
L’accord Copé-Fillon du 17 décembre 2012 (texte intégral).
Jacques Chirac.
Nicolas Sarkozy.
François Fillon.
Jean-François Copé.
La désarkozysation de l’UMP.
Fillon vs Copé.
Le scénario catastrophe.
Un sérieux rival pour l’UMP ?
http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/ump-la-fin-du-desastre-vertigineux-127745
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