Extraterrestre du paysage politique français, loin du microcosme "germanopratin" (!), un homme détone parmi les autres…
Dans la Ve République où tout converge vers l’élection présidentielle et le choix d’un homme providentiel pour diriger la destinée du pays pendant cinq ans, le choix du candidat est évidemment essentiel. Jusqu’en 2012, il se basait essentiellement sur une sorte de droit de candidature divin. Ou plutôt, de figure d’homme providentiel. Ou de femme providentielle (le raisonnement reste le même).
Évidemment, tout le monde ne pouvait avoir la légitimité historique de De Gaulle. C’est d’ailleurs pour cela que De Gaulle avait souhaité faire élire le Président de la République française par l’ensemble des citoyens, car il avait bien compris qu’après lui, seul le sacre du suffrage universel pouvait servir de légitimité politique à ses successeurs. Servir d’onction suprême et inattaquable.
Étonnamment, le parallélisme de l’homme providentiel s’esquissa également dans l’opposition avec la candidature quasi-permanente de François Mitterrand, à tel point qu’un rival comme Michel Rocard s’est senti obligé de s’effacer à deux reprises, en 1981 et en 1988.
Cela n’empêcha pas des divisions dans les différents camps, mais elles se géraient naturellement à l’occasion du premier tour de l’élection présidentielle, qui servait de "primaire à la française" : les duels entre Jacques Chaban-Delmas et Valéry Giscard d’Estaing, entre ce dernier et Jacques Chirac, puis, entre Jacques Chirac et Raymond Barre puis Édouard Balladur avaient permis de sélectionner le candidat du second tour avec plus ou moins d’élégance.
Mais la mécanique s’est vite cabrée en 2002, comme elle s’était déjà cabrée en 1969, en ne permettant pas un duel camp contre camp. La candidature de droit divin, plus prosaïquement légitimée par des sondages favorables (ce fut le cas notamment d’Édouard Balladur et Ségolène Royal), avait vécu.
On a commencé alors à s’américaniser en imaginant un mécanisme de sélection des candidats qui n’avait plus rien à voir avec l’esprit de la Ve République (une personnalité face à son peuple) et qui va alimenter le régime des partis en leur donnant la part prédominante (d’où les réflexions sur l’intérêt d’une élection présidentielle). Cela a commencé par la primaire socialiste d’octobre 2011 qui fut un succès puisqu’elle a abouti à la victoire élyséenne de François Hollande. Et par ricochet, profondément divisée, l’UMP a elle aussi emboîté le pas le 14 mai 2013 sur le principe d’une primaire tout aussi ouverte en 2016.
Le constat ?
L’absence de personnalité providentielle.
Pourtant, l’opposition parlementaire ne manque pas de personnalités expérimentées…
À ceux qui s’inquiètent des idées de Jean-François Copé.
À ceux qui s’interrogent sur la perspicacité de François Fillon.
À ceux qui regrettent le dynamisme de Jacques Chirac.
À ceux qui ne regrettent pas le dynamisme de Nicolas Sarkozy.
À ceux qui se désolent des errements de François Bayrou.
À ceux qui doutent de la volonté de Jean-Louis Borloo.
À ceux qui sourient en écoutant Jean-Pierre Raffarin.
À ceux qui oublient l’ancienne toute puissance d’Alain Juppé.
À ceux qui trouvent encore trop jeune François Baroin.
À ceux qui estiment déjà trop âgé Édouard Balladur
À ceux qui s’étonnent du chemin pris par Nicolas Dupont-Aignan.
À ceux qui veulent ressusciter Philippe Séguin.
À ceux qui croient que Valéry Giscard d’Estaing est déjà disparu.
À ceux qui pleurent avec Simone Veil.
À ceux qui voudraient réconcilier Georges Pompidou, Edgar Faure et Jean Lecanuet.
À ceux qui refusent cette marche inaltérable du temps politique...
…À tous ceux-là, on pourrait leur dire : il y a un homme, silencieux et absent, ne comprenant pas grand chose à la politique politicienne, qui, pourtant, a déjà fait beaucoup pour la politique française et qui prône l’unité nationale (comme François Bayrou) : Dominique de Villepin.
Son âge (il va avoir bientôt 60 ans), sa formation (il est de la même promotion, à l’ENA, que Ségolène Royal et François Hollande), son aisance littéraire et sa capacité lyrique à insuffler de l’historique dans le banal (un peu à la manière d’un Jack Lang), sa stature internationale… tout pourrait en faire un parfait candidat à l’élection présidentielle en 2017… si ce n’est qu’il n’a jamais été qu’un électron libre refusant de se frotter à la dure loi du milieu politique, à savoir, rassembler ses amis dans un véritable parti. Raymond Barre, qui a un peu mieux réussi dans ses visées présidentielles, avait commis la même erreur au printemps 1985 en refusant de créer un parti spécifiquement barriste.
Pourtant, Dominique de Villepin, dont le talent national fut surtout d’avoir prononcé son important discours à l’ONU contre la guerre en Irak, n’est pas prisonnier des fatalités de la pensée ; au contraire, puisqu’il fut le seul responsable politique (en tout cas, le seul audible nationalement, avec Christine Boutin) à proposer un début de revenu universel.
Ses adversaires rappelleront évidemment le désastre politique du CPE au printemps 2006 : vote de la loi, manifestations, et non application de l’une loi pourtant promulguée ; tout pour encourager la "manif pour tous" malgré la promulgation de la loi sur le mariage des couples homosexuels le 18 mai 2013, la signature de son premier décret d’application le 24 mai 2013 et la célébration du premier mariage le 29 mai 2013 à Montpellier à grand renfort de médias, à la limite de la légalité républicain puisque juridiquement, il aurait fallu compter au moins dix jours après la publication, le 28 mai 2013, du décret d'application.
Ses adversaires rappelleront également son indigence électorale : aucun mandat électif, pas même de simple conseiller municipal d’une petite commune, et surtout, un grand mépris vis-à-vis des parlementaires. Son sens de l’État est celui du service, celui du haut fonctionnaire, dans des responsabilités confiées au mérite et pas soumises aux suffrages du moins disant.
Un peu volontaire, un peu incantatoire, un peu perspicace, un peu velléitaire, Dominique de Villepin aurait pu devenir le Raymond Barre du mandat de François Hollande, capable de donner bons et mauvais points depuis sa stature du commandeur. Mais finalement, il a tout fait pour n’être même pas un Michel Debré.
Mais où est donc Dominique de Villepin ?
La réponse vient d’être trouvée dans les écrans radar.
Il aurait récemment été aperçu au Qatar, en Afghanistan, en Turquie (parlant du génocide arménien), puis au Vietnam, et aussi en Malaisie…
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (3 juin 2013)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Assurancetourix ?
République solidaire et le revenu universel.
Les moulins de l’UMP.
Le gaullisme politique.
http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/mais-ou-est-donc-dominique-de-136558
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