Ne rien faire, rester indifférent, fermer les yeux, c’est tuer les valeurs qui ont contribué à la naissance de l’Union Européenne.
La semaine qui vient de passer a été rouge de honte. Pas pour l’Europe mais pour le Monde, pour l’idée qu’on peut se faire de l’humain, de l’humanité. Des centaines de migrants ont trouvé la mort dans les eaux glauques de la Méditerranée. Depuis plusieurs années, ce sont des dizaines de milliers de personnes qui ont trouvé la mort pour tenter leur chance au-delà de leur continent.
Ces tragédies ne sont pas nouvelles, hélas, et depuis les révolutions arabes, notamment avec les fortes instabilités en Libye, en Irak et en Syrie, les drames continuent sans cesse. Le 3 octobre 2013, il y avait déjà eu ce genre d’émotion internationale.
C’est vrai, cette émotion n’est pas permanente, elle est d’actualité parce que le nombre de victimes est élevé, elle sera probablement oubliée dans quelques jours, on y reviendra un peu plus tard lors d’un nouveau drame, mais c’est chaque jour que le drame se noue, chaque jour que la vie humaine est insultée pour les considérations très vénales des passeurs.
Il ne faut pas rejeter cette émotion. Elle est mieux que rien. Elle est mieux que l’indifférence. Elle est le nécessaire germe de réflexion pour changer les choses. Elle ne fera pas changer les choses, seule, mais sans émotion, la situation n’aurait aucune chance de ne pas évoluer.
Rappelons deux constats pour la réflexion.
D’une part, l’immigration d’Afrique vers l’Europe est assez faible par rapport à l’immigration d’Afrique vers l’Afrique. Les flux migratoires ont toujours eu lieu dans l’histoire du monde, ils sont une constante logique de l’humanité : quand son pays est trop pauvre, quand il est en guerre, quand il est sous une dictature qui massacre des populations, on cherche forcément à trouver d’autres ressources, d’autres modes de vie pour assurer la sauvegarde des siens, leur survie. C’est logique. C’est humain.
D’autre part, il n’est pas donné à tout le monde de démarrer cette très épuisante aventure de la migration. Ce ne sont pas les plus pauvres des pays d’origine qui sont dans ces bateaux. Ce sont souvent la partie la plus instruite, la plus intellectuelle, aussi la plus riche, car la traversée coûte cher, odieusement cher. Et dans tous les cas, quelle que soit sa condition, chaque être humain qui périt est une blessure indélébile au cœur de l’humanité, une révoltante injure à l’esprit humain.
Le problème n’est pas l’immigration. Ceux qui meurent dans les eaux n’ont pas foulé le pied en Europe. Quelle que soit la manière de les accueillir ou ne de pas les accueillir, cela ne changera rien à ces tragédies qui se déroulent en amont de ces migrations.
Il est également faux de dire que si l’Europe annonçait ou décidait de refuser catégoriquement tout nouveau migrant, cela arrêterait ces tragédies. Les candidats au voyage n’ont aucune idée de toute façon de l’actualité juridique de chacun des pays européens. Certains sont pourchassés dans leur pays, ils sont en danger de mort chez eux, ils voudront faire le voyage quoi qu’il en soit, ils ne risquent pas grand chose de pire.
Donc, comment agir ?
Évidemment avec les pays d’où viennent ces bateaux. Il faudrait tout faire pour interdire le voyage. Il faudrait interdire à des bateaux si vétustes de naviguer vers leur cimetière. Il faudrait poursuivre, arrêter, condamner les passeurs, considérés par le Président François Hollande le 19 avril 2015 sur Canal Plus comme des "terroristes", et il a raison de les considérer ainsi. Il faudrait aussi tenter d’informer ces candidats à la boucherie qu’ils vont à une mort certaine en prenant ce genre de bateaux, en acceptant ce genre de conditions pour la traversée de la Méditerranée.
Évidemment, ce sera plus facile de coopérer avec certains pays plutôt qu’avec d’autres. Lorsqu’il n’y a plus d’État (Libye, Irak) ou qu’il n’y a plus de dialogue diplomatique (Syrie), une telle action devient impossible.
Alors, faudrait-il que l’Union Européenne décide de créer une brigade des mers chargée d’inspecter les bateaux sur toutes les côtes méditerranéennes avant leur départ ?
Faudrait-il faire ressusciter l’Union pour la Méditerranée proposée maladroitement par le Président Nicolas Sarkozy le 13 juillet 2008 ?
Je n’ai aucune clef, je n’ai aucune solution. C’est clair qu’il faut penser nouveau, fournir une réflexion nouvelle, originale, imaginative, pour résoudre ce problème humain essentiel. Et il faut agir rapidement. Des nouvelles tragédies surgiront dans les semaines et les mois à venir.
Se mettre autour d’une table, et laisser de côté les préoccupations partisanes, les arrière-pensées politiciennes, et travailler ensemble pour éviter les tragédies humaines à venir : c’est sans doute ce qui devrait le mieux valoriser l’action des classes politiques de tous les pays concernés, en principe au service des autres, et aussi au service d’une certaine idée de l’humain…
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (20 avril 2015)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Lampedusa en 2013.
L’Europe doit faire quelque chose.
Immigration.
François Hollande.
L’humain d’abord.
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20150420-lampedusa.html
http://www.agoravox.fr/actualites/europe/article/la-mediterranee-rouge-de-honte-166344
http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2015/04/20/31920615.html
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