« Ce n’est pas dans les aventures de caractère révolutionnaire qu’une amélioration peut être trouvée ; (…) il faut assurer la paix, établir la justice, servir le progrès social, préserver les institutions républicaines. » (Jean Zay, 1932).
Quatre personnalités hors du commun viennent d’être célébrées, ce mardi 26 mai 2015, à la cour d’honneur de la Sorbonne, à Paris. Quel retour de l’histoire pour celui qui fut insulté par Céline dans son pamphlet antisémite "Bagatelles pour un massacre" : « Vous savez sans doute que sous le patronage du négrite juif Jean Zay, la Sorbonne n’est plus qu’un ghetto. Tout le monde le sait. Mais il existe encore un sous-ghetto (...), et qui s'intitule (pour les têtards assujettis) "L'École Pratique des Hautes Études". Une synagogue en surpression ! » (1937). Jean Zay avait déjà été honoré par la France dans le grand amphi de la Sorbonne le 27 juin 1947.
Ce mercredi 27 mai 2015, leurs cendres vont être transférées au Panthéon. On pourra toujours ironiser sur ce culte républicain de panthéonisation, à la fois arbitraire et religieux, dans la grande tradition catholique des canonisations. Néanmoins, en ces temps incertains où les mémoires sont de plus en plus courtes, il n’est pas inutile de rendre hommage à des grands personnages de la nation qui furent de grands patriotes et de grands républicains : Germaine Tillion (1907-2008), Geneviève Anthonioz-De Gaulle (1920-2002), Pierre Brossolette (1903-1944) et Jean Zay (1904-1944).
Je souhaite m’arrêter plus particulièrement sur Jean Zay qui, de ces quatre personnalités, est sans doute celle qui a eu, injustement, le moins de notoriété et j’applaudis la décision du Président François Hollande annoncée le 21 février 2015 d’honorer sa mémoire aux côtés des trois autres.
Il serait néanmoins inexact d’évoquer pour lui un acte de Résistance puisqu’il n’en a pas eu le temps. Revenons rapidement sur sa trajectoire.
Comme le montrent déjà les dates, il fut un précoce de la méritocratie républicaine telle que la IIIe République savait en former au début du siècle dernier. Né le 6 août 1904 à Orléans, Jean Zay fut le fils d’un radical d’origine juive alsacienne et d’une protestante. Pourquoi me suis-je senti obligé d’évoquer ses origines religieuses ? Parce que Jean Zay, élevé dans la religion protestante, a été avant tout un laïque, un libre penseur comme son père qui avait quitté le judaïsme, adhérent dès le lycée des Jeunesses laïques et républicaines, puis un peu plus tard, le 24 janvier 1926, initié au Grand Orient de France, et donc peu porté vers les religions. Pour les Juifs, cette caractéristique se transmet par la mère, mais comme pour de nombreuses personnes d’origine juive, ce furent les antisémites qui en ont "fait" des Juifs. Et la foi, de toute façon, ne s’impose jamais pas le sang ni la génétique.
Un parlementaire très actif
Brillant lycéen et étudiant en droit, il est devenu avocat à Orléans en 1928, à l’âge de 24 ans. Engagé politiquement trois ans auparavant au sein du Parti radical, le principal parti républicain à l’époque, celui d’Édouard Herriot, il fut élu député du Loiret en battant le député sortant, grand notable fortuné, issu de la démocratie chrétienne (PDP, ancêtre du MRP) le 8 mai 1932 avec 51,0% des voix, à l’âge de 27 ans. Il fit partie des jeunes députés pleins d’avenir et de talent élus en 1932, génération montante du Parti radical, favorable au fédéralisme européen et opposée au libéralisme économique, aux côtés de Pierre Mendès France (25 ans), ou de plus anciens comme Pierre Cot (1895-1977) ou encore d’essayistes comme Bertrand de Jouvenel (193-1987). C’est d’ailleurs Jean Zay qui défendit, comme rapporteur général au 32e Congrès du 24 au 27 octobre 1935 à Paris, l’adhésion du Parti radical au Front populaire, au point qu’il fut considéré parfois comme un sous-marin de Léon Blum chez les radicaux. Ce choix de l’aile gauche, c’était peut-être la conséquence de ses années où il fut étudiant et obligé en même temps de travailler pour se payer les études.
S’occupant beaucoup des affaires locales (aérodrome de Bricy, aide aux personnes licenciées de la Compagnie des tramways du Loiret, etc.), Jean Zay confirma son implantation locale en se faisant élire conseiller général du canton Orléans-Nord-Est le 14 mars 1937 puis réélu le 17 octobre 1937.
À la Chambre des Députés, Jean Zay fut secrétaire par l’âge puis élu secrétaire le 8 janvier 1935 et réélu le 14 janvier 1936. Il fut membre de la commission du commerce et de l’industrie et de la commission de législation civile et criminelle (dont il fut secrétaire en 1935), ainsi que membre de la commission d’enquête chargée de rechercher les responsabilités encourues depuis l’origine de l’affaire Stavisky. Son activité parlementaire fut focalisée sur les enjeux économiques et sociaux et ses autres positions politiques s’entendaient également lors de chaque congrès du Parti radical (depuis celui de 1931) et dans ses articles à "La France du Centre".
En politique étrangère, Jean Zay fut favorable à une fédération des États européens (à l’instar de Victor Hugo puis d’Aristide Briand), critiqua ouvertement la non-intervention française dans la guerre civile espagnole, réprouva les visées colonialistes du duce italien Benito Mussolini en Éthiopie, et s’opposa aux accords de Munich.
Un ministre jeune et boulimique
Remarqué par Albert Sarraut, Président du Conseil, Jean Zay fut nommé, à 31 ans, Sous-secrétaire d’État à la Présidence du Conseil du 24 janvier 1936 au 4 juin 1936 (avant le Front populaire), puis, réélu député du Loiret le 3 mai 1936 avec 54,4% des voix, il fut nommé par Léon Blum, nouveau chef du gouvernement, Ministre de l’Éducation nationale (en charge aussi des Beaux-arts), le 4 juin 1936 (à l’âge de 33 ans), poste qu’il occupa longtemps, jusqu’au 13 septembre 1939, dans les cinq gouvernements successifs (dirigés alternativement par Léon Blum, Camille Chautemps et Édouard Daladier).
Parmi les collaborateurs illustres de Jean Zay, il y a eu deux sous-secrétaire d'État, le Prix Nobel de Physique Jean Perrin, à la Recherche scientifique, et Léo Lagrange, à l'Organisation des Loisirs, chargé de mobiliser tout le tissu associatif pour développer les loisirs de masse, les auberges de jeunesse et ce qui sont devenues, sous André Malraux, les maisons de la culture et de la jeunesse (MJC).
Parmi les collaborateurs illustres de Jean Zay, il y a eu deux sous-secrétaire d'État, le Prix Nobel de Physique Jean Perrin, à la Recherche scientifique, et Léo Lagrange, à l'Organisation des Loisirs, chargé de mobiliser tout le tissu associatif pour développer les loisirs de masse, les auberges de jeunesse et ce qui sont devenues, sous André Malraux, les maisons de la culture et de la jeunesse (MJC).
Rue de Grenelle, travailleur acharné, Jean Zay a été un véritable réformateur, à l’instar de Jules Ferry au début de la IIIe République. Reprenant l’idée de Victor Hugo d’une école pour tous, y compris ceux qui n’ont pas beaucoup d’argent, Jean Zay voulait que les citoyens fussent suffisamment instruits pour pouvoir prendre position de manière éclairée à chaque question nationale, et cela ne pouvait que passer par une meilleure éducation et culture pour tous. Parmi ses réalisations concrètes, l’obligation de scolarisation jusqu’à 14 ans (au lieu de 13 ans comme le proclamait la loi du 28 mars 1882) par la loi du 13 août 1936 (la première discussion générale a eu lieu dès le 26 juin 1936 !), et aussi l’introduction du sport dans les heures d’enseignement (arrêté ministériel du 23 mars 1938) et de la médecine préventive scolaire (décret-loi de 1939).
Jean Zay fut à l’origine de nombreux organismes aujourd’hui essentiels dans la vie intellectuelle, culturelle et scientifique du pays, en particulier du Centre national de la Recherche scientifique (CNRS), créé le 19 octobre 1939, des futurs CROUS (centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires) créés le 16 avril 1955, de l’École nationale d’administration (ENA) qui fut instituée à la Libération par Michel Debré par l’ordonnance n°45-2283 du 9 octobre 1945 (à partir du projet de loi adopté par les députés le 27 janvier 1938), et même du Festival de Cannes, dont le premier jour d’ouverture fut prévu le 1er septembre 1939 mais reporté au 20 septembre 1946 à cause de la guerre.
Jean Zay fut aussi à l'origine du Palais de la Découverte, ouvert à l'occasion de l'Exposition universelle de 1937, devanture de la science en France mais aussi maison des vocations scientifiques. L'idée de Jean Perrin était de transmettre aux enfants et aux jeunes la passion de la science pour que la France formât de nombreux chercheurs.
Jean Zay fut également très actif dans d’autres domaines culturels, pour les musées nationaux (en prenant en compte l’art populaire), les théâtres, mais aussi développa le tourisme populaire et le camping, encouragea les recherches archéologiques, réorganisa l’enseignement artistique, préleva en faveur du budget des Beaux-arts sur le produit des ressources provenant de la redevance sur les appareils récepteurs de la radiodiffusion (la redevance télévision a une longue tradition !), augmenta le budget pour de nouvelles constructions scolaires, etc.
Deux projets de Jean Zay notamment n’ont pas abouti, celui de 1938 sur les droits d’auteurs (il se heurta à une opposition frontale des éditeurs, menée par Bernard Grasset) et une réforme profonde déposée le 5 mars 1937 pour créer un enseignement primaire unique où il souhaitait élargir l’accès au secondaire avec une classe d’observation pour mieux orienter les élèves dans l’une des trois sections possibles, classique, moderne ou technique, avec un diplôme sanctionnant les quatre premières années d’études, futur brevet des collèges (là aussi, la réforme fut victime de l’opposition multiple des partisans du statu quo).
Zay bashing
Comme on le voit, Jean Zay a beaucoup agi dans ses attributions ministérielles mais son action a été peu connue dans la mythologie du Front populaire. Cependant, l’origine juive de Jean Zay a été un "filon" pour les adversaires du Front populaire et Jean Zay fut régulièrement insulté par la presse d’extrême droite dans années 1930. Celle-ci était parvenue à se procurer un poème écrit pour un jeu littéraire par Jean Zay le 9 mars 1924, en imitant Gustave Hervé, pour évoquer l’horreur de la Première Guerre mondiale. Cet écrit à l’âge de 19 ans resta collé à sa peau de parlementaire ou de ministre comme la preuve qu’il aurait été un représentant de l’anti-France. Une campagne pas plus digne que celle qui a tué le Ministre de l’Intérieur Roger Salengro.
Jeune parlementaire plein d’espoirs, Jean Zay avait surtout suscité les réactions classiques d’observateurs envieux, aigris ou dubitatifs (comme on le retrouve encore de nos jours pour de jeunes personnalités comme Emmanuel Macron).
Odette Panier écrivit ainsi, le 7 novembre 1935, peu avant la nomination de Jean Zay : « Jean Zay, c’est évidemment peu de chose, mais c’est, si l’on peut dire, un néant plein d’agitation, plein d’ambitions. (…) Il n’est pas de ces gens qui trahissent bêtement, gratuitement. Lui, quand il trahira, ce sera pour quelque chose qui en vaille la peine. Un portefeuille par exemple. » ("Candide"). On aurait pu décliner ce genre de propos pour le début de carrière de Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, Laurent Fabius ou encore Jean-François Copé.
Une fois nommé ministre à un poste très exposé, l’instruction de tous les jeunes Français, Jean Zay reçut des insultes très violentes qui n’hésitaient plus à sombrer dans l’antisémitisme.
Jamais en manque de passion, Charles Maurras ne mâchait pas ses mots le 5 juin 1936, au lendemain de sa nomination à l’Éducation nationale : « Mais ce polisson de Jean Zay ! Son avancement signifie que l’on a tenu à la qualité dans le pire. (…) Le Juif Jean Zay se prépare donc à "éduquer" la nation en lui inculquant que le drapeau est de la "race vile des torche-culs" [de l’expression de son poème polémique]. Nous ne brodons pas. (…) Voilà à qui est confiée l’Éducation nationale. Quelle outrance ! Quelle folie ! Quel défi à la patrie, à la mémoire de nos morts protecteurs et sauveurs ! En grimpant au sommet, la névrose juive s’étant déclarée, les imprudents ascensionnistes ont perdu la tête. » ("L’Action française"). Le journal royaliste de Montpellier "L’Éclair" avait le 13 mars 1937 son propre qualificatif : « Jean Zay le décivilisateur… » (étrangement, les mots perdurent dans l’outrance).
Évoquant le poème polémique comme un "erreur de jeunesse", certains n’en étaient pour autant pas plus bienveillants. Le député Xavier Vallat se scandalisa le 6 juin 1936 de sa nomination : « Je considère comme une provocation d’avoir confié à monsieur Jean Zay le soin de veiller à l’éducation de la jeunesse française. Je trouve insuffisant comme titre aux fonctions de grand maître de l’université [titre que recevaient les ministres de l’Éducation nationale] de s’être exercé à des pastiches littéraires du genre de celui qui a occupé la Chambre, il y a un mois. » (séance à la Chambre des Députés). Le sénateur Raymond Armbruster cria de son siège le 28 juillet 1936 à Jean Zay qui présenta sa réforme de prolongement à 14 ans de l’obligation scolaire : « Il faudra leur apprendre aussi ce qu’est le drapeau tricolore ! ».
Léon Daudet écrivit dans le même sens un peu plus tard, le 16 juillet 1939 : « En balayant de l’œil les honteuses inepties que le Juif Torche Zay a proférées au Concours général, je songeais que la décomposition du parlementarisme se mesure à l’avilissement de ses ministres et notamment de celui qu’on appelait naguère de l’Instruction publique. » (éditorial de "L’Action française").
J’ai cité "Bagatelles pour un massacre" de Céline, replongeons-nous dans cette puanteur antisémite : « Deux millions de boches campés sur notre territoire pourront jamais être pires, plus ravageurs, plus infamants que tous ces Juifs dont nous crevons. (…) Je préférerais douze Hitler plutôt qu’un Blum omnipotent. » (1937). Blum, Mendès France, Zay… tout était bon pour fustiger les gouvernements d’avant la guerre.
"L’Action française" en est même venu à se contredire le 19 novembre 1938 en traitant Jean Zay de… hitlérien ! « Émules d’Hitler, nos Juifs de gouvernement veulent guider les âmes et fabriquer en série des barbares mus par quelques idées fausses et quelques sales passions. ».
Pourtant, interpellé par le député Marcel Héraud dès sa nomination dans le gouvernement d’Albert Sarraut, Jean Zay avait définitivement répondu à ses détracteurs passés, présents et futurs, le 1er février 1936 : « Ce sera le sentiment du fils d’un ancien combattant, qui avait dix ans à la déclaration de guerre et qui demande à tous de penser qu’il est de la génération de ceux qui ont connu le foyer désert et qui pouvaient espérer trouver chez leurs aînés un accueil peut-être plus ouvert que celui que j’ai rencontré ici, d’un certain côté depuis deux jours. À la question posée, je réponds : si le texte qui a été produit était, et ce n’est pas le cas, l’expression d’une opinion sérieuse et réfléchie, l’homme que je suis le repousserait avec horreur et, ayant voté ici les crédits concernant la défense nationale, attesterait avec force, quels que puissent être les commentaires, la loyauté de son patriotisme. » (en séance).
La guerre puis l’internement et l’assassinat
Le 13 septembre 1939, Jean Zay démissionna du gouvernement et voulut participer aux combats de la Seconde Guerre mondiale rattaché à l’état-major de la 4e armée ; il fut un sous-lieutenant « volontaire pour les missions les plus périlleuses et les plus délicates ». Il quitta son armée avec l’accord de ses supérieurs pour rejoindre Bordeaux où se tenait la dernière session parlementaire le 19 juin 1940. Deux jours plus tard, en raison de l’avancée des Allemands, Jean Zay (son père Léon, sa femme et sa fille aînée), Pierre Mendès France, Georges Mandel, Édouard Daladier, Yvon Delbos, André Le Troquer, Edgard Pisani, Léandre Dupré, et d’autres parlementaires refusant l’armistice, ainsi que le physicien Jean Perrin, voulurent poursuivre la guerre en Afrique du Nord et embarquèrent au bord du "Massilia" pour transférer le siège du gouvernement français. Certains y renoncèrent finalement (comme Louis Marin) et les autres accostèrent le 24 juin 1940 à Casablanca où ils furent piégés et mis en résidence surveillée.
Pierre Mendès France, Jean Zay et deux autres parlementaires, Alex Wiltzer (1903-1982), oncle du futur ministre Pierre-André Wiltzer, et Pierre Viénot (1897-1944), furent arrêtés pour désertion en présence de l’ennemi dès le 15 août 1940 (les pleins pouvoirs à Philippe Pétain furent votés à Vichy le 10 juillet 1940). Pierre Mendès France fut condamné à six ans de prison tandis que Jean Zay fut condamné le 4 octobre 1940, par le tribunal militaire de la 13e division militaire à Clermont-Ferrand, à la déportation à vie et à la dégradation militaire. Sa peine fut finalement commuée en internement à vie : le 4 décembre 1940, Jean Zay fut incarcéré à Marseille, puis le 7 janvier 1941 à Riom. Durant sa captivité, Jean Zay a beaucoup écrit, en particulier des romans policiers (comme "La Bague sans doigt") et un témoignage poignant, "Souvenirs de solitude".
Considéré comme un ennemi de la France (alors que ce furent plutôt les collaborationnistes qui faisaient le jeu de l’ennemi nazi), Jean Zay eut pour plus féroce détracteur l’odieux Philippe Henriot qui l’accusait de bellicisme au cours d’une campagne de presse de dénigrement : « À une des heures décisives de notre vie nationale, ce petite Juif se trouvait lancé dans la politique par l’aberration du suffrage universel. Il avait débuté dans la vie en s’essayant à salir le drapeau du pays qui l’avait accueilli… Ministre, on lui confie la jeunesse. Bonne affaire ! Par la jeunesse, on touche à la famille, cette autre force réactionnaire dont son coreligionnaire Blum s’est déjà occupé… Zay se met d’arrache-pied à l’ouvrage. Mais d’autres préoccupations s’ajoutent à celles de son département : la guerre rôde. Dès qu’il en flaire l’approche, il ne se tient plus de fièvre… Ceux qui croient encore que la France a été jetée dans cette sombre aventure par un sursaut spontané de son patriotisme n’auront qu’à parcourir ces pages [les supposées notes secrètes du ministres Jean Zay dont on n’a jamais retrouvé les originaux] pour constater que ce patriotisme a servi de paravent à des hommes qui, pour des fins politiques ou raciales, voulaient la guerre, après avoir tout fait pour désarmer leur pays moralement, matériellement et militairement. » (1942).
Avec un ordre de transfert pour Melun provenant de Joseph Darnand, trois miliciens sont venus chercher le 20 juin 1944 Jean Zay à sa prison, et l’ont assassiné dans un bois désert, au Puits du Diable, au lieu-dit Les Malavaux, près de Molles, dans l’Allier. Il avait 39 ans : « Ici, Jean Zay fut lâchement assassiné le 20 juin 1944 par les complices de l’ennemi. Il est mort en criant Vive la France ! ».
La réhabilitation
La cour d’appel de Riom a annulé le 5 juillet 1945 le premier jugement contre Jean Zay : « Les poursuites intentées contre le sous-lieutenant Jean Zay ne peuvent s’expliquer que par le désir qu’a eu le gouvernement d’atteindre un parlementaire dont les opinions politiques lui étaient opposées et qu’il importait de discréditer en raison de la haute autorité attachée à sa personnalité. ». Le corps de l’ancien ministre fut découvert par hasard le 22 septembre 1946 et inhumé dans la fosse commune de Cusset, puis solennellement le 15 mai 1948 à Orléans en présence d’Édouard Herriot.
Le milicien qui l’a tué, Charles Develle, a échappé à la condamnation à mort pour cet assassinat et fut condamné en février 1953 aux travaux forcés à perpétuité par le tribunal militaire de Lyon. Quant à Philippe Henriot, devenu le 6 janvier 1944 Secrétaire d’État à l’Information et à la Propagande, il ne survécut que de quelques jours à Jean Zay puisqu’il fut "exécuté" par un groupe de résistants le 28 juin 1944 dans son bureau de ministre, ce qui aurait provoqué, entre autres, l’assassinat de Georges Mandel le 7 juillet 1944 à Fontainebleau, autre grande figure de la République et de la patrie française, sur qui Nicolas Sarkozy consacra un livre publié le 9 février 1994 chez Grasset (il était le Ministre de l’Intérieur du gouvernement de Paul Reynaud).
Aujourd’hui, la République française consacre pleinement Jean Zay et son parcours le méritait. Toute la classe politique le célèbre dans un consensus républicain, lui au même titre que les trois autres personnalités qui l’accompagnent au Panthéon. De François Mitterrand qui était venu en juin 1994 à Orléans à François Fillon, qui avait honoré sa mémoire lors de son centenaire en 2004, en passant par Najat Vallaud-Belkacem, présente ce 26 mai 2015 dans la cour de la Sorbonne, c’est bien la France républicaine et patriote qui s’incline devant l’un des siens qui a fait beaucoup pour l’éducation, la science, la culture et le tourisme, et qui fut assassiné par la bêtise, l’antisémitisme, l’extrémisme et disons-le clairement, par l’antipatriotisme. Assassiné parce que étiqueté Juif par les antisémites. La France continue encore à mourir de l’intérieur par les étiquetages excessifs que les extrémistes projettent sur leurs supposés adversaires…
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (27 mai 2015)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Pierre Mendès France.
Germaine Tillion.
Républicain et patriote.
Céline.
Pétain.
Le Panthéon…
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20150527-jean-zay.html
http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/jean-zay-1904-1944-figure-de-l-167851
http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2015/05/27/32118371.html