Le Président de la République tiendra sa sixième conférence de presse solennelle le lundi 7 septembre 2015 à 11 heures, à trois mois des élections régionales des 6 et 13 décembre 2015.
Mystère et boules de gomme. Avec François Hollande, il y a une véritable énigme. Ou plutôt, un véritable gâchis. Voici un homme très intelligent (personne n’en doute), parmi l’élite intellectuelle de la nation, un crac, HEC, ENA (et dans la botte), Cour des Comptes, spécialiste des finances publiques, qui, dès 2010, a développé des idées originales sur des stratégies budgétaires pour réduire le déficit public et a suscité une réflexion sur la réforme nécessaire de la fiscalité. Et puis, quand il est aux commandes, bing ! Plus rien ! L’esprit partisan l’a emporté sur l’intérêt général. Quel dommage et surtout, répétons-le, quel gâchis !
L’imitateur
Car s’il y a aucun doute à propos de François Hollande, c’est sur sa très bonne connaissance de l’histoire politique. À force de singer, depuis l’été 2010, François Mitterrand, prince du mensonge et de l’enfumage en politique, François Hollande a finalement réussi là où aucun autre de sa génération n’a réussi à gauche : conquérir l’Élysée.
Mais comment ? En faisant justement du Mitterrand. Il avait déjà plombé la campagne de sa compagne Ségolène Royal lorsqu’il avait dit, face à Michèle Alliot-Marie le 8 juin 2006 dans l’émission "À vous de juger" sur France 2, qu’il n’aimait pas les riches (« Oui, je n’aime pas les riches, j’en conviens ! » ; pour lui, précisé dans "Le Parisien" le 11 janvier 2007, c’était au-dessus de 4 000 euros par mois, soit très en dessous de ses rémunérations cumulées de haut fonctionnaire, député, premier secrétaire du PS à l’époque, maire puis président du conseil général ; il ne devait pas trop s’aimer ou pas trop croire à ce qu’il prétendait affirmer).
En 2012, il a récidivé pendant sa propre campagne présidentielle, d’abord en lâchant cette petite phrase qui ne mangeait pas de pain lors de son fameux discours du Bourget le 22 janvier 2012 (« Mon véritable adversaire (…), c’est le monde de la finance ! » ; effet immédiat sur l’aile gauche) et aussi, la proposition de nommer 60 000 fonctionnaires supplémentaires et (autre proposition sans effet) ainsi que la taxation à 75% des hauts salaires le 27 février 2012 (au grand dam de son conseiller budgétaire …Jérôme Cahuzac devenu son très influent et autoritaire Ministre du Budget avant sa démission fiscale).
Ce furent des déclarations complètement inefficaces et irresponsables (beaucoup d’investisseurs étrangers ont fui) et il le savait car il est intelligent, mais ces postures très démagogiques avaient un objectif électoral qui a été atteint avec le soutien inconditionnel (insistons sur inconditionnel) de Jean-Luc Mélenchon à François Hollande pour le second tour de l’élection présidentielle du 6 mai 2012. Sans les voix de l’extrême gauche, il était assuré de perdre face à Nicolas Sarkozy qui, malgré une campagne particulièrement droitière, avait réussi à se redresser par rapport aux sondages de début de campagne.
Une hyperfiscalité pour compenser l’esprit partisan
Prônant depuis longtemps un budget en équilibre, on aurait pu penser qu’une fois élu, il prît des décisions salutaires. Mais non ! L’esprit partisan l’a emporté car il l’a toujours emporté depuis le début de sa carrière politique. La nécessité de maintenir l’unité du PS en 2005 a par exemple été beaucoup plus forte que ses convictions européennes pourtant d’une importance historique sans comparaison…
Il est faux de dire qu’il y a eu un tournant politique en janvier 2014. Pour simplifier, certains vont même le mettre à fin mars 2014 avec l’accession de Manuel Valls à Matignon, comme les écologistes qui ont refusé de poursuivre leur participation au gouvernement. Il n’y a jamais eu de tournant. Ou alors, c’était en novembre 2012 avec la publication du rapport Gallois. Mais ce rapport avait été commandé par François Hollande dès juillet 2012 qui savait très bien quelles en auraient été les conclusions.
La réalité, c’est qu’il a voulu faire de l’antisarkozysme primaire, notamment avec la suppression de trois réformes emblématiques du précédent quinquennat : la hausse de la TVA pour réduire les charges des entreprises (à hauteur de 13,2 milliards d’euros) et l’exonération fiscale des ménages concernant les heures supplémentaires. Cette dernière suppression a considérablement réduit le pouvoir d’achat des petits salaires (les cadres, par exemple, sont généralement payés au forfait et pas à l’heure). La troisième suppression, c’était la réforme territoriale qui instituait le conseiller territorial. Finalement, celle qui va s’appliquer à partir de 2016 aura changé au moins deux ou trois fois dans l’esprit de l’Élysée avant de terminer en eau de boudin sans intérêt.
Quant à la première suppression, c’était du masochisme politique pur. François Hollande aurait pu récolter dès octobre 2012 les milliards d’euros bienvenus sans en assumer la responsabilité politique puisque la hausse de la TVA ne provenait pas de sa politique. Comme il n’était pas le Père Noël et qu’il n’y a pas de miracle à Bercy, François Hollande a donc dû alourdir d’une hyperfiscalité les ménages pour compenser les surcoûts de sa politique irresponsable (augmentation massive de fonctionnaires, baisse de la TVA, etc.). Résultat, 20 milliards d’euros dans la barque des particuliers.
L’erreur des politiques souvent pointée du doigt par les économistes, c’est de se croire encore dans les Trente Glorieuses où plus on produisait, plus on gagnait de l’argent, d’une part, et plus on consommait, plus on produisait, d’autre part. Cela reste vrai, mais le "on" n’est plus la France mais le monde. Or, aujourd’hui, l’idée reste toujours la même : on croit qu’on va relancer l’économie en dopant la demande et la consommation. Mais le souci, c’est que la production ne se fait plus en France. Donc, on consomme des produits qui viennent d’ailleurs et à part la TVA, cela ne rapporte rien à l’État français. La hausse de la demande ne favorise donc plus l’emploi en France si, parallèlement, on ne donne pas aux entreprises française des moyens de concurrencer loyalement les entreprises étrangères sur le front de la consommation.
Quand Louis Gallois a proposé à François Hollande d’augmenter la TVA parce qu’il paraît nécessaire de transférer les charges sociales des salaires aux produits consommés (ce qu’avait fait Nicolas Sarkozy à la fin de son quinquennat), c’était trop tard pour 2013 puisque la loi de finances était déjà votée, et il ne pouvait pas raisonnablement rajouter 10 milliards d’euros de TVA supplémentaire aux ménages.
L’usine à gaz du CICE
Comme François Hollande a un esprit social-libéral (selon Stéphane Van Huffel, cofondateur de Netinvestissement) et qu’il comprend quand même un peu les mécanismes de l’économie et la nécessité de rendre les entreprises plus compétitives, au lieu de baisser les charges sociales comme voulait le faire Nicolas Sarkozy en compensation de la hausse de la TVA, François Hollande, sur conseil de son conseiller de l’époque, Emmanuel Macron, a proposé l’usine à gaz du CICE (crédit impôt compétitivité emploi) qui est devenu plus tard le pacte de responsabilité (ou de solidarité, je ne sais plus très bien, François Hollande adore donner des noms à ses outils dans sa belle boîte).
Or, comme le notait Éric Heyer, directeur du département analyse et prévision à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), le 2 septembre 2015, si François Hollande connaît bien les finances, il ne doit pas être très bon en comptes publics. En effet, dans les statistiques, la méthode Sarkozy (baisse des charges sociales et hausse de la TVA) est sans effet (baisse de recettes d’un côté, hausse de l’autre) alors que la méthode Hollande fait augmenter les dépenses de l’État (un crédit impôt est une dépense) tandis que la hausse de la TVA (finalement décidée pour financer le CICE) fait augmenter le taux de prélèvements obligatoires déjà très élevé. Résultat, l’opération au lieu de paraître inodore, paraît "malsaine" pour les comptes publics.
Et pourquoi cette méthode a-t-elle été adoptée ? Pour ne pas reconnaître la pertinence de la politique de Nicolas Sarkozy en la matière. Si François Hollande a reconnu regretter cette suppression de la TVA décidée en juillet 2012 (dans le livre "Le Stage est fini" de Françoise Fressoz publié le 2 septembre 2015 chez Albin Michel), c’est surtout parce qu’il veut présenter des comptes publics vertueux, c’est-à-dire avec baisse conjointe des dépenses et de l’imposition. Mais pour l’instant, la transformation du CICE en baisse des charges reste très laborieuse.
Un front de l’emploi dévasté
Autre erreur magistrale de François Hollande, cela a été de croire qu’en ne faisant rien, la situation pouvait s’améliorer par simple analyse des cycles (quand on est au fond du trou, on ne peut que rebondir). Pourtant, 2013 aura été une année de récession et la promesse, en septembre 2012 de se donner douze mois (donc septembre 2013 !) pour redresser l’emploi et "inverser" la courbe du chômage (vocabulaire mathématiquement très impropre, il a pourtant dû en faire, des maths, pour intégrer HEC), a été une pure folie de communication politique qui a discrédité tous ses discours ultérieurs.
En clair, la France a reculé pendant tout ce temps et le chômage a été en forte hausse pendant trois ans. Dans sa chronique du 3 septembre 2015 sur la radio BFM Business, l’essayiste et conseiller financier Marc Fiorentino n’a pas pu cacher sa colère. Alors qu’il y a aujourd’hui une conjoncture exceptionnelle, plus qu’un alignement des planètes, à savoir : taux d’intérêt proche de zéro, effondrement du prix du pétrole et des matières premières, difficulté de l’économie chinoise, etc., la France est la seule à ne pas bénéficier du rebond de la croissance et surtout, de créations d’emploi.
Marc Fiorentino a évalué à environ 200 à 300 000 le nombre d’emplois qui auraient dû être créés en France par la conjoncture internationale mais en France, il n’y a que quelques centaines d’emplois créés et si cela augmentait mécaniquement à 20 ou 30 000, ce ne serait pas à la mesure de la situation exceptionnellement favorable, cela voudrait dire que l’État plombe encore trop l’économie française. Pourtant, si 30 000 emplois venaient à se créer, le gouvernement n’hésiterait pas à en faire du triomphalisme et à dire que sa politique porterait ses fruits alors qu’en fait, elle étouffe encore beaucoup trop l’économie.
La colère, on peut aussi la ressentir quand on entend le Ministre du Travail démissionnaire, François Rebsamen, préférant Dijon aux responsabilités gouvernementales (les rats quittent-ils le navire ?), avoir un peu de compassion le 2 septembre 2015, pas pour tous les demandeurs d’emploi qui viennent de perdent leur emploi, mais pour sa jeune successeur Myriam El-Khomri (la benjamine du gouvernement brillamment promue) dont la douloureuse tâche sera d’annoncer les prochaines statistiques sur le chômage (plaignons-la et larmoyons-nous).
Le politicien avant l’intérêt national
C’est un véritable naufrage que de voir ce fort en thème économique, premier fidèle de Jacques Delors, si mauvais dans l’action. Si mauvais volontairement, parce que dans son esprit, le politicien l’emporte sur l’intérêt national et parce qu’il y aurait nécessité, selon lui, de regrouper toute la gauche alors que l’intérêt général serait plutôt de rassembler l’ensemble des bonnes volontés qui veulent faire redémarrer l’économie française (comme cela s’est produit il y a dix ans en Allemagne). La logique politique actuelle tient plus à la méthode Shadok qu’à la prise en compte des intérêts du peuple français qui en subit, chaque jour et lourdement, les conséquences sociales.
On voit d’ailleurs un nouveau clivage se réaliser au sein du gouvernement : Manuel Valls versus Emmanuel Macron. Le second dit aujourd’hui ce que disait exactement le premier avant 2012 (en particulier sur les 35 heures ou la TVA). Au-delà de la concurrence naturelle sur les mêmes plates-bandes, les deux hommes vont se retrouver maintenant confrontés sur le terrain politique. Manuel Valls, qui agit pour tenter de récupérer le contrôle du PS après 2017, essaie de se gauchiser au maximum pour se faire accepter de l’aile gauche. Tandis qu’Emmanuel Macron, bonne conscience libérale de François Hollande, pourrait faire le pont avec d’éventuels centristes dans l’éventualité d’un duel de second tour entre François Hollande et Nicolas Sarkozy en 2017.
Je ne doute pas qu’à la prochaine conférence de presse présidentielle prévue ce lundi 7 septembre 2016, les préoccupations économiques et sociales seront largement éclipsées par l’actualité très brûlante des réfugiés en Europe, la COP21 (conférence mondiale sur le climat) et la lutte contre le terrorisme. Les demandeurs d’emploi attendront…
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (4 septembre 2015)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
François Hollande.
Manuel Valls.
Emmanuel Macron.
Le rapport Gallois.
Le chômage.
Les 60 000 nouveaux fonctionnaires.
L’imposition des hauts revenus à 75%.
La TVA.
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20150904-hollande.html
http://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/le-noeud-hollandien-171436
http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2015/09/04/32581025.html