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17 novembre 2015 2 17 /11 /novembre /2015 06:01

« Le pacte de sécurité l’emporte sur le pacte de stabilité. » (François Hollande, le 16 novembre 2015 à Versailles).



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C’est plié, après le virage social-libéral de janvier 2014, voici le virage sécuritaire. Le Président de la République François Hollande s’est adressé à l’ensemble des parlementaires (députés et sénateurs) du Parlement réuni en Congrès à Versailles ce lundi 16 novembre 2015 un peu après 16 heures pour s’exprimer solennellement après les attentats de Paris du 13 novembre 2015.

Sur la forme, François Hollande a été à la hauteur de sa fonction présidentielle, réussissant même à adopter un ton propre qui était jusque là assez rare (comme à Strasbourg notamment). C’est la seconde fois qu’est appliqué l’article 18 alinéa 2 de la Constitution, adopté depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, à savoir la possibilité (historique) donnée au chef de l’État de s’exprimer au pouvoir législatif. La première fois, c’était Nicolas Sarkozy le 22 juin 2009 pour présenter son grand emprunt dont le but était de refaire de la France une nation d’investissement et d’innovation à la suite de la grande crise financière du 15 septembre 2008.

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Tout au long de son discours de trente-cinq minutes, François Hollande n’a fait que reprendre les thèmes des plus ultras de l’opposition et a poursuivi son imitation de son prédécesseur direct, tant sur la forme que sur le fond : « Le terrorisme ne détruira pas la République car c’est la République qui le détruira. ».

S’il avait pu, il aurait porté un uniforme de général. Il a déjà pris la voix martiale : « Notre République n’est pas à la portée de méprisables tueurs. » pour dire : « Il nous faudra temps et patience, l’ennemi n’est pas hors d’atteinte. ».

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Mais le maître mot, c’était : « Nous sommes en guerre ! », phrase qui pourrait justifier toutes les dérives. Le 16 novembre 2015 vers midi sur France 2, l’ancien Garde des Sceaux Robert Badinter avait exprimé son vif agacement avec cette formulation : la guerre, il l’a connu, et cela n’a rien à voir avec la situation actuelle. En situation de guerre, tout l’effort national, l’effort économique, toutes énergies sont focalisées sur un seul but, gagner la guerre, alors que ce n’est pas le cas aujourd’hui.

Après une minute de silence pour les victimes des attentats et avant d’entonner la Marseillaise, François Hollande a énuméré les mesures qu’il a décidé de prendre pour renforcer la sécurité des citoyens. Je les cite et ensuite, je les commenterai très brièvement.

Il a annoncé qu’il demanderait la convocation le plus rapidement possible du Conseil de sécurité de l’ONU pour adopter une résolution contre Daech. Cette résolution aurait dû déjà être prise depuis plusieurs mois. L’ensemble des membres permanents semble être sur la même longueur d’onde, au point que Barack Obama et Vladimir Poutine se sont même entretenus en privé le 15 novembre 2015 sur la Syrie dans le cadre du G20 à Antalya, en Turquie.

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Sur le court terme, François Hollande a annoncé qu’il soumettrait au Parlement dès ce mercredi 18 novembre 2015 un projet de loi pour prolonger l’état d’urgence de trois mois (sans loi, la durée ne peut excéder douze jours), projet de loi qu’il souhaite faire adopter avant la fin de la semaine. Cela permettra de poursuivre les assignations à résidence et les perquisitions administratives …sans aucun contrôle judiciaire (le rêve des services de police).

Sur le long terme, François Hollande voudrait faire évoluer la Constitution pour l’adapter à la lutte contre « le terrorisme de guerre ». Il a pour cela montré une grande habileté politique en reprenant l’une des conclusions des propositions constitutionnelles d’Édouard Balladur de 2007.

Pour l’instant, deux articles de la Constitution évoquent une situation exceptionnelle, l’article 16 quand le fonctionnement régulier des institutions est en cause (ce n’est pas le cas ici) et l’article 36 qui décrit l’état de siège et permet le transfert de pouvoir du civil au militaire (ce qui n’est pas non plus le cas).

Le Président de la République veut donc réviser la Constitution pour compléter l’article 36 en permettant les mêmes exceptions qu’un état d’urgence sans avoir besoin de décréter cet état d’urgence, cela pour la période au-delà des trois mois. Cela permettrait, selon lui, de définir un nouvel outil de lutte contre le terrorisme tout en préservant l’état de droit. Il a demandé aux parlementaires que cette révision soit adoptée le plus rapidement possible, mais en raison du caractère constitutionnel de la réforme, il aura besoin de l’appui de l’opposition.

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Ensuite, il a énoncé un certain nombre d’autres mesures.

Il a par exemple annoncé que si une personne ayant une double nationalité était convaincue d’activité terroriste, serait décidée la déchéance de sa nationalité française, même si la personne était née en France. La déchéance de la nationalité est impossible dans le cas d’une seule nationalité car les conventions internationales interdisent à un État de rendre apatride un de ses ressortissants. En revanche, dans le cas de double nationalité, le Conseil Constitutionnel a validé la mesure qui a été très rarement prise : huit depuis 2007, et cinq en octobre dernier. De même, il interdirait à un binational convaincu d’activité terroriste de revenir en France.

Concernant la proposition de Laurent Wauquiez d’interner les personnes fichées comme impliquées dans une activité terroriste et de leur mettre un bracelet électronique, François Hollande a été aussi très habile puisqu’il n’a pas fermé la porte à cette mesure très sécuritaire en disant qu’il saisirait le Conseil d’État pour avoir son avis et que cet avis serait rendu public.

Il a aussi affirmé que les associations et groupements qui font appel à la haine et incitent au terrorisme seraient dissoutes (il serait temps !).

Également dans le cadre de permettre à l’Exécutif d’avoir de nouveaux outils de lutte contre le terrorisme, il a demandé à Manuel Valls de déposer un projet de loi pour renforcer les moyens de lutter contre le trafic d’armes et aussi, qui redéfinirait ("traiterait") le concept de légitime défense pour les forces de l’ordre en mission anti-terroriste.

Enfin, François Hollande a annoncé des mesures budgétaires qui pourraient être mises en application dès 2016 puisque la loi de finances 2016 n’est pas encore finalisée. Cela concerne le recrutement de 5 000 policiers et gendarmes supplémentaires en deux ans, ce qui fera un total de 10 000 supplémentaires pour son quinquennat ; 2 500 postes supplémentaires au Ministère de la Justice (notamment dans les prisons) ; 1 000 postes supplémentaires pour les douanes ; enfin, il n’y aura aucune réduction d’effectifs dans l’armée jusqu’en 2019, et le personnel sera réaffecté prioritairement aux missions opérationnelles, à la cyberdéfense et au renseignement. Il a également souhaité exploiter beaucoup mieux le potentiel des réservistes.

Concrètement, François Hollande assume pleinement ce « surcroît de dépenses », donc assume que le déficit budgétaire ne sera pas réduit comme prévu mais qui, à l’intérieur de la France ou à Bruxelles, oserait le lui reprocher alors que le pays a été touché au plus profond de son peuple ?

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J’ai entendu ce discours comme j’ai entendu le discours de Grenoble de son prédécesseur le 30 juillet 2010. C’est-à-dire avec le même frisson de stupéfaction.

Je me garderais de critiquer toutes ces mesures qui sont à peu près le programme du Front national. Elles seront probablement critiquées à la marge (peut-être par son aile gauche ?) mais obtiendront sans doute un large consensus tant de la classe politique que de "l’opinion publique" parce que 129 victimes rappellent que la République doit agir, quitte à mettre en péril nos libertés individuelles. La loi sur le renseignement avait déjà esquissé le mouvement.

À mon sens, ce n’est pas pertinent de croire vouloir couper l’herbe sous les pieds des plus ultras de la classe politique en adoptant leur point de vue. Certains juges commencent à s’inquiéter sur la manière dont la justice pourra réfréner la frénésie du pouvoir exécutif dans la poursuite peut-être fictive de futurs terroristes potentiels. Clairement, le fichage par un service de renseignement ne peut valoir jugement et internement. La justice est là pour cela, pas l’administration policière.

Petit à petit, on s’achemine donc vers la voie américaine d’après les attentats du 11 septembre 2001, la lutte contre un axe du mal et la mise sous tutelle des libertés individuelles pour faciliter les opérations policières.

Oui, tout doit être mis en œuvre pour poursuivre et condamner les complices des attentats du 13 novembre 2015 et tout aussi doit être mis en œuvre pour éviter de nouveaux massacres. Mais faisons bien attention à ne pas mettre en danger notre propre conception d’une société libre, égale et fraternelle. Car la mise au pas policière, acceptée comme une lettre à la poste pour raison de lutte contre le terrorisme le plus abominable, serait la victoire de ces terroristes aux actes de barbarie.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (16 novembre 2015)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Discours de François Hollande le 16 novembre 2015 à Versailles (bientôt).
Les attentats du 13 novembre 2015.
François Hollande et le manque d’ambition.
François Hollande et Angela Merkel.
Loi sur le renseignement.
Daech.
WTC 2001.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20151116-hollande.html

http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/le-patriot-act-du-guerrier-174189

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2015/11/17/32939031.html

 

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