« Lorsque nous nous sentons parfois enfermés dans les divisions, les dissensions, les intrigues, nous n’avons qu’une chose à faire : monter un peu plus haut, nous élever, regarder le but. Et alors, nous verrons que nous sommes profondément d’accord. Nous ressemblons à ces voyageurs qui, dans la montagne, se voient pris dans les nuages et dans le brouillard. Eh bien, on n’a qu’une chose à faire : monter, monter plus haut, et quand on monte plus haut, on trouve l’air pur, la lumière libre et le soleil. » (Léon Blum, le 21 avril 1919). Quatrième et dernière partie.
Après avoir décrit la carrière politique de Léon Blum, principalement colorée par son engagement socialiste, je propose ici d’évoquer les dernières années de sa vie consacrées au service de tous et pas seulement de son parti.
Après la Seconde Guerre mondiale
Au 38e congrès de la SFIO du 29 août au 1er septembre 1946, Léon Blum a perdu la bataille et ce fut la victoire de Guy Mollet, qui voulait reprendre le parti en insistant sur le marxisme. Le vieux leader socialiste en fut meurtri et fataliste : « Le vote pour la motion Guy Mollet, savez-vous ce que c’est ? C’est une espèce d’alibi moral par lequel vous avez cherché à abuser de votre mauvaise conscience. Je vous le dis sans amertume, non sans tristesse, comme quelqu’un qui, depuis des jours et des jours, cherche vainement les moyens de réparer le mal que vous avez fait. Peut-être comptiez-vous sur moi pour cela ? (…) Je me sens impuissant aujourd’hui parce que je ne sens devant moi rien de défini, rien de saisissable, rien qu’un trouble moral, qui ne se guérit que par un effort intellectuel de volonté et non par des paroles ou des formules de motions. (…) Le miraculeux travail de résurrection accompli depuis la Libération, et auquel le nom de Daniel Mayer restera attaché, est, pour une large part, compromis. Cela à la veille d’une consultation électorale où sera élue cette fois une Assemblée de cinq ans, et dans une conjoncture internationale où nous sentons avec une acuité anxieuse combien l’action du socialisme français sur le socialisme international est nécessaire et combien elle pourrait être efficace. Tout cela est sans remède. » (29 août 1946).
Comme je l’ai indiqué dans mon premier article, après la Seconde Guerre mondiale, Léon Blum présida le dernier Gouvernement provisoire, jouissant, à 74 ans, d’un grand respect et d’une autorité morale que l’Occupation a mis à rude épreuve chez de nombreux parlementaires. De Gaulle lui avait proposé en 1945 un poste de ministre d’État qu’il avait refusé. Dans ce dernier gouvernement provisoire, où il avait pris les Affaires étrangères, furent désignés notamment Guy Mollet, Augustin Laurent, Félix Gouin, Paul Ramadier, Édouard Dupreux, André Le Troquer, André Philip, Robert Lacaste, Marcel-Edmond Nagelen, Jules Moch, Daniel Mayer, Max Lejeune, Albert Gazier, et Gaston Defferre…
Léon Blum marqua un nouveau différent avec Guy Mollet (nouveau secrétaire général de la SFIO) le 5 mai 1947 en soutenant le renvoi des ministres communistes du gouvernement de Paul Ramadier. Il a aussi approuvé le Plan Mashall.
En raison des troubles sociaux et des oppositions de toute part, des communistes comme des gaullistes, après la chute du gouvernement de Paul Ramadier, Vincent Auriol fit appel à lui pour former son quatrième gouvernement, mais le 21 novembre 1947, il manqua à Léon Blum 9 voix pour être investi, ce qui lui fit dire devant les députés : « La phrase qui me hante le plus depuis quelques heures est la sublime phrase de Vergniaud : "Peu importe que le souvenir de ce que nous avons été soit oublié, si la République est sauvée". ».
Quelques mois plus tard, Léon Blum fut encore aux responsabilités, nommé Vice-Président du Conseil dans le gouvernement du radical André Marie, du 26 juillet 1948 au 5 septembre 1948, aux côtés du MRP Pierre-Henri Teitgen, prêtant son aura pour constituer l’un des derniers gouvernements de la Troisième force.
L’Unesco
Léon Blum avait entre temps mis son poids personnel dans de difficiles négociations internationales sur l’annulation des dettes de guerre de la France avec les accords Blum-Byrnes signés le 28 mai 1946, et qui furent préparés par Jean Monnet sur consigne de De Gaulle.
Chef de la délégation française (qui comprenait notamment René Cassin, Frédéric Joliot-Curie, François Mauriac, Pierre Auger, le professeur Robert Debré, père de Michel Debré, Louis Joxe, Paul Langevin, Henri Wallon, Léopold Sedar Senghor, Louis Jouvet, etc.), Léon Blum, élu Président à l’unanimité des délégués de l’Unesco, a présidé du 20 novembre au 10 décembre 1946 à Paris la première conférence générale de l’Unesco (Organisation des Nations.Unies pour l’éducation, la science et la culture, créée le 16 novembre 1945 à Londres ; l’actuelle directrice générale de l’Unesco, Irina Bokova, est candidate au Secrétariat Général de l’ONU) : « L’Unesco avait fait dans le monde des débats modestes ; elle tient dès aujourd’hui une place importante dans l’opinion universelle et cette place ne cessera de grandir. On attend d’elle deux ordres de résultats qui ne sont nullement incompatibles, bien au contraire : d’une part, des initiatives précises, méthodiques, progressives dans un certain nombre de domaines techniques essentiels et, d’autre part, une action d’ensemble sur ce que j’appellerai volontiers la condition spirituelle des peuples et des individus. » (20 novembre 1946).
Un an auparavant, le 1er novembre 1945 à Londres, Léon Blum avait demandé que le siège de l’Unesco fût à Paris : « Si nous possédons un avantage, il tiendrait d’une part du fait que la culture française a toujours été marquée par une tendance à l’universalité, qu’il existe en France une tradition séculaire de générosité, de libéralité dans l’ordre de la pensée, qui sont bien dans l’esprit de la future organisation, d’autre part, que toutes les branches, toutes les formes de la civilisation humaine, science, culture générale, lettres, arts, technique dans la mesure où elle s’approche de l’art, s’y sont toujours développées de pair et en liaison réciproque. Paris reste donc une des villes au monde où la future organisation aurait son siège naturel. Nous vous demandons cet honneur parce qu’il nous serait infiniment cher, parce que nous ne nous en sentons pas indignes… et parce que nous nous efforcerons par tous les moyens de l’avoir mérité. » (Conférence constitutive de l’Unesco).
Il avait également témoigné : « La concurrence est un sentiment égoïste qui engendre l’animosité ; l’émulation est un sentiment généreux qui engendre la solidarité et la confiance. Je m’excuse de citer ici un exemple personnel. Mais, il y a un mois à peine, revenant de Londres, je ne cessais de vanter à mes camarades les œuvres admirables accomplies ici durant ces dernières années : bibliothèques locales et circulantes, cercles populaires de discussion, emploi pédagogique de la radio. Mes récits n’éveillaient pas l’envie, mais un désir affectueux d’imiter et, s’il se pouvait, d’égaler. C’est ainsi que le progrès et l’amitié entre les peuples peuvent avancer de concert. » (1er novembre 1945).
Parmi les derniers combats, la construction européenne
Tombé malade gravement en début 1949, Léon Blum continua cependant de commenter l’actualité dans son journal et l’un de ses derniers combats fut en faveur de la construction européenne. Le 20 novembre 1949, sa plume a porté son intuition ainsi : « Il faut créer l’Europe. Il faut créer l’Europe avec l’Allemagne et non pour elle, avec la Grande-Bretagne et non contre elle. » ("Le Populaire").
Le 30 mars 1950, Léon Blum s’est éteint à 77 ans d’une crise cardiaque, dans sa maison à Jouy-en-Josas (une vieille ferme "Les clos de Metz"), où il résidait depuis cinq ans avec son épouse. Ses funérailles nationales ont été présidées le 2 avril 1950 par le Président Vincent Auriol. Sa maison fait aujourd’hui office de musée. Et son souvenir fut saisi par ses prétendus héritiers de l’actuel parti socialiste (le dernier en date, François Hollande qui s’est inscrit dans sa continuité encore le 3 mai 2016)…
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (03 juin 2016)
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Pour aller plus loin :
François Hollande quatre-vingts ans après.
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Gaston Defferre.
Charles De Gaulle.
Joseph Caillaux.
Aristide Briand.
Pierre Laval.
Guy Mollet.
André Gide.
La Première Guerre mondiale.
Sarajevo.
Le Front populaire.
Léon Blum.
Jean Jaurès.
Pierre Mendès France.
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John Maynard Keynes.
Le colonel de La Rocque.
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Ce qu’est le patriotisme.
Louis-Ferdinand Céline.
Philippe Pétain.
Pierre Laval.
L'Allemagne en 1933.
L'Espagne en 1936.
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