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21 septembre 2016 3 21 /09 /septembre /2016 06:14

« Ainsi commence le fascisme. Il ne dit jamais son nom., il rampe, il flotte, quand il montre le bout de son nez, on dit : C’est lui ? Vous croyez ? Il ne faut rien exagérer ! Et puis un jour, on le prend dans la gueule et il est trop tard pour l’expulser. » (Françoise Giroud).


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La grande journaliste Françoise Giroud est née il y a exactement 100 ans, le 21 septembre 1916 à Lausanne, en Suisse. Elle fut le modèle de la femme moderne, féministe pas par théorie mais par action. Avec Jean-Jacques Servan-Schreiber, elle forma un couple politique particulier qui fut au Parti radical un peu ce que furent ou sont encore François Hollande et Ségolène Royal au Parti socialiste.

D’origine turque et russe, athée d’origine juive par sa mère mais convertie au catholicisme pendant la guerre, Françoise Giroud perdit son père à l’âge de 10 ans. À cause de la précarité financière, elle arrêta les études à 14 ans pour travailler comme sténo-dactylo dans une librairie parisienne. Son père, qui avait engendré deux filles, regretta que la dernière ne fût pas un garçon. Cela a contribué à rendre Françoise Giroud combative et volontaire.

Très vite, elle trouva du travail de scripte dans le milieu du cinéma. Elle collabora dès l’âge de 16 ans avec les plus grands réalisateurs, comme Marc Allégret, Jean Renoir, Jacques Becker, Gilles Grangier et Jules Dassin. Elle aida à rédiger puis rédigea elle-même le scénario de certains films, ce qui lui fit comprendre qu’elle était douée en écriture. Elle travailla ainsi sur trente-quatre films entre 1932 et 1991. Dans les années 1940, elle composa aussi plusieurs chansons pour notamment Tino Rossi et Danielle Darrieux.

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De fait, Françoise Giroud est devenue journaliste, chroniqueuse et écrivaine, ce qu’elle fut la majeure partie de son existence. Elle participa à la Résistance et fut arrêtée par la Gestapo en mars 1944, internée à la prison de Fresnes pendant trois mois. Sa sœur aînée, également résistante, fut déportée à Ravensbrück et est morte à son retour de déportation en mai 1945.

Après avoir écrit dans "Paris-Soir" pendant la guerre, elle fut choisie pour diriger la rédaction du nouveau magazine "Ellle" de 1945 à 1953. Ses articles ont eu une grande influence sur de nombreuses lectrices à qui elle conseillait de se battre avec leur féminité pour faire entendre leur voix auprès des hommes.


"L’Express"

La rencontre avec JJSS (Jean-Jacques Servan-Schreiber) fut pour elle le départ d’engagements tant éditoriaux qu’intellectuels. Eux deux fondèrent le magazine "L’Express", le premier hebdomadaire français d’actualités, dont le premier numéro sortit le 16 mai 1953. Entre 1953 et 1971, elle en fut la directrice de la rédaction puis, de 1971 à 1974, la directrice de publication tout en présidant le groupe Express-Union (de 1970 à 1974).

Au cours de ces années à "L’Express" qui a accueilli de nombreuses plumes de premier plan, comme François Mauriac (qui venait d’avoir le Prix Nobel de Littérature en 1952), proche de Pierre Mendès France, favorable à un centre gauche sage et pas partisan, Françoise Giroud a pu exprimer ses idées en faveur de l’indépendance de l’Algérie. La séparation affective voulue par JJSS l’a plongée dans une grave dépression et l’a amenée à faire une tentative de suicide en 1960 qui heureusement échoua.

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Michèle Cotta, que Françoise Giroud avait recrutée en 1965 comme jeune journaliste politique, a raconté dans ses "Cahiers secrets" : « La vraie patronne, pour tout le journal, c’est elle. Pour moi, n’en parlons pas : je pense qu’il n’y en aura jamais d’autre. (…) Jean-Jacques Servan-Schreiber ne lui a pas fait suffisamment confiance. Il la croit sans autorité, alors qu’elle a la seule forme d’autorité qui soit : celle du professionnalisme et du talent. Je pense que pour elle, c’est devenu, à la longue, insupportable. ».

Françoise Giroud a quitté ses responsabilités éditoriales en entrant au gouvernement en 1974. Lorsqu’elle a quitté le gouvernement en 1977, Raymond Aron lui refusa son retour dans la rédaction. Entre temps, JJSS avait revendu "L’Express" à Jimmy Goldsmith pour financer ses campagnes électorales. JJSS sortit ruiné de son aventure politique de la décennie 1970…


L’engagement politique

Comme JJSS qui a commencé une carrière politique très brillante au début des années 1970, Françoise Giroud n’hésita pas non plus à goûter au jeu politique, mais directement par la grande porte, sans élection.

Ce fut Valéry Giscard d’Estaing, adepte tant de la "décrispation" que de la nécessité de donner aux femmes des responsabilités gouvernementales, qui alla la chercher pour former le gouvernement. Au même titre que Simone Veil et Monique Pelletier, Françoise Giroud fut nommée ministre sans avoir été parlementaire.

Françoise Giroud avait pourtant soutenu la candidature de François Mitterrand en 1974 et le fit à nouveau en 1981. En effet, lors du comité directeur du Parti radical du 14 mai 1974 à Paris, JJSS prit position en faveur de la candidature de VGE (70 voix) tandis que Françoise Giroud a soutenu celle de François Mitterrand (18 voix).

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Sa nomination n’enchantait donc guère le Premier Ministre Jacques Chirac qui, dans un premier temps, fin mai 1974, ne lui proposa qu’une "délégation générale à la Condition féminine" : « Vous serez à l’abri des vicissitudes politiques. C’est beaucoup mieux pour vous. Vous savez, un secrétariat d’État, ce n’est pas grand chose, c’est tout juste une secrétaire et une serviette. ». Déçue, elle refusa en sachant que Jacques Chirac allait avoir un entretien avec Valéry Giscard d’Estaing qui, pensait-elle, allait la soutenir. Mais VGE l’a sacrifiée, n’insistant pas auprès de son Premier Ministre réticent.

Jacques Chirac confia le 14 juin 1975 à Michèle Cotta, travaillant toujours à "L’Express" : « Jean-Jacques Servan-Schreiber, l’UDR l’avait accepté parce que tout le monde s’y attendait. Françoise et Jean-Jacques, c’était trop : c’était "L’Express" au gouvernement ! » ("Cahiers secrets").

JJSS, effectivement, fut nommé Ministre des Réformes (le poste actuel de Jean-Vincent Placé !) le 27 mai 1974. Mais une conférence de presse à Nancy pour protester contre la reprise des essais nucléaires a mis un terme immédiatement à sa très brève carrière ministérielle : il fut limogé le 9 juin 1974, probablement piégé par Jacques Chirac.

Finalement, Françoise Giroud fut reçue par Valéry Giscard d’Estaing à l’Élysée le 14 juillet 1974. Elle fut nommée Secrétaire d’État auprès du Premier Ministre chargée de la Condition féminine (la première à occuper un tel poste) du 16 juillet 1974 au 24 août 1976 dans le premier gouvernement de Jacques Chirac. Elle fut ensuite nommée Secrétaire d’État à la Culture du 24 août 1976 au 30 mars 1977 dans le premier gouvernement de Raymond Barre.

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Son projet de loi qui présentait cent mesures pour les femmes fut discuté au conseil des ministres du 26 mai 1976 et quatre-vingts mesures y furent adoptées. Valéry Giscard d’Estaing lui reprocha alors de parler de "compagnons" pour les femmes non mariées : « Madame, les femmes françaises n’ont pas de compagnons, elles ont des maris ! » (Michèle Cotta, le 31 mai 1976, qui a conclu sa note ainsi : « Inouï ! Et ses maîtresses à lui, qu’est-ce qu’elles ont ? »).

Membre du gouvernement, Françoise Giroud s’est exprimé devant les adhérents de son Parti radical lors du 73e congrès, le 25 janvier 1975 au Novotel de la Porte de Bagnolet, à Paris : « Son discours est bon, mais je ne peux m’empêcher de penser qu’elle n’a rien à faire ici : au reste, elle ne fait pas de politique, elle fait un excellent topo sur la condition féminine à ces gros sénateurs radicaux qui sont plus antiféministes que quiconque. » (Michèle Cotta). Il est vrai que ce furent les sénateurs radicaux qui firent capoter le projet de Léon Blum d’accorder le droit de vote aux femmes en 1936…

Lors du 74e congrès du Parti radical le 30 novembre 1975 à Lyon, poussée par JJSS (contesté au précédent congrès) à qui elle n’avait pas osé refuser la veille, Françoise Giroud se présenta à la présidence du Parti radical et échoua (comme prévu) face à Gabriel Péronnet (1919-1991), également ministre. Ce dernier était capable de prononcer « un discours plat et ronronnant qu’il fait en tonitruant, à grands coups de phrases martelées, en fixant son œil rond sur la salle » (Michèle Cotta, le 25 janvier 1975).

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Candidate aux élections municipales du 13 mars 1977 dans le 15e arrondissement de Paris à la demande de Michel d’Ornano (le candidat giscardien à la mairie de Paris), elle a dû renoncer finalement à sa candidature et à son poste ministériel à la suite d’une cabale contre elle (on remettait en cause, à tort, sa participation dans la Résistance). Elle fut néanmoins candidate plus tard sur la liste du Parti radical menée par Jean-Jacques Servan-Schreiber aux premières élections européennes du 7 juin 1979. Ce fut une catastrophe électorale (la liste n’a recueilli que 1,8% des suffrages) et la fin de l’aventure politique pour les deux journalistes emblématiques.

Vice-présidente du Parti radical présidé par JJSS, Françoise Giroud fut désignée le 23 mars 1978 vice-présidente fondatrice de l’UDF (aux côtés de Jean-Pierre Soisson et Jean-Pierre Fourcade) sous la présidence de Jean Lecanuet. L’UDF, sigle trouvé par JJSS, a réussi à réunir centristes, radicaux et républicains indépendants là où le Mouvement des réformateurs avait échoué quelques années plus tôt.

Après sa brève carrière politique, Françoise Giroud a repris sa carrière de journaliste et d’écrivaine, collaborant avec le "Journal du dimanche" puis avec "Le Nouvel Observateur".

À la fin d’une représentation à l’Opéra-Comique, le 16 janvier 2003, Françoise Giroud fit une chute dans les escaliers et tomba sur la tête. Le lendemain soir, après une journée de travail normale, elle plongea dans le coma et quelques jours plus tard, elle est morte des suites sans s’être réveillée, de ce traumatisme crânien, à l’hôpital américain de Neuilly-sur-Seine le matin du 19 janvier 2003, à 86 ans.


Des essais et des romans politiques

Au cours de plus d’un demi-siècle d’écriture, elle a rédigé beaucoup de chroniques sur le cinéma (qu’elle connaissait bien) et sur la télévision, et a même fait partie du jury du Prix Femina en 1992. Elle a publié trente-quatre ouvrages, parfois des essais ou portraits, mais aussi des romans, etc.

Parmi ses livres, j’en retiendrai ici deux.

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Le premier, "La Comédie du pouvoir" (éd. Fayard), publié le 22 novembre 1977, retrace son expérience exceptionnelle au sein du gouvernement : « Du lieu même où se joue la comédie du pouvoir, ministre pendant trois ans, j’en ai vécu les scènes, côtoyé les interprètes, entendu les répliques. Cette situation m’a enseigné que, si bien informé que l’on soit, cette comédie est impénétrable à qui n’y a, pour sa part, participé. ».

Dans cet excellent poste d’observation (le rêve de tout journaliste politique), Françoise Giroud a évoqué à Michèle Cotta la lutte fratricide entre Valéry Giscard d’Estaing et son Premier Ministre Jacques Chirac dans ces termes : « C’est inouï, ce gouvernement ! Même une teinturerie ne marcherait pas dans ces conditions, avec un directeur et un sous-directeur aussi opposés ! » (10 mai 1976).

Le second, "Le Bon Plaisir" (éd. Mazarine), publié le 12 janvier 1983, décrit un Président de la République en exercice obsédé par sa réélection et qui demande à son Ministre de l’Intérieur d’éviter un scandale qui viendrait de l’annonce d’un enfant "adultérin" qu’il aurait eu avec une ancienne maîtresse. Françoise Giroud a assuré qu’il ne s’agissait pas de François Mitterrand et de sa fille Mazarine (et j’ai eu de bonnes raisons de croire qu’elle était sincère en disant cela).

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L’adaptation cinématographique réalisée par Francis Girod (le film est sorti le 18 janvier 1984 avec Catherine Deneuve dans le rôle de la maîtresse) apportait au Président (joué par le mystérieux Jean-Louis Trintignant) et au Ministre de l’Intérieur (joué par l’audacieux Michel Serrault) une ambiance plutôt giscardienne (avec Michel Poniatowski en compagnon des basses œuvres), même si, là aussi, Valéry Giscard d’Estaing n’avait pas plus inspiré son ancienne ministre. Laure Adler, dans sa biographie sur Françoise Giroud publiée le 19 janvier 2011 chez Grasset, évoquait, de son côté, un ministre en exercice de l’époque…


La véritable égalité entre les sexes au sein du pouvoir…

S’il fallait ne retenir qu’une seule citation de cette femme de lettres énergique, ce serait certainement celle-ci, très subtile mais très vraie : « La femme sera vraiment l’égale de l’homme le jour où, à un poste important, on désignerait une femme incompétente. » (Françoise Giroud).


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (21 septembre 2016)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Françoise Giroud.
Jean-Jacques Servan-Schreiber.
Monique Pelletier.
Simone Veil.
Valéry Giscard d’Estaing.
Pierre Mendès France.
Jacques Chirac.
Raymond Barre.
Maurice Faure.
Jean Lecanuet.
Gaston Defferre.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20160921-francoise-giroud.html

http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/francoise-giroud-la-femme-entiere-184809

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2016/09/21/34346465.html


 

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