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17 octobre 2016 1 17 /10 /octobre /2016 00:32

« Je supprimerai de mon vocabulaire mot après mot. Le massacre fini, un seul rescapé : Solitude. Je me réveillai comblé. » (Cioran, "De l’Inconvénient d’être né", 1973).



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La reconquête de Mossoul, ville tenue par Daech, par les forces irakiennes à partir de ce lundi 17 octobre 2016 pourrait être humainement catastrophique pour ses 1,5 million d'habitants. En Syrie, une ville de même importance croule déjà sous les bombes, Alep. Des milliers de civils sont tués, dont des centaines d’enfants. Personne ne peut rester insensible à cette boucherie. Une rencontre entre John Kerry et Sergueï Lavrov a eu lieu à Lausanne ce 15 octobre 2016. Le lendemain, c'était Jean-Marc Ayrault à Londres pour le même sujet.

Il y a une population de 300 000 personnes, dans les quartiers est d’Alep, qui subit depuis le 22 septembre 2016 une série de bombardements désastreux. Les bombes principalement russes visent uniquement la population civile (les soldats de Daech ont quitté Alep depuis longtemps), et n’hésitent pas à cibler d’abord les hôpitaux. C’est l’horreur. C’était déjà l’horreur depuis le 19 juillet 2012 pour cette capitale économique de la Syrie, deuxième ville du pays, occupée par 1,7 million d’habitants. Mais depuis quelques semaines, c’est l’horreur dans l’horreur. Une véritable purification politique.

Étranges sont ceux qui furent parmi les premiers à s’inquiéter du sort des chrétiens d’Orient et qui laissent les bombardements d’Alep dans un cadre de realpolitik (on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs). Étranges sont ceux qui accusent la France d’être à la botte des États-Unis et qui se mettent eux-mêmes volontairement à la botte de Vladimir Poutine (au point parfois de faire financer leurs activités politiques françaises par cette puissance étrangère, drôle de patriotisme).

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L’une des raisons de la situation actuelle d’Alep, c’est justement que les États-Unis se sont plutôt désintéressés de la situation, malgré quelques initiatives diplomatiques de John Kerry. Ils ont, au contraire, laissé faire. C’est ce constat d’impuissance qu’avait fait le candidat Alain Juppé, invité de "L’émission politique" le 6 octobre 2016 sur France 2.

Les États-Unis avaient donné pour seuil d’intervention (la "ligne rouge") l’emploi d’armes chimiques. Malgré cet emploi, les Américains n’ont rien fait. Vladimir Poutine a alors compris que les États-Unis laisseraient tout passer en Syrie, et la Russie n’a donc pas hésité à intervenir lourdement sur le terrain. Elle en profite pendant la campagne présidentielle américaine. Lorsque le nouveau Président des États-Unis (ou nouvelle Présidente) sera en fonction, la Russie aura déjà bien "nettoyé" la région.

Montrer du doigt les autres massacres pour excuser celui d’Alep ? Drôle d’argumentation : dénonçons plutôt, aussi, le carnage des civils au Yémen par l’armée saoudienne (avec des armes françaises en plus) au lieu d’excuser, voire de justifier les canons russes ! Et notamment le raid du 8 octobre 2016 à Sanaa qui a tué plus de 140 civils. Reconnu le 15 octobre 2016 comme une "erreur" par les autorités saoudiennes...

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Le résultat de cette horreur, ce sera l’exil de 300 000 nouveaux réfugiés syriens délogés de leurs quartiers déjà meurtris. Bizarre que ceux qui ferment les yeux sur cette boucherie soient aussi parmi ceux qui dénoncent la trop grande arrivée de réfugiés sur le territoire européen. Toujours cette incohérence récurrente chez ceux qui ne défendent pas les valeurs intrinsèques et universelles de l’humain.

Éradiquer Daech ? Les pauvres habitants d’Alep ne sont pas les soldats de Daech. Le groupe sectaire islamiste terroriste se moque bien d’un tel massacre. En revanche, après Homs (ville assiégée du 6 mai 2011 au 1er décembre 2015 ayant conduit au massacre de milliers de civils), la "prise" d’Alep intéresse Bachar El-Assad dans sa volonté de reprendre le contrôle politique de son pays dévasté.

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C’est vrai qu’il y a de quoi s’interroger sur les atermoiements du Président français François Hollande à recevoir ou non le Président russe Vladimir Poutine qui devait venir à Paris le 19 octobre 2016 (et qui y a renoncé le 11 octobre 2016) et sur la cohérence de la politique française en Syrie (et ce n’est pas nouveau).

Il est clair cependant que la France cherche avant tout à stopper le massacre d’Alep. Jean-Marc Ayrault, le Ministre français des Affaires étrangères, s’est rendu à Moscou le 6 octobre 2016 pour rencontrer son homologue russe Sergueï Lavrov (en poste depuis le 9 mars 2004), mais sans succès. Le lendemain, le 7 octobre 2016, Jean-Marc Ayrault est allé au Conseil de Sécurité de l’ONU défendre une résolution pour mettre fin aux bombardements à Alep. La Russie s’est trouvée isolée internationalement, seul le Venezuela l’a rejointe dans son opposition à la résolution française. Le Royaume-Uni a fait une tentative du même genre quelques jours plus tard.

Sur le parallèle entre la Syrie et le Yémen (l’Arabie Saoudite a commencé à intervenir le 25 mars 2015), le journal "Libération" a rappelé fort opportunément le 12 octobre 2016 une réflexion du politologue Laurent Bonnefoy, spécialiste des mouvements salafistes et de la péninsule arabique contemporaine.

Ce dernier a expliqué le 25 mars 2016 pour l’hebdomadaire "L’Express" : « Aussi graves soient les pratiques de l’armée saoudienne, il y a une vraie différence d’échelle entre les crimes commis par la coalition arabe au Yémen et l’armée syrienne. Sanaa n’est pas Homs ou Alep. Il n’y a pas de stratégie délibérée de pousser la population à quitter les villes. Le problème tient plus à l’incurie des pilotes, à leur manque de professionnalisme et au mépris des Saoudiens pour le Yémen. ».

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Le candidat à l’élection présidentielle Jean-Luc Mélenchon, soutien indéfectible de Vladimir Poutine, a donné toutes les bonnes excuses à la Russie le 11 octobre 2016 sur Public Sénat : « La guerre est toujours sale, elle est horrible, elle est abominable. ». Il n’empêche pas que tuer par milliers des civils ne donne aucune avancée utile face aux djihadistes de Daech, mais remplit un objectif politique précis, celui de maintenir au pouvoir le boucher Bachar El-Assad (le conflit syrien a coûté plus de 300 000 vies humaines).

Jean-Marc Ayrault a précisé la position de la France : « Si [la Russie] croit avoir une victoire sur Alep, il y aura un massacre. Et ça, ce n’est pas acceptable moralement. Par ailleurs, politiquement, cela ne ferait que renforcer des terroristes. Et ça, la France, qui est touchée en plein cœur, ne peut pas l’accepter. ».

Risque de renforcement du terrorisme et afflux nouveau et massif de réfugiés provenant d’Alep et fuyant le régime syrien, sont sans doute les deux principales motivations, au-delà de l’aspect purement moral, de la position de la France sur le siège d’Alep et sur l’attitude de la Russie.

En ce sens, la France ne met pas moins en pratique la realpolitik que les autres protagonistes, mais en prenant en compte ses propres intérêts. C’est peut-être cela qui a échappé aux laudateurs inconditionnels de Vladimir Poutine…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (17 octobre 2016)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Vladimir Poutine.
Le massacre d’Alep.
Le terrorisme islamiste.
Daech.
Chaque vie compte.
La peine de mort.
L’esprit républicain.
Être patriote.
Le Mali.
La Syrie.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20160922-syrie-alep.html

http://www.agoravox.fr/actualites/international/article/le-massacre-d-alep-185546

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2016/10/17/34436077.html



 

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