Petit tour des candidatures à la candidature au premier tour de l’élection présidentielle française du 23 avril 2017. Cinquième partie : la primaire du Parti socialiste (début).
En principe, Manuel Valls devrait annoncer sa candidature à la primaire socialiste ce lundi 5 décembre 2016 à 18 heures 30 depuis "sa" ville d’Évry. Il n’est pas sûr qu’il serait suivi par les "hollandistes" résiduels dont certains sont déjà allés rejoindre Emmanuel Macron. J’évoque donc ici l’organisation de cette primaire socialiste avant d’évoquer ultérieurement la probable candidature de Manuel Valls chargé de défendre le bilan désastreux du quinquennat.
Le jeudi 1er décembre 2016 a marqué l’ouverture de dépôt de candidature des candidats à la "primaire de la belle alliance populaire" que je résumerai en parlant de "primaire socialiste" ou de "primaire PS". Mais cette journée du 1er décembre 2016 a aussi été dominée par l’annonce surprise de François Hollande de ne pas briguer un nouveau mandat présidentiel, laissant la voie libre à son Premier Ministre Manuel Valls.
La "belle alliance populaire" (plus l’expression est jolie, plus la réalité est décevante), c’était en principe une coalition, la seule qui soutient le gouvernement actuel, regroupant le PS, le PRG et les "écologistes arrivistes" (c’est-à-dire ceux qui n’ont pas pu s’empêcher de revenir au gouvernement, à savoir Jean-Vincent Placé, Barbara Pompili, et Emmanuelle Cosse). Cette alliance a été présentée par Jean-Christophe Cambadélis le 12 avril 2016 mais dès le 29 juin 2016, le PRG a quitté cette pas si belle alliance (« suspend sa participation pour dénoncer la décision unilatérale du PS d’organiser une primaire »).
Organisation
Le 18 juin 2016, en effet, le conseil national du PS a annoncé son souhait d’organiser une primaire ouverte de la gauche, décision confirmée le 2 juillet 2016.
Pour être candidat, il y a des conditions de parrainages par des élus et des adhérents. Le dépôt des candidatures a lieu du 1er au 15 décembre 2016 et les scrutins ont lieu le 22 janvier 2017 pour le premier tour et le 29 janvier 2017 pour le second tour éventuel.
Autant dire que le calendrier même de cette primaire est fatal. Le PS avait cru être très malin en fixant une date après la primaire LR pour reprendre le monopole médiatique mais il faut bien dire les choses, par rapport à la primaire LR qui fut un vrai débat durant trois mois, et même par rapport à la primaire socialiste de 2011, la primaire PS version 2017 ne permettra aucun débat puisque la campagne commencera le 15 décembre 2016, soit au début des fêtes de Noël et de Nouvel an qui s’achèveront, après les galettes des rois, à peu près au moment de la tenue du premier tour.
De plus, pour l’organisation elle-même, l’une des clefs d’une primaire ouverte est le nombre de bureaux de vote. Plus il y en a, plus la participation est élevée. Or, la défaite des socialistes aux élections municipales de mars 2014 est une catastrophe à cet égard : il sera difficile au PS de trouver suffisamment de bénévoles et d’élus pour encadrer une telle primaire ("Les Républicains" avaient bénéficié de 80 000 bénévoles pour tenir les 10 228 bureaux de vote !).
Un signe qui n’a trompé aucun observateur : le samedi 3 décembre 2016 était organisée la convention nationale de la "belle alliance populaire" au Paris Event Center de la Porte de la Villette, à Paris, et au lieu des 10 000 participants prévus, à peine 2 000 sont venus, laissant des "trous" béants dans l’immense salle ! Aucun des ténors du PS, ni des "grands" candidats déclarés ou potentiels ne sont venus.
Le très grand succès de la primaire LR, qui a frôlé les 4,4 millions de votants apporte un élément de comparaison très ambitieux avec cette primaire PS qui a toutes les chances de se jouer plutôt avec le dixième de cette participation, tant ce parti socialiste est discrédité. Le candidat issu de cette primaire a en effet, pour l’instant, très peu de chance d’accéder au second tour de l’élection présidentielle de 2017, donc y participer relève certes d’un engagement militant mais certainement pas d’une contribution au choix final de l’élection présidentielle et peut dont s’avérer "inutile" pour de nombreux électeurs, même si quelques sympathisants "de droite" envisageraient d’y participer pour favoriser le candidat le plus "facile" (Arnaud Montebourg).
Les lapsus qui tuent !
La semaine dernière encore, c’était la confusion totale au sein du Parti socialiste pour l’élection présidentielle. Son premier secrétaire Jean-Christophe Cambadélis a bien résumé la situation, par son lapsus, sur France 2 le 28 novembre 2016 : « Le seul moyen de surmonter [la fragmentation de la gauche], c’est qu’il y ait une prière… une primaire massive. » ! Il est vrai qu’il faudrait un miracle pour que 2017 ne soit pas une débâcle encore plus désastreuse pour le PS que 1993 ou même 1969.
Autre lapsus provenant d’un proche de François Hollande, Didier Guillaume, le président du groupe socialiste au Sénat, qui disait, le 30 novembre 2016, que « François Hollande annoncerait sa démission vers le 10 décembre », et il n’a pas été repris ! Il voulait dire "candidature" puisque, a priori, personne sauf Manuel Valls et Jean-Pierre Jouyet n’avait été mis dans la confidence présidentielle.
Pourquoi ces lapsus si significatifs ? Parce que Manuel Valls n’a cessé, ces derniers mois, d’évoquer implicitement sa grande envie d’en découdre pour la présidentielle tout en disant à son (encore) Président de la République que celui-ci n’était plus en mesure de se présenter tant son discrédit est généralisé même parmi les derniers militants socialistes.
Ceux qui ont refusé d’être candidats
Avant François Hollande (le 1er décembre 2016), d’autres avaient déjà fait état de leur refus de se présenter à la primaire PS. La principale est évidemment la velléitaire maire de Lille Martine Aubry qui aurait pu pourtant rassembler un PS complément divisé et qui a renoncé dès le 19 août 2016.
Quant à Ségolène Royal, des rumeurs provenant des "hollandistes" la mettaient en avant pour s’opposer à l’ambition débordante de Manuel Valls, mais elle a dit plusieurs fois qu’elle avait déjà donné ! Le 2 décembre 2016, elle a rejeté une fois encore cette possibilité. On aurait pu imaginer que Ségolène Royal fût nommée à Matignon pour remplacer Manuel Valls parti à la bataille électorale, ce qui lui aurait donné une honorable fin de carrière politique et une reconnaissance historique de son rôle parmi les grands acteurs de la vie politique des vingt dernières années, mais ses déclarations scandaleuses à Cuba le 4 décembre 2016 sur Fidel Castro ont réduit ses chances de fin glorieuse… (Qui voudrait encore être le Premier Ministre de François Hollande ? Même le grand ami Jean-Yves Le Drian semblerait avoir décliné l’offre).
Les candidats ?
Malgré l’incertitude qui règne sur l’organisation d’une véritable primaire ouverte au PS, plusieurs personnalités de gauche ont déjà annoncé leur intention de se présenter. La plupart le font d’ailleurs pour donner un écho médiatique à leur petite inexistence politicienne. Le risque cependant est que se présenter à une telle primaire ne leur ferait pas sortir du leur nihilisme médiatique.
Une première perspective montre que les députés PS dits les "frondeurs" n’ont pas de candidat (Laurent Baumel, Christian Paul, etc.) et soutiennent des candidats différents. Pourtant, leur groupe assez homogène, opposé à la politique de François Hollande dès septembre 2012, prêt à voter la censure du gouvernement issu de leur propre parti, aurait eu une cohérence politique à présenter l’un des leurs, car ne sont pas des leurs ni Arnaud Montebourg ni Benoît Hamon, qui furent tous les deux ministres quand ils ferraillaient contre le gouvernement, donc contre ces ministres-là aussi.
Manuel Valls et Christiane Taubira ?
L’annonce de retrait de François Hollande a laissé un boulevard à l’ambition de Manuel Valls. J’y reviendrai une fois sa probable candidature confirmée.
Quant à Christiane Taubira, j’aurais tendance à considérer qu’elle n’aurait que des coups à prendre à s’immiscer dans ces débats, et son incapacité à choisir et à conserver des collaborateurs lui donne une bien mauvaise disposition à construire une équipe de campagne efficace et gagnante. Christiane Taubira fut l’une qui a rendu le mieux hommage à François Hollande le 1er décembre 2016, parlant d’un « moment de dignité comme la politique en était devenue avare. L’exigence pour les gauches est colossale. ».
Arnaud Montebourg (54 ans)
Le plus important et le plus redoutable des candidats à cette primaire est Arnaud Montebourg, ancien Ministre de l’Économie du 16 mai 2012 au 25 août 2014. Il a annoncé sa candidature le 21 août 2016 (sans préciser dans quel cadre il serait candidat, primaire ou pas) et l’a confirmée le 2 octobre 2016. Ses disciples parlent de sa cohérence : il aurait cherché à imposer ses vues au gouvernement, "on" n’aurait pas voulu l’écouter, alors il aurait démissionné. La réalité est évidemment bien différente : Arnaud Montebourg avait fait un deal avec Manuel Valls en mars 2014. Il n’était donc pas du tout question de démissionner mais d’avaler son chapeau pour son ambition. Et en août 2014, il a été limogé ! Comme Delphine Batho.
Contrairement à ce que soutiennent ses partisans, il a pris position en faveur de François Hollande à la primaire socialiste du 16 octobre 2011, contre Martine Aubry. Il n’est pas à une contradiction près puisque favorable à l’interdiction de cumuler les mandats, il a néanmoins fait comme les copains, en cumulant son siège de député et la présidence du conseil général de Saône-et-Loire.
L’ambition d’Arnaud Montebourg suinte à tous les étages de la République. Ne connaissant rien à la vie économique, il a été responsable pendant deux ans de l’économie française. Pire : une fois débarqué, il a pris des cours à HEC pour savoir ce qu’était une entreprise. C’est bien, mais c’est tardif. Il y a de quoi être stupéfait qu’un ministre se forme après l’avoir été, pas avant ! C’est une reconnaissance de son incompétence. "Capteur" d’idées, il avait repris à Bercy le thème du "fabriqué français" introduit par François Bayrou pendant la campagne présidentielle de 2012 (il avait aussi "capté" le mot "démondialisation").
Après avoir quitté le gouvernement, il s’est retrouvé le numéro deux du groupe Habitat. Il a le droit mais on peut quand même douter ensuite que ses idées sur certains sujets économiques qui touchent ce groupe privé soient motivées pour des raisons autres que purement intéressées…
Prêt à s’effacer devant l’éventuelle candidature de Christiane Taubira (qui sauverait probablement l’honneur des socialistes), Arnaud Montebourg a ainsi justifié sa candidature le 1er décembre 2016 en n’hésitant pas à partitionner le peuple français avec l’expression "peuple de gauche" : « Le peuple de gauche désespère de ses dirigeants qui multiplient les actes de division. Dans cette multifracturation et la poursuite de l’émiettement, la primaire de la gauche est l’outil du rassemblement. (…) C’est l’air du grand large qui s’engouffre dans les partis, qui les bouscule lorsqu’ils veulent imposer leurs candidatures, leurs projets, leurs éléphants et leurs dinosaures. Libérons-nous des figures et des visages imposés, des stratégies diviseuses des appareils, emparons-nous de la primaire comme on se saisit de sa propre liberté. C’est la raison pour laquelle je suis venu déposer ma candidature aujourd’hui (…). Pour affronter un tel candidat ultra-libéral [François Fillon], il ne faut pas un candidat social-libéral, il faut au contraire un candidat au cœur des gauches, qui rassemble la gauche sociale, la gauche du travail, la gauche des valeurs et la gauche entrepreneuriale. » (il faudra qu’il explique ce qu’est la "gauche entrepreneuriale" et quelle est la différence avec le social-libéralisme qu’il entend affronter).
Benoît Hamon (49 ans)
Benoît Hamon, dauphin idéologique d’Henri Emmanuelli, ancien banquier de chez Rothschild, est, comme Arnaud Montebourg, assez ingrat envers celui qui l’a nommé parmi les premiers ministres du gouvernement (dans l’ordre protocolaire), au prestigieux Ministère de l’Éducation nationale du 2 avril 2014 au 25 août 2014 après avoir été un obscur sous-ministre chargé de la Consommation du 16 mai 2012 au 31 mars 2014.
Prenant de vitesse Arnaud Montebourg, devenu son rival, Benoît Hamon a annoncé sa candidature le 16 août 2016. Lui aussi a accepté le "tournant" de septembre 2012 et a accepté le leadership de Manuel Valls au sein de l’exécutif en avril 2014. Lui aussi fut débarqué par ce dernier en août 2014 pour préserver la solidarité gouvernementale. C’est donc un déchu du vallsisme qui se présente et pas un "frondeur" ni un "dissident".
Le 28 novembre 2016, Benoît Hamon a fait un appel désespéré à ses amis pour faire vivre sa page Facebook : « Je sollicite votre aide pour faire battre le cœur de ma page Facebook. Ma conviction est que la bataille de la mobilisation va également se jouer sur les réseaux sociaux. (…) Si ce n’est pas déjà fait, je vous invite tout d’abord à aimer ma page, puis à la partager au plus grand nombre. ». C’est de la grande politique ! Cette supplication égocentrée quasi-infantile donne une petite idée de ses priorités nationales et de ses considérations pour l’intérêt général…
Marie-Noëlle Linemann (65 ans)
Une des enfants terribles du PS (adjointe au maire à 25 ans, conseillère générale à 27 ans, parlementaire européenne à 32 ans), Marie-Noëlle Lienemann a fait partie, avec Julien Dray et Jean-Luc Mélenchon, de la "Gauche socialiste", courant créé par eux trois en 1991 à l’aile gauche du PS (même si dans les années 1970, elle était rocardienne et au congrès de Rennes, en 1990, elle était fabiusienne).
Professeur de collège en physique, elle a multiplié de nombreux mandats politiques : députée, députée européenne, maire, conseillère générale, conseillère régionale, membre du Conseil économique, social et environnemental, elle est maintenant sénatrice, et elle fut sous-ministre au Logement du 2 avril 1992 au 29 mars 1993 et du 27 mars 2001 au 6 mai 2002. Après avoir rejoint François Hollande en mai 2003, elle fut élue première adjointe au maire de Hénin-Beaumont en 2008 (ville passée dès le premier tour au FN en mars 2014).
Politicienne multimandats, elle fut élue à la fois de l’Essonne, du Pas-de-Calais et de Paris en fonction des aléas de sa vie électorale et politique (elle a failli se présenter aux municipales à Amiens en 2014 et aussi en Seine-et-Marne). Cependant, malgré cette professionnalisation de la vite politique (comme Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon, elle n’a jamais connu que cela à part les premières années de sa vie active), Marie-Noëlle Lienemann est sans doute la candidate la plus authentique politiquement, défendant une ligne à l’aile gauche (comme la plupart de ses rivaux actuels de la primaire PS). Elle a déclaré sa candidature le 24 mars 2016.
François de Rugy (42 ans)
Député écologiste depuis juin 2007, François de Rugy a annoncé sa candidature le 12 juillet 2016. Ayant provoqué la scission de Europe Écologie et faisant partie du courant pro-Hollande, François de Rugy a préféré se présenter à la primaire PS et pas à la primaire EELV afin de rendre pluraliste une primaire à l’origine uniquement socialiste. Président du groupe EELV entre 2012 et 2015, il fut élu le 17 mai 2016 vice-président de l’Assemblée Nationale après la démission de Denis Baupin pour scandale de harcèlement.
Il représente l’aile pragmatique et centriste des écologistes de gouvernement, et également, l’aile opportuniste, mais le seul à ne pas avoir été nommé ministre (de ceux cités plus haut).
Autres candidats
Comme pour la primaire LR, la primaire PS a attiré de nombreuses autres candidatures pour renforcer une notoriété quasi-inexistante.
Les plus "connus" sont notamment Jean-Luc Bennahmias (61 ans), déclaré le 12 août 2016, ancien député européen, ancien Vert, ancien ModDem, devenu écolo-hollandiste ; Gérard Filoche (70 ans), déclaré le 14 juin 2016, ancien inspecteur du travail, utopiste gauchiste du PS ; Pierre Larrouturou (52 ans), déclaré le 1er décembre 2016, ancien socialiste, ancien centriste, ancien écologiste, ancien "Nouvelle donne" (mouvement qu’il a créé en 2013 et dont il a été exclu en 2016), économiste en mal de publicité qui veut diminuer le temps de travail ; et quelques autres…
La confusion au bord de l’inexistentialisme
Jusqu’au 1er décembre 2016, il y avait deux écoles en débat à propos de cette primaire socialiste.
D’une part, les proches de François Hollande voulaient s’affranchir de ce passage qu’ils considéraient comme inutile et pesant pour un chef de l’État. Pressé par le PS, pressé par Manuel Valls, François Hollande a finalement résolu ce problème en supprimant le problème lui-même : en capitulant avant la bataille !
D’autre part, les proches d’Arnaud Montebourg et les proches de Manuel Valls veulent absolument la tenue de cette primaire. Sans l’objectif de la gagner, la première primaire de 2011 les avait hissés à un niveau politique très élevé. Ils considèrent aujourd’hui que leur "poulain" peut la gagner en 2017 et que s’il ne gagnerait probablement pas l’élection présidentielle, il gagnerait au moins l’appareil du Parti socialiste, ce qui n’est pas historiquement et financièrement négligeable pour la campagne présidentielle de …2022.
Comme on l’avait pressenti dès octobre 2011, le PS va essentiellement se polariser sur le clivage entre Valls et Montebourg. Enfin, si le PS existe toujours après le cataclysme de 2017…
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (05 décembre 2016)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Primaire socialiste de 2017 (début).
Primaire socialiste de 2011.
Primaire EELV de 2016 (fin).
Primaire EELV de 2016 (début).
François Hollande.
Manuel Valls.
Arnaud Montebourg.
Jean-Luc Mélenchon.
Emmanuel Macron.
Christiane Taubira.
Martine Aubry.
Benoît Hamon.
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20161201-prepresidentielle2017-ae.html
http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/premices-prepresidentielles-2017-5-187242
http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2016/12/05/34650353.html
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