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13 décembre 2016 2 13 /12 /décembre /2016 03:49

« Siège de l’UMP. Je viens proposer à Xavier Bertrand de travailler sur le déclassement pour le compte de l’UMP. Occasion de leur montrer que je sais jouer collectif. Et apporter encore plus à l’UMP. Pas de bol : il me suggère de réfléchir sur la jeunesse. Pourquoi moi ? Réponse : "Personne ne veut travailler dessus. Et personne à l’UMP ne sait parler aux jeunes". Rama est à nouveau priée de prendre les coups sur les sujets dont personne ne veut à droite ! Du coup, j’anticipe les problèmes, l’isolement dans lequel je vais travailler, l’absence de priorité gouvernementale sur la question, l’agressivité des jeunes qui n’aiment pas Sarkozy. (…) Bon, je vais y réfléchir. À contrecœur. » (8 avril 2010, dans "Carnets de pouvoir, 2006-2013").



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L’ancienne Secrétaire d’État aux Droits de l’Homme (du 19 juin 2007 au 23 juin 2009) puis aux Sports (du 23 juin 2009 au 13 novembre 2010) de Nicolas Sarkozy, Rama Yade, fête ce mardi 13 décembre 2016 ses 40 ans. Elle fête en même temps une décennie de vie politique assez atypique : son intervention remarquée le 14 janvier 2007 au congrès d’investiture du candidat Nicolas Sarkozy lui avait apporté son "ticket ministériel".

Toujours classée assez haut dans les sondages de popularité, le jeune espoir qu’elle était n’a cependant pas percé dans le monde politique. Sa dernière tentative de refaire surface, en annonçant le 21 avril 2016 sa candidature à l’élection présidentielle, risque de faire un flop électoral comme ses dernières aventures électorales.

Lorsque le 1er avril 2010, il y a six ans et demi, je m’étais amusé, en guise de poisson d’avril, à l’imaginer comme un cheval de Troie de Nicolas Sarkozy dans la galaxie centriste, j’avais vu à la fois juste et faux. Juste car je pressentais bien que Rama Yade était forcément plus proche du centre que de l’aile musclée de l’UMP de l’époque, alors que son unique engagement était purement sarkozyste. Faux car elle avait trop déçu Nicolas Sarkozy depuis trois ans pour qu’il ait pu imaginer lui confier une mission politique aussi "délicate" que celle de torpiller le centre.

En refusant de faire comme sa collègue à la Justice Rachida Dati, à savoir, en refusant de se présenter aux élections européennes du 7 juin 2009, pour rester au gouvernement, elle s’est enfermée dans une ambition très personnelle que seule une haute popularité a pu continuer à nourrir aussi longtemps dans son isolement.

Car cela ne l’a pas empêchée d’être éjectée du gouvernement le 13 novembre 2010 lors du grand remaniement de mi-mandat qui aurait pu hisser le centriste Jean-Louis Borloo à Matignon (selon les fausses rumeurs). Elle se retrouva simple conseillère régionale d’Île-de-France, élue en mars 2010 (jusqu’à décembre 2015).

C’est d’ailleurs par Jean-Louis Borloo (également démissionnaire, dégoûté du discours à Grenoble du 30 juillet 2010) que Rama Yade adhéra au Parti radical valoisien le 15 décembre 2010 et qu’elle devint première vice-présidente du Parti radical valoisien le 18 octobre 2011.

Sa courte nomination comme ambassadrice de la France à l’Unesco (du 22 décembre 2010 au 15 juin 2011) ne perturba d’ailleurs pas ses engagements partisans. Le 8 avril 2011, suivant toujours Jean-Louis Borloo, elle quitta l’UMP comme l’ensemble du Parti radical valoisien. À l’époque, les radicaux militaient pour une candidature de Jean-Louis Borloo à l’élection présidentielle de 2012.

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Pourquoi était-ce un honneur pour une formation centriste d’accueillir Rama Yade ? Parce que Rama Yade est une "star", une star des médias, une star des sondages. Par sa personnalité, par ses coups de gueule aussi (on se souvient son opposition à la venue à Paris de Mouammar Kadhafi), par sa jeunesse, par sa féminité aussi, Rama Yade a séduit les galeries médiatiques.

De plus, dans la situation de 2010 (cela reste encore valable en 2016), si l’on prend en compte l’ensemble des centristes, toutes chapelles confondues, il n’y a que deux "leaders" qui ont émergé réellement depuis une quinzaine d’années, François Bayrou et Jean-Louis Borloo, tous les deux nés en 1951, et aucun de la génération suivante n’est parvenu à se faire assez de place pour compter politiquement et médiatiquement. L’arrivée de Rama Yade, dont l’âge permettait d’imaginer des projets de longue haleine, une préparation pour un horizon présidentiel plus lointain que 2012 ou 2017, pouvait donc redonner un nouveau visage à cette galaxie centriste un peu désordonnée depuis 2002.

Hélas pour les centristes, tout son crédit politique, elle l’a dilapidé en quelques années voire en quelques mois. Le 15 décembre 2011, en raison d’une fausse domiciliation, elle fut radiée des listes électorales de Colombes dont elle était une conseillère municipale d’opposition (élue en mars 2008). C’est pourtant le B. A. BA du bon candidat : sécuriser sa domiciliation là où l’on veut être élu. Je ne suis donc même pas sûr qu’elle ait pu voter pour l’élection présidentielle de 2012 !

Évidemment, ce n’est pas cette radiation qui a eu le plus de conséquence sur elle, mais plutôt sa légèreté. Légèreté politique sur le fond et sur la démarche.

La démarche très personnelle : elle s’est fâchée avec l’appareil de l’UMP lorsqu’elle s’est (courageusement) présentée le 10 juin 2012 dans la 2e circonscription des Hauts-de-Seine, celle du député sortant UMP Manuel Aeschlimann, ancien et futur maire d’Asnières-sur-Seine, avec le soutien du MoDem alors que le MoDem avait fait équipe avec Sébastien Pietrasanta pour ravir au député sortant la mairie d’Asnières en mars 2008 et finalement sa circonscription en juin 2012 (Rama Yade, avec seulement 13,8% des voix, a été éliminée dès le premier tour et a apporté son soutien ...à Manuel Aeschlimann).

On aurait pu croire que cet acte de bravoure lui aurait facilité son introduction chez les centristes. Ce fut au début un peu le cas. Le 22 octobre 2012, elle a adhéré à l’UDI qui venait juste de se créer, regroupant une grande partie des chapelles centristes sous la houlette de Jean-Louis Borloo. Elle fut même propulsée à la très stratégique présidence de la commission des investitures de l’UDI.

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Après le retrait de Jean-Louis Borloo le 6 avril 2014, Rama Yade a pensé qu’elle pouvait lui succéder à la présidence du Parti radical. Face à elle, Laurent Hénart, ancien secrétaire d’État de Jacques Chirac, secrétaire général sortant de la formation radicale, fut élu sans trop de difficulté, lui radical depuis vingt-cinq ans à bonne école, celle de Nancy, dont il venait d’être brillamment élu maire en mars 2014, succédant à l’ancien ministre André Rossinot, président "historique" du Parti radical dans les années 1980.

Laurent Hénart a été élu président du Parti radical (continuant à suivre son mentor nancéie sur ses traces) le 22 juin 2014 avec 61,3% (par vote des adhérents), malgré une campagne médiatique très hostile orchestrée par Rama Yade pendant les semaines précédentes.

Refusant de s’avouer vaincue, elle a contesté ces résultats au point d’avoir déposé le 26 septembre 2014 une assignation auprès du tribunal de grande instance de Paris pour demander l’annulation de cette élection ! À ma connaissance, dans la période contemporaine, c’est un fait de défiance sans précédent dans une formation politique, même aux pires heures des divisions au sein de l’UMP, en novembre 2012, la justice française n’avait pas eu à se prononcer. Résultat, Rama Yade a été déboutée le 19 mai 2015 et a été condamnée à payer les frais de justice.

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Elle aurait notamment protesté car une adhérente de Cherbourg lui aurait affirmé qu’elle n’avait pas pu voter… alors qu’elle était morte depuis quatre mois ! Rama Yade a cependant démenti avoir été l’auteur du message électronique ci-dessus qu’elle a qualifié de faux le 2 octobre 2014. C’est possible, car la désinformation a pu provenir des deux camps. Le message est pourtant vraisemblable, car Rama Yade avait pris un nom de domaine tentant à croire qu’elle était déjà élue : ramayade(at)presidence-radicale.fr (ce nom de domaine a été acheté le 20 avril 2014 et a été encore renouvelé le 20 avril 2016 !).

D’ailleurs, elle avait inondé les adhérents de messages électroniques de ce type, pour dénigrer la direction du Parti radical, ce qui a abouti finalement à son exclusion de ce parti le 25 septembre 2015, et à une menace de plainte au pénal pour atteinte à la loi Informatique et Libertés par l’utilisation des fichiers des adhérents. Les radicaux ont soupçonné cet acharnement judiciaire contreproductif de Rama Yade d’être en corrélation avec le retour en politique de Nicolas Sarkozy (le 19 septembre 2014).

Entre temps, Rama Yade fut battue le 3 février 2015 par Chantal Jouanno pour être la chef de file de l’UDI aux élections régionales en Île-de-France pour décembre 2015. Celle qui fut élue présidente de la région avec le soutien de LR, de l’UDI et du MoDem, Valérie Pécresse, refusa la présence de Rama Yade sur ses listes.

Sur le fond, Rama Yade est, là aussi, assez décevante. Son intelligence n’est pas mise en doute et elle a du talent dans sa capacité à communiquer. Mais hélas, cela ne remplace pas une vision politique et une démarche de travail sérieuse et solide comme a pu avoir François Fillon dont la victoire à la primaire LR est directement en rapport avec ses efforts.

Rama Yade a du talent mais n’est pas assez "travailleuse", ce qui lui donne des airs de légèreté. De manque de densité politique. J’évoque juste un souvenir : la construction européenne est un thème majeur pour les centristes. Les élections européennes sont donc l’occasion (rare) de débattre sur l’Europe. Le 17 octobre 2013, j’ai pu entendre Rama Yade dire assez lâchement que les élections européennes du 25 mai 2014 seraient très difficiles avec la montée du Front national et qu’il valait mieux en faire l’impasse et passer à autre chose !

Avec ce genre de raisonnement, il vaut mieux laisser les instituts de sondages choisir les élus et arrêter de faire de la politique… (la lecture de son journal de bord est d’ailleurs assez effarante de légèreté : "Carnets du pouvoir, 2006-2013", publié le 26 septembre 2013 aux éditions du Moment, et justement, sur les plateaux de télévision, elle semblait plus se préoccuper de vendre son bouquin que de faire vraiment de la politique).

Rama Yade aura même tenté d’exister le soir du 27 novembre 2016, en pointant du doigt ses anciens "amis" centristes qui avaient tout misé sur la candidature d’Alain Juppé, et en disant qu’elle était la véritable et seule candidate du centre. Le problème, c’est qu’elle ne représente tellement qu’elle seule qu’elle va avoir beaucoup de mal à convaincre les maires de la parrainer…

Bon anniversaire Rama, mais franchement, quel gâchis !


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (13 décembre 2016)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
La fée qui brûle.
Jean-Louis Borloo.
Laurent Hénart.
Nicolas Sarkozy.
Le décentrage de l’UMP.
L’éclatement de l’UMP.
Rama Yade et la Chine.

_yartiYadeRama2016A04


http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20161213-rama-yade.html

http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/rama-yade-la-fee-qui-brule-tout-ce-187419

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2016/12/13/34674258.html



 

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