« La solidarité n’est pas une attitude facultative, ce n’est pas une charité collective, c’est une valeur sociale. Et elle exige de nous sa place dans la cité. » (Pape François, le 25 mai 2013).
Après quelques semaines de silence médiatique, à la suite de sa grande victoire à la primaire de la droite et du centre le 27 novembre 2016, François Fillon a fait son retour dans le débat public le même jour que la présentation des programmes de deux candidats à la primaire socialiste, Manuel Valls et Vincent Peillon. Avant de se rendre, accompagné de Nathalie Kosciusko-Morizet et de Pierre Gattaz, au grand salon de la haute technologie, le Consumer Electronics Show (CES) qui se tient à Las Vegas du 5 au 8 janvier 2017, pour parfaire son image de modernité et de "geek", lui, le traditionnel dans sa personnalité et dans ses attitudes.
L’ancien Premier Ministre François Fillon a été l’invité du journal de 20 heures ce mardi 3 janvier 2017 sur TF1. Une dizaine de minutes pour rappeler qu’il entendait bien peser en janvier sur le débat électoral sans laisser le PS seul occuper les antennes. Il a d’ailleurs annoncé qu’il ferait son premier grand meeting électoral le dimanche 29 janvier 2017 à la Villette, à Paris, le jour même du second tour de la primaire du PS.
Il était interrogé sur les deux aspérités de son programme présenté lors de la primaire LR : la réduction du nombre des fonctionnaires et la réforme de la sécurité sociale.
François Fillon a rappelé d’abord une évidence, notamment en direction de soi-disant souverainistes : l’indépendance de la France est menacée lorsqu’elle a une dette publique de plus de 2 000 milliards d’euros. Cela veut dire que le pays dépend de groupes financiers privés étrangers qui financent cette dette. Or, si ce diagnostic est largement partagé dans la classe politique, il n’est que rarement suivi du remède logique : il faut réduire la dette, en finir avec les déficits publics et donc réduire la voilure de l’État et de la puissance publique en général (collectivités locales en particulier qui ont créé plus d’un million de postes de fonctionnaire dans les dernières décennies). Les dépenses publiques correspondent à 57% du PIB.
C’est parce qu’il souhaite préserver la souveraineté de la France qu’il veut assainir les finances publiques dont le principe structurel du déficit avait été accepté initialement par François Mitterrand puis utilisé par ses successeurs pour des raisons principalement clientélistes.
De même, la nécessité de réformer la sécurité sociale est rarement remise en cause mais la faire est une autre affaire. C’est justement préserver le modèle social français que réformer la sécurité sociale. François Fillon a pointé du doigt l’incapacité de nombreuses personnes à se soigner les dents ou les yeux parce que les lunettes et les prothèses dentaires (peut-être faudrait-il aussi ajouter les prothèses auditives) sont trop mal remboursées et sur des bases complètement fictives et irréalistes. Là encore, l’idée de François Fillon est de dire qu’un rhume anodin peut être pris en charge par le patient lui-même pour permettre de pérenniser l’aide publique à ceux qui ont des maladies graves.
François Fillon a eu besoin de contre-attaquer sur ces deux sujets car il a été très attaqué lors de la primaire LR puis après sa victoire, des sujets qu’il exposait déjà depuis deux ans, et cela sans remous médiatiques… Il a notamment martelé : « Ma position a été caricaturée de manière scandaleuse. ».
François Fillon a l’habitude de se revendiquer du "gaullisme social", ce qui est une expression sans beaucoup de signification politique (on peut rajouter "social" à tout, même au libéralisme !), une sorte d’étendard, et il a l’habitude aussi de se référer à la figure tutélaire de Philippe Séguin. Une "protection" politique qu’il n’a jamais cessé d’évoquer, lui qui a réalisé les deux grandes réformes des retraites, en 2003 comme Ministre des Affaires sociales et en 2010 comme Premier Ministre.
Il a ainsi montré par l’expérience qu’il savait réformer jusqu’au bout pour sauver le système des retraites : il a même cité François Chérèque, l’ancien secrétaire général de la CFDT qui vient de mourir le 2 janvier 2017, qui avait participé à la concertation pour permettre aux travailleurs aux carrières longues de bénéficier plus tôt de leur retraite.
Comme pour donner un argument d’autorité incontestable, François Fillon s’est prévalu de ses deux références : « Je suis gaulliste et, de surcroît, je suis chrétien. » pour préciser immédiatement : « Je ne prendrai pas de décision contraire au respect de la dignité humaine. ».
Cette petite phrase va sans doute le caractériser pour longtemps pendant cette campagne présidentielle. Elle est même "fondatrice". Si cela peut paraître normal et même banal de ne pas porter atteinte à la dignité humaine (surtout en tant que Président de la République), c’est clair qu’après Jacques Chirac, ce n’était plus une évidence élyséenne et que cela a le mérite surtout de rassurer ceux qui pourraient en douter.
D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si le même jour, François Fillon a visité un centre Emmaüs dans le 19e arrondissement de Paris, dix ans après la mort de l’Abbé Pierre. Il considère que le système actuel a produit cette dizaine de millions de personnes tombées dans la pauvreté, et qu’il faut le changer "radicalement" pour effacer cette injustice sociale. Et dans l’esprit de François Fillon, la seule priorité qui compte est l’emploi, car sans emploi, pas de capacité de se développer, de s’épanouir par soi-même et en toute indépendance et dignité.
On critique François Fillon en le considérant comme "ultra-libéral" alors qu’il n’y a pas beaucoup de libéralisme économique, justement, dans ses préoccupations qui restent avant tout sociales : son objectif est de faire redémarrer économiquement la France pour atteindre le "plein emploi". On croit depuis quarante ans que ce n’est plus possible et pourtant, l’Allemagne a réussi en dix ans. Publiées le 3 janvier 2017, les statistiques en Allemagne sont élogieuses : il y a seulement 6% de demandeurs d’emploi. La France en compte près du double ! En 2003, l’Allemagne s’était courageusement engagée dans de profondes réformes structurelles qui ont porté leurs fruits en une dizaine d’années. Le budget de l’État allemand est même bénéficiaire, et la balance du commerce extérieur très excédentaire. C’est ce courage politique que François Fillon porte dans cette campagne.
La revendication chrétienne est une première pour un candidat à l’élection présidentielle de premier plan. Tous les prédécesseurs de François Hollande furent plus ou moins chrétiens et plus ou moins pratiquants mais ne l’avaient jamais revendiqué. Cette revendication n’est pas incompatible avec la laïcité qui, au contraire, assure la neutralité de la République et permet la pratique de la religion à tous, donc y compris au Président de la République et à ceux qui aspirent à le devenir.
En assumant clairement son christianisme ainsi que son gaullisme, François Fillon s’inscrit dans une tradition bien particulière, celle du MRP, l’ancien parti des résistants démocrates-chrétiens, dont beaucoup de membres furent également gaullistes, à l’instar de Maurice Schumann (la voix de la France à la BBC), Edmond Michelet et Jean Charbonnel, tiraillés entre leurs inspirations démocrates-chrétiennes et leur fidélité au Général De Gaulle.
C’est un marqueur qui, à l’évidence, peut recentrer le candidat François Fillon souvent décrit comme "conservateur" (pour un promoteur d’une "réforme radicale", il y a plus conservateur !) et comme un "catholique" dans le sens implicitement "intégriste" (ce qu’il n’a jamais été).
Le pape François a dit le 24 novembre 2013 : « Personne ne devrait dire qu’il se tient loin des pauvres parce que ses choix de vie lui font porter davantage attention à d’autres tâches. (…) Même si l’on peut dire en général que la vocation et la mission propre des fidèles laïcs sont la transformation des diverses réalités terrestres pour que toute l’activité humaine soit transformée par l’Évangile, personne ne peut se sentir exempté de la préoccupation pour les pauvres et pour la justice sociale. ».
Alors, François Fillon, candidat des pauvres ? Cela peut paraître étonnant, mais après tout, les candidats (réellement conservateurs) qui refusent obstinément toute transformation en profondeur du système actuel ne peuvent pas vraiment satisfaire les millions de personnes qui en sont actuellement les victimes…
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (04 janvier 2017)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
François Fillon, gaulliste et chrétien.
Qu'est-ce que le fillonisme ?
Programme de François Fillon pour 2017 (à télécharger).
Discours de François Fillon à Sablé le 28 août 2016 (texte intégral).
Discours de François Fillon à Paris le 18 novembre 2016 (texte intégral).
François Fillon, pourquoi est-il (encore) candidat en 2016 ?
Débat avec Manuel Valls.
Force républicaine.
Discours du 30 mai 2015 à la Villette.
Philippe Séguin.
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20170103-fillon.html
http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/francois-fillon-gaulliste-et-188196
http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2017/01/04/34763023.html
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